Imágenes de página
PDF
ePub

Livre Creize..

Sommaire.

Idoménée raconte à Mentor sa confiance en Protésilas, et les artifices de ce favori, qui étoit de concert avec Timocrate pour faire périr Philoclès, et pour le trahir lui-même. Il lui avoue que, prévenu par ces deux hommes contre Philoclès, il avoit chargé Timocrate de l'aller tuer dans une expédition où il commandoit sa flotte; que celui-ci ayant manqué son coup, Philoclès l'avoit épargné, et s'étoit retiré en l'ile de Samos, après avoir remis le commandement de la flotte à Polymène, que lui Idoménée avoit nommé dans son ordre par écrit; que, malgré la trahison de Protésilas, 'il n'avoit pu se résoudre à se défaire de lui. DÉJA la réputation du gouvernement doux et mo

déré d'Idoménée attire en foule de tous côtés des peuples qui viennent s'incorporer au sien, et chercher leur bonheur sous une si aimable domination. Déjà ces campagnes si long-temps couvertes de ronces et d'épines promettent de riches moissons et des fruits jusqu'alors inconnus; la terre ouvre son sein au tranchant de la charrue, et prépare ses richesses pour récompenser le laboureur: l'espérance reluit dé tous côtés. On voit dans les vallons et sur les collines les troupeaux de moutons qui bondissent sur l'herbe, et les grands troupeaux de bœufs et de génisses qui font retentir les hautes montagnes de leurs mugissemens: ces troupeaux servent à engraisser les campagnes. C'est Mentor

Book the Thirteenth.

The Argument.

Idomeneus relates to Mentor his confidence in Protesilaus, and the artifices of this favourite, who had conspired with Timocrates to destroy Philocles, and to betray Idomeneus himself. He owns that, being prejudiced by these two men against Philocles, he had ordered Timocrates to go and kill him in an expedition wherein he commanded his fleet; that Timocrates having failed in his attempt, Philocles had spared his life, and retired to the isle of Samos, after having resigned the command of the fleet to Polymenes, whom Idomeneus had appointed to succeed him by an order under his own hand; and that, notwithstanding Protesilaus's treachery, he could not prevail on himself to part with him.

AND now the fame of Idomeneus's mild and moderate reign allures from all parts crowds of people, who come to incorporate themselves with his, and to seek their happiness under so gentle a government. Already the fields, which had been so long over-run with thorns and brambles, promise rich harvests and fruits till then unknown; the earth opens her bosom to the plough-share, and prepares her riches to recompense the husbandman: hope dawns every-where. Flocks of sheep are seen bounding on the grass in the vallies and on the hills, and herds, likewise, of bulls and heifers, that make the lofty mountains echo with their lowings:

qui a trouvé le moyen d'avoir ces troupeaux. Mentor conseilla à Idoménée de faire avec les Peucètes (2), peuples voisins, un échange de toutes les choses superflues qu'on ne vouloit pas souffrir dans Salente, avec ces troupeaux qui manquaient aux Salentins.

En même temps la ville et les villages d'alentour étoient pleins d'une belle jeunesse qui avoit langui long-temps dans la misère, et qui n'avoit osé se marier de peur d'augmenter leurs maux. Quand ils virent qu'Idoménée prenoit des sentimens d'humanité, et qu'il vouloit être leur père, ils ne craignirent plus la faim et les autres fléaux par lesquels ie ciel afflige la terre. On n'entendoit plus que des cris de joie, que les chansons des bergers et des laboureurs qui célébroient leurs hyménées : on auroit cru voir le Dieu Pan (3) avec une foule de Satyres et de Faunes mêlés parmi les Nymphes et dansant au son de la flûte à l'ombre des bois. Tout étoit tranquille et riant; mais la joie étoit modérée; et ces plaisirs ne servoient qu'à délasser des longs travaux : ils en étoient plus vifs et plus purs.

Les vieillards, étonnés de voir ce qu'ils n'auroient osé espérer dans la suite d'un si long âge, pleuroient par un excès de joie mêlée de tendresse: ils levoient leurs mains tremblantes vers le ciel. Bénissez, disoient-ils, ô grand Jupiter, le roi qui vous ressemble, et qui est le plus grand don que vous nous ayez fait. Il est né pour le bien des hommes; rendez-lui tous les biens que nous recevons de lui. Nos arrière-neveux, venus de ces mariages qu'il favorise, lui devront tout, jusqu'à leur naissance, et il sera véritablement le père de tous ses sujets. Les jeunes hommes et les jeunes filles qui s'épousoient, ne faisoient éclater leur joie

these cattle fattened the fields. Mentor found the means of procuring them; for he advised Idomeneus to make with the Peucetes, a neighbouring nation, an exchange of all the superfluous things which were no longer suffered in Salentum, for these flocks and herds which the Salentines wanted. At the same time, the city and adjacent villages were full of lovely youths, who had long languished in want, and had not dared to marry through the fear of increasing their miseries. When they saw that Idomeneus entertained sentiments of humanity, and was willing to be their father, they were no more apprehensive of hunger, or any other plagues which heaven inflicts on the earth. Nothing was now heard but shouts of joy, and the songs of swains and husbandmen celebrating their nuptials: insomuch that one would have thought one had seen the God Pan with multitudes of Satyrs and Fauns interspersed among the Nymphs, and dancing to their tuneful flutes in the shade. All was serene and smiling: but their pleasures only a refreshment after long fatigues, which quickened and made them the purer.

The old men, surprised to see what they durst not hope for in the whole course of their long lives, wept through an excess of joy and love; and lifting up their trembling hands to heaven. O great Jupiter, said they, bless the king who resembles you, and is the choicest present you ever bestowed upon us. He is born for the good of mankind; return him all the blessings we receive from him. Our children's children, descended from these marriages which he encourages, will own every thing, even their very birth, to him, and he will truly be the father of all his subjects. The lads and lasses who married, expressed their raptures by singing the praises of

qu'en chantant les louanges de celui de qui cette joie si douce leur étoit venue. Les bouches, et encore plus les coeurs, étoient sans cesse remplis de son nom. On se croyoit heureux de le voir; on craignoit de le perdre : sa perte eût été la désolation de chaque famille.

Alors Idoménée avoua àMentor qu'il n'avoit jamais senti de plaisir aussi touchant que celui d'être aimé, et de rendre tant de gens heureux. Je ne l'aurois jamais cru, disait-il: il me sembloit que toute la grandeur des princes ne consistoit qu'à se faire craindre; que le reste des hommes étoit fait pour eux et tout ce que j'avois ouï dire des rois qui avoient été l'amour et les délices de leurs peuples, me paraissoit une pure fable; j'en reconnnois main tenant la vérité. Mais il faut que je vous raconte comment on avoit empoisonné mon cœur dès ma plus tendre enfance sur l'autorité des rois. C'est ce qui a causé tous les malheurs de ma vie. Alors Idoménée commença cette narration:

fut

Protésilas, qui est un peu plus âgé que moi, celui de tous les jeunes gens que j'aimai le plus. Son naturel vif et hardi étoit selon mon goût; il entra dans mes plaisirs, il flatta mes passions, il me rendit suspect un autre jeune homme que j'aimois aussi, et qui se nommoit Philoclès. Celui-ci avoit la crainte des Dieux, et l'âme grande, mais modérée; il mettoit la grandeur, non à s'élever, mais à se vaincre, et à ne faire rien de bas. Il me parloit librement sur mes défauts; et lors même qu'il n'osoit me parler, son silence et la tristesse de son visage me faisoient assez entendre ce qu'il vouloit me reprocher.

L

Dans les commencemens cette sincérité me plaisoit; et je lui protestois souvent que je l'écouterois avec confiance toute ma vie, pour me préserver des

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »