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Ecrivains

entière de la religion; il trouvait que c'était bien assez d'attaquer l'hypocrisie et l'intolérance.

Pendant qu'on publiait ces ouvrages, et irréligieux. d'autres encore plus importans et plus distingués dont je parlerai tout à l'heure, l'incrédulité se manifestait dans une foule d'écrits émanés d'une littérature abjecte. Le In Mettrie. médecin La Mettrie, impudemment et sottement athée, trouvait à Potsdam un protecteur dans un roi qui depuis se déclara contre l'athéisme, mais qui mettait de l'orgueil à paraître dédaigner les croyances que tous les monarques regardent comme le ressort et comme le soutien de leur autorité. Le D'Argens. marquis d'Argens se prévalait aussi de l'amitié de Frédéric pour attaquer la religion avec impunité. Il avait cherché dans ses Lettres juives à imiter la légèreté de Voltaire; et là il avait su garder quelque modération. Mais bientôt, dans des ouvrages clandestins, il répandit les principes d'un matérialisme grossier, et voulut renverser tout ce qui sert d'appui à la morale. Depuis quelques années il circulait à Paris de nombreuses copies du Le curé testament du curé Jean Meslier, qui, apostat à son lit de mort, déclara que toute sa vie n'avait été qu'une longue imposture. Le sou

Meslier.

Prades.

venir des professions de ce genre que nous avons eu l'horreur et le dégoût d'entendre, soulève l'indignation contre la mémoire du premier prêtre qui donna ce scandale. Une thèse soutenue sur les bancs de la Sorbonne causa encore une plus grande rumeur. Un L'abbé de abbé, sans mœurs et sans foi, nommé de Pra des, imagina, de concert avec quelques incrédules, de jouer les théologiens au sein même de leur empire. En s'enveloppant des voiles que peuvent offrir le langage et les subtilités de l'école, il insulta, dans une thèse publique, à la révélation et même au déisme. Les miracles de Jésus-Christ y étaient assimilés à ty ceux d'Esculape; le feu y était présenté comme l'essence de l'ame; l'inégalité des conditions y était désavouée au nom de la raison. Les incrédules sourirent, les théologiens s'indignèrent. Le parlement et le clergé sé réunirent; l'abbé de Prades décrété de prise de corps, prit la fuite et obtint un asile chez le roi de Prusse. Depuis, par mille traits d'une ame basse, il s'attira le mépris du parti auquel il avait voulu plaire. *La conversation offrait à l'incrédulité un Progrès autre moyen de se répandre; jamais il n'a- dulité. vait régné plus de liberté, ni plus de chaleur dans les entretiens. On avait renoncé, bientôt

de l'ingré

après la régence, à un libertinage fougueux. On préférait à cette jouissance grossière des discussions hardies. Elles étaient conduites avec beaucoup d'urbanité, de grâce, et quelquefois même avec méthode. Le bon ton avait proscrit tous les plaisirs qui naissent de l'intempérance. On ne se piquait pas cependant d'austérité dans les mœurs, mais on glissait sur le scandale et l'on évitait ce sujet d'entretien. La religion n'était point altaquée par d'impudens blasphêmes, mais par une ironie légère qui trompait jusqu'à des personnes pieuses. On voulait jouir avec sécurité de tous les plaisirs d'un luxe délicat, et en même temps on faisait des vœux, des projets pour adoucir le sort des classes les Société plus malheureuses. La société du baron. et du baron d'Holback et celle d'Helvétius étaient les

J'Helvétius

d'Holback.

plus remarquables de ces réunions où dominait la nouvelle philosophie. La tolérance entre des opinions opposées s'y maintenait à la faveur de cette cordialité qui naît d'un certain esprit de parti. La bienfaisance y était vantée et pratiquée; les titres du talent y étaient mieux reconnus que ceux de la naissance. On y relevait les fautes du gouvernement avec moins d'amertume que dans les cercles voués à des cabales actives;

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mais on voulait l'éclairer en dépit de luimême. L'esprit s'exerçait à trouver des remèdes pour chacun des maux qui affligent les hommes, et l'on détruisait, en attendant, ce qui soulage le mieux ces maux, la religion.

seau.

Il s'élevait un philosophe qui, dès son dé- J.J. Rousbut, parut ennemi de cette sagesse qu'on voulait concilier avec les plaisirs du luxe. C'était J. J. Rousseau. Il n'était pas aisé de discerner le germe d'un talent sublime dans un homme qui, parvenu à l'âge de quarante ans, n'avait encore rien produit; dont la conversation n'était ni brillante ni féconde; qui, dans sa timidité, avait l'air de la défiance, et que les traverses d'une vie errante et peu honorable semblaient éloigner de la gloire. J. J. Rousseau, fils d'un horloger de Genève, n'avait pu recevoir l'éducation libérale que les sages institutions de cette petite république offraient à ses jeunes citoyens. Un goût d'aventures, premier indice Son, caraed'une imagination ardente, l'avait séduit qué par les dès son enfance, et jeté sans guide dans des sa jeunesse. pays où il n'apportait ni ressources ni industrie. Ici la pitié l'avait accueilli, et souvent il l'avait lassée en décelant des penchans vicieux, qui sont le triste partage des enfans

tère expli

aventures de

dont la raison n'est point cultivée par un instituteur bienveillant et judicieux. Ailleurs, il avait été repoussé avec dédain et traité avec injustice. Quoique son imagination fût toujours ouverte à des rêves enchanteurs, il avait laissé entrer dans son ame cette aigreur qui exagère les vices des institutions sociales. Fatigué de lutter contre la misère, destitué de tout conseil comme de toute protection, il abjura la religion réformée sans que sa con science l'y déterminât, et reçut à Chambéry quelques secours. La piété croyait multiplier les conversions en les payant.

Une femme qui avait aussi abjuré, et qui recevait une pension du roi de Sardaigne, offrit à Jean-Jacques un asile où il pût enfin se recueillir et se connaître. Ce fut là qu'il sentit les premières étincelles de l'émulation; placé dans un beau site, jouissant pour la première fois du bonheur que donnent la tranquillité, l'amitié, l'indépendance, il commença et suivit avec force des études où personne ne le guidait et ne venait l'asservir. Mais sa bienfaitrice était une femme indiscrète et prodigue; leur bonheur cessa bientôt. Il fallut que Jean-Jacques interrompît ses studieux loisirs et cherchât à se former des ressources avec des talens qui avaient pris une trop haute

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