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l'Est à l'Ouest. Bientôt la carte du royaume fut dressée. Plusieurs excellens géographes, qu'on appela Cassinistes, parcoururent la France dans toute son étendue, et en firent la description topographique la plus fidèle et la plus détaillée. Aussitôt que Clairaut, d'Alembert, Lacaille, Bouguer et La Condamine avaient fait des découvertes ou rectifié des calculs, la navigation, la géographie, l'optique, la mécanique, l'hydraulique recevaient de nouveaux développemens. On cherchait depuis long-temps à déterminer la longitude sur mer avec une précision qui s'obtient facilement pour la latitude. L'observation des satellites de Jupiter, découverts par Galilée dans le siècle passé, offrait quelques inconvéniens. La connaissance la plus exacte de la marche de la lune dans son orbite parut un moyen plus assuré. Clairaut, Euler et d'Alembert unirent leurs travaux pour cet objet, et la gloire d'une théorie fondée sur des calculs difficiles se partage entre ces trois noms. Le gouvernement chargea, en 1750, l'abbé de Lacaille d'aller observer la parallaxe de la lune au cap de Bonne-Espérance, tandis que Lalande l'observait à Berlin; et l'on connut par le rapport de ces deux astronomes, la distance de

la lune à la terre à cinquante lieues près. Le voyage du premier rendit un autre genre de service à l'astronomie: l'abbé de Lacaille mesura un degré du méridien au cap, observa les étoiles de l'hémisphère austral, et donna des noms à des constellations nouvelles. La marche des planètes, des comètes, des satellites de Jupiter et de Saturne, était chaque jour calculée avec une exactitude plus rigoureuse. Dès qu'une révolution céleste était annoncée, les savans français se vouaient à des courses lointaines, el regardaient comme le plus grand bonheur que

le gouvernement consentît à leurs travaux et à leurs dangers. Ils attendaient surtout avec impatience le passage de la planète de Vénus sur le disque du soleil. Un astronome anglais, Halley, depuis plus de vingt ans, l'avait annoncé pour le 6 du mois de juin 1761. Le père Pingré, Le Gentil et l'abbé Chappe s'embarquaient déjà pour aller à de grandes distances, observer cet événement astronomique qui a fait connaître la distance du soleil à la terre. J'aurai à parler dans un autre Livre du résultat de cette nouvelle expédition de savans. Bouguer, dans son Traité sur la navigation, s'offrait déjà comme un guide aux immortels voyageurs qui devaient

bientôt faire et répéter en plusieurs sens, le tour du globe. Deux savans horlogers, Le Roi et Berthoud, préparaient pour eux des montres marines et des instrumens astronomiques d'une rare perfection. Danville éclaircissait avec génie les obscurités de la géographie des anciens; et, sans sortir de son cabinet, il rendait des oracles qui étaient presque toujours vérifiés sur les lieux même. Deux hommes, que nous avons vus dans leur vieillesse retracer tout ce qu'on nous raconte de la frugalité des philosophes anciens, et les surpasser peut-être en modestie et en bienveillance, Adanson et Anquetil, pénétraient avec le courage et l'ardeur de la jeunesse, l'un dans l'Inde et l'autre dans le Sénégal. Le premier cherchait les trésors d'une science antique, et l'autre commençait à faire en plantes la récolte de l'Afrique, comme Jussieu avait commencé celle du Nouveau-Monde. Les deux frères de ce dernier s'associaient à la gloire de ses travaux en botanique. Cette science venait de trouver son Newton; toute l'Europe savante adoptait avec admiration la méthode et la nomenclature du grand Linnée. Les Français éprouvèrent, en voyant ce nouveau systême succéder à celui de Tournefort, le même chagrin

qu'ils avaient montré lorsque Newton détrôna Descartes; mais la vanité nationale céda après une faible résistance. Ce fut en vain que Buffon employa contre le professeur· d'Upsal, l'arme puissante du ridicule; ses objections parurent frivoles, et Linnée imposa ses lois aux botanistes français. Poivre étudiait l'agriculture de la Chine, et préparait les belles et honorables conquêtes qu'il voulait faire pour la culture des colonies. Un homme, à qui rien de ce qui pouvait servir son pays et l'humanité n'était étranger, Duhamel, cherchait à tirer l'agriculture de France de la langueur où elle était tombée depuis près d'un siècle. Dans la médecine, quoique la France n'eût point produit un Boërhave ni un Stahl, l'école de Montpellier, dirigée par Théophile Bordeu, faisait de grands efforts pour substituer les leçons de l'expérience et les fruits de l'étude à ces systêmes hasardés, à ces pratiques exclusives qui rendaient encore plus obscure une science malheureusement conjecturale. La chirurgie faisait des progrès plus assurés. On les devait à une protection spéciale de Louis XV, aux travaux et à la noble libéralité de la Peyronie, enfin, à l'esprit observateur de JeanLouis Petit. L'anatomie se perfectionnait sur

l'amphithéâtre de Montpellier. Les médecins et les savans suivaient avec un vif intérêt les découvertes que le Suisse Haller ve-. nait de faire dans la physiologie. La plupart des étrangers dont je rappelle ici les travaux, acquéraient en France un droit de cité par leur association à l'Académie des Sciences. Tout affermissait une ligue qui avait pour objet le plus grand bien de la société. Daubenton et Buffon créaient parmi nous l'anatomie comparée, l'une des sciences qui demande la plus vaste étendue de génie, et qui est aujourd'hui cultivée avec le plus de succès. Sans s'accorder toujours avec eux, Bonnet de Genève observait les transitions insensibles par lesquelles la nature passe d'un règne à un autre, et souvent les réunit. Malgré les expériences de Pascal, de Galilée et de Torricelli, les physiciens étaient toujours portés à revenir à l'esprit de systême; l'abbé Nollet les ramenait à l'expérience. Il faisait sur les phénomènes de l'électricité des observations dont il ne saisissait pas toutes les merveilleuses conséquences. La chimie attendait encore la révolution qui devait la placer au nombre des sciences les plus exactes et surtout les plus utiles. La gloire de produire Lavoisier était réservée à la France

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