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quelque chose d'équivalent. M. Danton a défié M. la Fayette de lui nier ce fait, et a ajouté:

› Par quelle étrange singularité se fait-il que le roi donne pour raisons de sa fuite les mêmes motifs qui vous avaient déterminé à favoriser l'établissement de sociétés d'hommes qui, étant inté ressés comme propriétaires, disiez-vous, au rétablissement de l'ordre public, balanceraient bientôt, et feraient ensuite disparaître ces associations de prétendus amis de la constitution, composées presqu'entièrement d'hommes sans aveu, et soudoyées pour perpétuer l'anarchie? Que M. la Fayette m'explique comment il a pu inviter, dans un ordre militaire, sans se déclarer l'ennemi de la liberté de la presse, la garde nationale en uniforme, de service ou non, à arrêter la circulation des écrits publiés par les défenseurs des droits du peuple; tandis que protection était accordée aux lâches écrivains détracteurs de la constitution.

› Qu'on me dise pourquoi M. la Fayette a mené en triomphe les habitans du faubourg Saint-Antoine qui voulaient détruire le dernier repaire de la tyrannie (le donjon de Vincennes)!

› Qu'on ne dise pourquoi M. la Fayette a, le même soir de cette expédition de Vincennes, accordé protection aux assassins armés de poignards pour favoriser la fuite du roi!

› M'apprendra-t-on comment il se fait que M. la Fayette ait pu laisser subsister les apparences du crime qu'il a commis envers la souveraineté de la nation, en ne désavouant pas, avec la plus grande publicité, le trop fameux serment individuel que lui a prêté la garde nationale de Paris? Comment se fait-il que la même compagnie des grenadiers de l'Oratoire, dont il a si arbitrairement chassé 14 grenadiers, pour s'être opposés, le 18 avril, au départ du roi, ait été la même compagnie de garde le 21 juin?

› Comment se fait-il que M. ia Fayette, qui, depuis le 18 avril, a fait connaître qu'il était en garde contre les tentatives du départ du roi, ait voulu, dans ce mémorable jour 18 avril, employer le fer et le feu pour protéger le départ du roi pour Saint-Cloud, lieu qui n'était évidemment, comme l'événement l'a prouvé de

puis, que le rendez-vous des fugitifs et de leurs perfides agens? Ne nous faisons pas illusion, Messieurs; la fuite du roi n'est que le résultat d'un vaste complot. Des intelligences avec les premiers fonctionnaires publics en ont pu seules assurer l'exécution. Et vous, M. la Fayette, vous, qui me répondiez encore dernièrement de la personne du roi sur votre tête, paraître dans cette assemblée, est-ce avoir payé votre dette?

» Il faut, Messieurs, pour sauver la France, il faut au peuple de grandes satisfactions; il est las d'être continuellement bravé par ses ennemis connus et déclarés : il est temps que ceux qui ont signé des protestations contre la constitution, cessent d'ètre représentans du peuple. L'assemblée nationale a tlécrété ce principe, en excluant de toute fonction les coupables de ce delit. Une protestation contre les décrets est une abdication de la qualité de représentant. Ce n'est pas altérer le principe de l'irrévocabilité, que chasser de l'assemblée nationale, et livrer à la justice ceux qui appellent la guerre civile en France par les actes audacieux de la plus infâme rébellion. Mais si la voix des défenseurs du peuple est étouffée; si, toujours faibles, nos ménagemens pour les ennemis de la patrie la mettent perpétuellement en danger, j'en appelle au jugement de la postérité, c'est à elle à juger entre vous et moi.

› M. la Fayette, invité à répondre, a dit :

› L'un de MM. les préopinans me demande pourquoi je viens me réunir à cette société. Je viens me réunir à cette société, parce que c'est à elle que tous les bons citoyens doivent recourir dans ces temps de crises et d'alarmes. Il faut plus que jamais combattre pour la liberté, et le premier j'ai dit que lorsqu'un peuple voulait être libre, il le devenait; et je n'ai jamais été si sûr de la liberté qu'après avoir joui du spectacle que vient de nous offrir la capitale dans cette journée.

> Deux minutes après avoir parlé ainsi, M. la Fayette est sorti de l'assemblée.

› M. le député de Brest a dit alors: Messieurs, je demande que M. la Fayette, qui a éludé les questions de M. Danton, soit

invité à venir lui répondre catégoriquement; je vous le demande pour satisfaire au vœu de mes commettans et à celui de tous les bons citoyens en général.

› L'assemblée a ordonné l'impression et l'insertion du discours de M. Danton dans le procès-verbal, dont elle a également arrêté l'envoi dans toutes les sociétés affiliées.

› Sur la motion de M. le député de Brest, il a été arrêté que M. le président inviterait M. la Fayette à se rendre incessamment dans la société pour répondre catégoriquement aux interpellations de M. Danton.

› Ainsi s'exprimait M. Danton aux Jacobins, en présence de M. la Fayette; ainsi répondit sans répondre M. la Fayette. L'assemblée ayant pris le lendemain l'arrêté de sommer le général de se justifier, il écrivit au président que les soins de la chose publique prenaient tous ses instans, et qu'il avait été occupé à faire prêter serment, le soir même, aux gardes nationales et au peuple de Paris dans l'enceinte du temple législatif. Le lendemain du lendemain, il poussa l'hypocrisic jusqu'à dénoncer lui-même par écrit à la société un pamphlet, où lui, général, était, suivant l'usage, porté aux nues, et M. Danton désigné de la manière la plus outrageante. Oncques depuis il n'a osé reparaître à la société des Jacobins: ainsi l'accusation de M. Danton reste tout entière. Les Philippiques, ouvrage infernal, composé par le vénal Charron, n'ont pas manqué d'annoncer que M. la Fayette avait répondu victorieusement à M. Danton; mais c'est un insigne mensonge; car sa réponse, que j'ai transcrite sur le procès-verbal des Jacobins, lu avant-hier soir à la société, se réduit à ce que j'ai cité. Or, je demande si c'est là répondre. Cependant on lit les Philippiques dans tous les carrefours, afin de tromper le peuple : il est bon qu'il soit prémuni contre les artifices. Tout le crime de M. Danton est d'être un des meilleurs citoyens de la capitale, un des plus fermes appuis de la liberté et de l'égalité ; raison pour égarer sur son compte le peuple, dont il a toujours défendu la cause avec énergie et éloquence. Il est membre du département, il est fonctionnaire public: ce qu'il avance contre M. la

Fayette est donc de quelque poids; il faut s'en débarrasser, et un chef-d'œuvre de l'art des intrigues serait d'animer contre lui, en le peignant comme un factieux, ce même peuple pour lequel il combat. En conséquence, quelques membres du département ont eu la stupidité d'aller le dénoncer au comité des recherches de l'assemblée nationale, comme étant à la tête d'une faction formidable, et comme ayant tenté de s'emparer des hauteurs de Montmartre. C'est de M. Dufourny de Villiers, excellent patriote, que je tiens ce fait, que lui-même il tenait d'un membre du département: je le défie à cet égard de me démentir.

› La grande preuve, disait M. Danton, que je n'ai point enrôlé pour Montmartre, c'est que je n'ai point recruté parmi les ânes du département.

Citoyens, on cherche à vous faire prendre le change sur vos meilleurs, sur vos plus zélés défenseurs. Croyez-moi, brûlez les Philippiques, et bernez le département. › (L'Orateur du peuple, t. 6, p. 441 et suivantes.)

SÉANCE PERMANENTE (22, quatre heures du matin).

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[M. Dupont lit la rédaction du procès-verbal du commencement de cette séance. Après une légère discussion, l'assemblée approuve cette rédaction, ainsi que la forme et le classement des différens décrets rendus, sauf rédaction, dans la matinée.

Elle suspend sa séance à cinq heures, M. le président, ainsi que les secrétaires et une partie des membres de l'assemblée, restant dans la salle.

Le 22, à neuf heures.

M. le président. Avant de passer à l'ordre du jour, je vais vous donner lecture d'une lettre de la municipalité de Saint-Claude:

Les officiers municipaux de Saint-Claude, réunis à cause de la cessation des fonctions du pouvoir exécutif, pénétrés de douleur en apprenant la conduite du roi d'un peuple libre, renouvellent le serment de défendre la constitution jusqu'à la dernière goutte de leur sang. › (On applaudit.)

M. Charles Lameth. Puisque les travaux des comités relative

ment aux grandes mesures qu'exigent les circonstances ne sont pas encore prêts, je voudrais demander aux commissaires nommés pour veiller au garde-meuble, des renseignemens sur les diamans de la couronne, et qu'ils s'y rendent avec deux joailliers qui les examineront.

M. Fréteau. Et qui vérifieront si la garde est suffisante.
Ces propositions sont adoptées.

M. Fréteau. Le comité diplomatique a connaissance d'une lettre de M. l'ambassadeur de France à Londres, sur le départ de la flotte anglaise. Le vent étant au sud-est, la flotte a fait voile pour la Baitique. Jusqu'ici sa route ne peut être effrayante.

M. Charles Lameth. Il n'est ni long ni difficile d'armer des vaisseaux. Je demande que les comités diplomatique et de marine s'occupent des mesures nécessaires à ce sujet.

Une grande partie des officiers de la gendarmerie sont à Paris; je propose de décréter qu'ils seront tenus de se rendre à leurs postes, et que le ministre soit tenu de donner des commissions à ceux qui n'en ont pas encore.

L'assemblée adopte le décret suivant :

L'assemblée nationale décrète que le ministre de la guerre expédiera dans la journée les brevets de tous les officiers et sousofficiers de la gendarmerie nationale dont la nomination est en état;

Qu'il donne l'ordre à tous les officiers, sous-officiers ou gendarmes de la gendarmerie nationale, de se rendre sur-lechamp à leurs postes respectifs ;

> Que les comités de constitution et militaire présenteront dans la journée, ou demain matin, les articles additionnels néanmoins, pour que l'organisation de la gendarmerie nationale soit complétement achevée dans le plus court délai. ›

M. Fréteau. Il faut donner le même ordre aux commissaires des guerres, et à tout ce qui tient au service.

M. Rabaud. Le travail du comité, à ce sujet, a été retardé par la proposition qui lui a été soumise par le ministre, tendante

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