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tion et la régénération par l'obéissance et la douleur, puis le pardon, la réconciliation et le mariage de l'âme avec le céleste époux qu'elle avait perdu, tout se retrouve dans cette fable célèbre, trop connue d'ailleurs et trop profane dans sa forme pour que nous la racontions ici, mais trop profondément chrétienne dans l'idée pour que nous n'ayons pas dû la mentionner et en indiquer la facile explication.

La poésie des premiers siècles de l'Eglise consistait en des psaumes, des cantiques spirituels, et des apocalypses ou révélations écrites en style prophétique. Edifiez-vous et avertissez-vous mutuellement par des cantiques spirituels, disait saint Paul, et ailleurs: Quand vous vous réunissez, chacun de vous apporte quelque chose pour l'édification de ses frères; celui-ci a un psaume, celui-là une apocalypse. Que tout se fasse avec ordre et sans confusion. On sait que les Apollinaires, frères chrétiens du même nom, avaient mis en vers plusieurs récits et plusieurs cantiques tirés de l'Ecriture sainte; mais la forme métrique était en général peu recherchée des fidèles comme imposant trop d'entraves à l'inspiration divine. La poésie religieuse, toute pleine de contemplation et de prières, devait, à ces époques de ferveur, tenir moins à l'arrangement des mots qu'à l'élévation des pensées, à l'ardeur des affections et à la sainteté des figures. En dehors des livres canoniques, il nous reste peu de monuments de la littérature de cette époque. Les Evangiles apocryphes qui nous restent ont été ou supposés ou altérés par des hérétiques postérieurs à ces premiers siècles, et pourtant fourniraient à cet article des exemples curieux que nous rapporterons ailleurs. (Voy. APOCRYPHES.)

Le livre du Pasteur, par Hermas, convient mieux encore au sujet dont nous nous occupons ici ce n'est qu'un tissu d'allégories au moyen desquelles un pasteur céleste instruit une âme des mystères de la doctrine. L'on a suspecté à bon droit l'intégrité et l'orthodoxie entière de ce livre, dont quelques passages sembleraient favoriser l'erreur de Novatien, et d'autres, par une singulière contradiction, pencheraient vers le système condamné d'Origène. Ces questions, du reste, ne touchent pas au côté littéraire du livre, dont la forme est d'un mysticisme parfois assez étrange. Le style y revêt quelquefois pourtant la simplicité majestueuse des écrivains apostoliques, et ses comparaisons sont souvent heureuses: c'est ainsi que le Pasteur compare la société des hommes, dans Ja vie présente, à un bois où les arbres verts sont mêlés avec les arbres morts; la chute des feuilles les rend tous semblables, mais c'est le printemps qui distingue les vivants des morts; les uns reverdissent et se couwrent d'un nouveau feuillage, les autres étalent vainement leur squelette aride au soleil qui ne les réchauffe plus. Nous vivons sur la terre confondus ensemble comme les arbres d'une même forêt; puis, selon les dispositions intérieures de chacun, quand

vient ce vent d'automne que nous appelons la mort, tous se flétrissent et se dépouillent de leurs feuilles, quelques-uns pour toujours, les autres seulement pour un hiver. La résurrection sera le printemps alors le soleil de l'éternité visitera tous les hommes et l'on ne saurait dire qu'il donnera aux uns la vie, aux autres la mort; sa chaleur et sa clarté seront pour tous la même; les uns la sentiront, les autres ne la sentiront plus, et c'est à ce signe qu'il distinguera les vivants d'avec les morts.

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Le Pasteur montre aussi à Hermas des anges qui bâtissent une tour cette tour c'est l'Eglise de Dieu, et les anges ce sont les vertus; d'autres anges sont chargés de choisir, de tailler et de polir les pierres; ces pierres sont les fidèles celles qui ne sont pas trouvées aptes à remplir la place pour laquelle on les destine, sont rejetées, ainsi que celles où il se trouve quelque défaut qui compromettrait la solidité ou la beauté de l'édifice. Mais que deviennent les pierres qui sont ainsi rejetées par les architectes divins? Elles roulent sur la terre ou tombent dans les eaux des fleuves. Celles qui sont trop tendres subissent le travail du temps, de l'atmosphère et des eaux qui les durcissent. Celles qui sont inégales seront brisées et égalisées à la longue par le choc des éléments; quelques-unes seront réduites en poudre, puis en limon, puis reprendront une cohésion, nouvelle; toutes enfin, plus tard, seront présentées encore une fois à l'architecte, et pourront alors entrer dans la composition du mystérieux édifice, avec cette différence seulement, qu'elles seront au sommet au lieu d'être à la base, et qu'elles seront supportées au lieu de supporter les autres. C'est ce passage surtout, susceptible d'ailleurs de plusieurs interprétations, qu'on pourrait tourner dans le sens origéniste; toutefois il paraît plus nature. de l'entendre des résistances à la grâce et des conversions retardées par l'infidélité des hommes. L'image des anges travaillant à la tour n'en est pas moins une image fort belle. D'ailleurs, tout ce symbolisme n'est pas choisi arbitrairement par l'imagination de l'auteur; nous trouvons, en étudiant les Pères au point de vue littéraire, une concordance parfaite dans les allégories qu'ils emploient, et cette concordance est plus remarquable à mesure qu'en remontant les siècles on se rapproche des temps apostoliques. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples, le soleil, dans la littérature sacrée, représente la vérité, le Verbe de Dieu et Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui sont trois termes dont l'analogie est presque de la synonymie. Il est écrit en effet dans le livre des psaumes: Il a placé son tabernacle dans le soleil, et lui-même est comme un époux qui sort de sa chambre nuptiale. La lune représente l'Eglise, et sous les noms de l'époux et de l'épouse, on entend aussi ordinairement Notre-Seigneur Jésus-Christ et son Eglise. De l'analogie du soleil visible avec le soleil invisible, qui est le Verbe de Dieu, peuvent

se déduire, relativement aux opérations de la vérité dans nos âmes, toutes les analogies de la lumière, soit directe, soit réfléchie, soit réfractée. Les ténèbres représentent le mensonge envahissant les âmes, l'état de péché; et le jour figure l'état de grâce; les animaux, les plantes et les minéraux ont des analogies avec les facultés, les passions, les vertus et les gloires soit des hommes encore militants, soit des saints élus qui se reposent dans la gloire; les arbres sont les doctrines, et leurs fruits en sont les résultats; les pierres représentent les fidèles, soit collectivement, comme dans la construction des autels dont il est parlé dans la Bible, et dans cette parole de Notre-Seigneur à Céphas: Tu es Pierre, et sur cette pierre je bdtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle. Par ce mot portes il faut entendre les jugements, les puissances du monde, et les sept vices capitaux, qui sont les souverainetés de l'abime. Jésus-Christ lui-même se compare à la pierre angulaire, et il dit que si l'on fait taire les enfants qui lui crient Salut et gloire, les pierres elles-mêmes crieront. Les arbres représentent aussi les nations, à cause de leurs branches qui figurent les provinces, et de leur feuillage qui représente la multitude. Il faudrait un long et minutieux travail pour recueillir et classer toutes ces allégories, dont la connaissance est si nécessaire à qui conque veut se livrer avec succès à la littérature sacrée. Les limites de cet article, déjà trop long, nous obligent de nous borner à quelques indications pour faciliter les recherches.

sans doute un professeur expérimenté et vénérable en s'adressant à ses élèves; rappelez-vous toujours qu'un ornement est. inutile dès qu'il cesse d'être nécessaire, et que la poésie n'est que l'art d'expliquer la métaphysique à des enfants par le moyen des images; ménagez vos illustrations et supprimez les rébus. Ce que nous disons ici pour la prose s'applique même à la poésie. proprement dite, c'est-à-dire à la poésie versifiée : la plus belle est toujours la plus simple, et les images qui nous saisissent le plus sont celles qui nous font comprendre facilement et sans effort une belle et grande pensée. Le bon style est tout d'une pièce, si nous pouvons parler ainsi, et l'on ne doit pouvoir rien ajouter ni rien retrancher à sa simplicité comme à son élégance. Il n'y a qu'une manière de bien dire les choses, et le sentiment de cette manière est ce qu'on appelle le goût: or c'est surtout dans le choix. des ornements du discours comme la métaphore, la comparaison et l'allégorie (ou mieux, et pour suivre la progression, mettons la métaphore la seconde), c'est surtout, disons-nous, dans le choix de ces ornements et dans l'examen des raisons qui peuvent nous déterminer à leur emploi, que le goût doit être consulté. Il ne faut pas, comme Malherbe, par exemple, comparer les larmes de saint Pierre au déluge universel, et ses soupirs à des ouragans qui déracinent les chênes:

C'est alors que ses cris en tonnerres éclatent;

Ses soupirs se font vents qui les chênes combattent,

etc.

Il nous reste à dire quelques mots de l'u- Ces images manquent au bon goût, parce sage qu'on peut faire encore de l'allégorie qu'elles ne sont pas vraies, et les analogies dans la littérature sacrée. Comme il nous y manquent de justesse. Il faut aussi que semble l'avoir fait déjà observer, nous n'a- les images soient toujours nobles, surtout vons plus, pour parler en énigmes, ni les si les choses qu'on veut figurer ne le sont mêmes raisons, ni la même autorité que pas: car alors on rachète le trivial de la les prophètes, et l'allégorie ne peut guère pensée par la distinction de la forme; enfin, plus convenir qu'aux enfants et à ceux qui lorsqu'on croit devoir employer l'allégorie les instruisent. D'ailleurs, les hommes ins- tourner les difficultés ou tempérer pirés de Dieu, en employant eux-mêmes pour l'aridité d'un sujet, il faut bien se garder cette forme, qui s'accommode si bien aux d'une allégorie longue, ennuyeuse et emfaiblesses de l'intelligence, n'ont-ils pas re- barrassée; de la métaphysique exprimée en gardé les hommes comme de véritables en- bons termes serait moins pénible à entenfants? Dans l'instruction de la jeunesse, dre, même pour des auditeurs volages et l'allégorie peut donc être d'un grand secours, distraits, que de lourdes comparaisons qu'on et les catéchistes, par exemple, peuvent y est obligé de suivre longtemps sans les saitrouver un moyen facile de tempérer par des sir, et qui ajoutent à l'ennui des difficultés récits attrayants et des images gracieuses les difficultés nouvelles causées par l'ennui l'austérité et les longueurs de leur grave endes mauvaises explications et des compaseignement; des paraboles dans le genre de raisons malencontreuses. celles du Père Bonaventure Giraudeau, par exemple, réussissent toujours et sont du plus heureux effet. Une comparaison, une image fera sur-le-champ comprendre à un enfant, ce que vous vous seriez inutilement efforcé de lui expliquer pendant plusieurs heures, et c'est bien là que vous trouverez l'occasion d'appliquer ces préceptes de convenance et de justesse dont nous avons parlé précédemment. Mesurez vos images à la faible vue, et vos comparaisons à la science peu étendue de vos auditeurs ou de vos lecteurs, dirait

Un autre danger de l'emploi des allégories, et celui-là n'est pas le moins grave, c'est de produire de la confusion dans l'esprit des simples, et de mettre l'image à la place de la réalité ; danger si réel, que cette confusion et cette substitution ont existé relativement à presque toutes les allégories, et notamment toutes les fois qu'il s'est agi de symbolisme religieux. La populace de Memphis croyait fermement qu'Osiris était un homme à tête de bœuf et qu'Isis était une belle génisse. Les fictions philosophi

ques d'Hésiode et d'Homère ont rempli de
faux dieux les temples de la Grèce et de
Rome; on en vint à donner un corps aux
plus vaines abstractions; on personnifia jus-
qu'aux vices et aux infirmités humaines, il
y eut un dieu Sterculus et un dieu Crepitus.
Les légendes des siècles apostoliques et les
fictions des Evangiles apocryphes se maté-
rialisèrent au moyen âge, et corrompirent,
dans plusieurs esprits l'intégrité et la gravi-
té des divines Ecritures. La plupart des chi-
mères où s'égarèrent les gnostiques ne furent
que des confusions d'allégories superflues,
et les perfections indivisibles de la Divinité,
personnifiées séparément et s'engendrant
les unes les autres, non pas en réalité, mais
dans l'ordre logique des conceptions de no-
tre esprit, produisirent dans la théologie de
Basilides et de Valentin ces processions
d'éones ou d'entités diverses, vraies chimè-
res philosophiques alliées par couples et se
reproduisant de génération en génération,
selon les lois mystiques du ternaire, du sep-
ténaire et du duodénaire, autres allégories
matérialisées ou mal comprises.

A ces tendances idolâtriques se mêlaient des essais de syncrétisme qui ne faisaient autre chose que rendre la confusion plus grande, en introduisant dans la symbolique chrétienne les images et les noms des anciennes mythologies. Ainsi Basilides, dans ses Abraxas, donne au Rédempteur des hommes le nom et les attributs d'Hélios, la divinité du soleil, parce que dans la symbolique chrétienne le soleil représente la Vérité ou le Verbe de Dieu. Ainsi Valentin donnait au Réparateur envoyé par l'intelligence suprême le nom Egyptien d'Horus, et symbolisait-il jusqu'aux récits historiques de l'Evangile pour les faire concorder avec les fables égyptiennes; car, au défaut qui consiste à matérialiser les allégories correspond un autre défaut opposé, mais non moins funeste, qui consiste à voir des allégories partout, et à supprimer ainsi les faits les plus incontestables qui forment la base de tout notre édifice religieux. Or il y a une orthodoxie en littérature comme en religion, et ce qu'on appelle le galimatias est le résultat ordinaire de ces hérésies contre le bon goût, qui consistent à matérialiser les choses spirituelles et à spiritualiser les choses matérielles, de manière à tout confondre. La comparaison, la métaphore et l'allégorie doivent avant tout garder les distances et ne pas intervertir les rôles. Toute comparaison, toute métaphore et toute allégorie est une sorte d'équation entre plusieurs termes, et l'absurdité ne résulte pas moins d'une erreur en littérature qu'en algèbre. Nous mettons ensemble et nous traitons de même la comparaison, la métaphore et l'allégorie, parce que ce sont les trois degrés différents d'une seule et même figure; ainsi, par exemple: Alexandre-le-Grand combattait comme un lion, voilà une relation affirmée, et c'est une comparaison; ce lion qu'on nommait Alexandre, voilà l'emploi de cette relation de similitude : puisque Alexan

dre est comme un lion, j'appelle Alexandre un lion, et c'est une métaphore. Enfin, sans nommer Alexandre, je parle d'un lion de Macédoine qui dévore un immense troupeau dans les campagnes de la Perse et met en fuite les bergers j'emploie la métaphore sans en désigner l'objet, je me sers du terme même de la comparaison pour désigner l'objet comparé, et je fais une allégorie. Au fond de tout cela il y a une équation dont l'expression mathématique est celle-ci : Alexandre est aux Perses ce qu'un lion est à un troupeau ; si l'équation est exacte, je puis dire du lion et du troupeau tout ce que je dirais d'Alexandre et des Perses, et réciproquement. Or c'est dans une équation semblable qu'il faut chercher la raison et la justesse de toutes les allégories, et par conséquent de toutes les métaphores et de toutes les comparaisons.

ALMANACH. — Un almanach n'est pas un livre sans importance, et la rédaction d'un annuaire ou almanach modèle devrait appartenir exclusivement à la littérature sacrée.

Dieu n'est-il pas en effet l'arbitre du temps et des saisons? L'année n'appartient-t-elle pas tout entière à l'Eglise, qui la partage en périodes douloureuses et en périodes joyeuses, par ses pénitences et ses fêtes?

L'almanach pénètre partout, dans le riche salon comme dans la pauvre cabane; c'est le messager du nouvel an, il doit arriver plein d'expérience et de bons conseils, apportant au foyer des familles une foule d'observations intéressantes, d'anecdotes remarquables, et surtout, pour les grands et petits enfants, des images et du merveilleux. Comme il doit être pour le pauvre le livre de toute l'année, il doit être bien de pourvu bonne philosophie et de gaie science, et, puisqu'il se présente comme un médiateur entre le passé et l'avenir, il doit être habile conteur et utile prophète: car voilà, en peu de mots, ce qu'on demande à un bon almanach, la science du calendrier, les histoires de l'année passée et des prédictions pour l'année prochaine.

La science du calendrier, au point de vue catholique, n'est pas chose aussi commune qu'on pourrait bien le supposer. L'année ecclésiastique est comme un cours complet de liturgie, et les prières de l'Eglise sont divisées aussi en saisons; chaque saison a ses fêtes et ses couleurs, et doit être employéo à la culture d'une vertu spéciale dans l'or dre du progrès spirituel. Le savant abbé Frère, professeur d'Ecriture sainte à la Sorbonne, s'est beaucoup occupé de ce côté symbolique et spirituel de la liturgie: il avait amassé sur ce sujet une foule d'observations et de témoignages, et avait complété par une série de tableaux synoptiques un cours qu'il appelait l'année ecclésiastique. Il trouvait une relation exacte et des rapports essentiels entre la succession des fêtes de l'Eglise et la progression des divers états de l'âme dans son travail pour s'unir à Dieu, atin de commencer son éternité en cette vie. Il trouvait la loi du progrès spirituel des

âmes exprimée dans ces paroles de saint Augustin: Domus Dei credendo fundatur, sperando erigitur, diligendo perficitur. « La maison de Dieu se fonde sur la foi, s'élève par l'espérance et se couronne par la charité; mais, pour que la foi asseoir solidement les fondations de l'édifice spirituel, il faut que la terre soit creusée et la place déblayée par la pénitence. Les quatre ages de la vie spirituelle sont donc la pénitence, la foi, l'espérance et la charité, et le genre humain tout entier, comme chacun des individus qui le composent, a dû pisser par tous ces âges successifs. L'histoire religieuse du monde se partage en quatre époques, qui sont comme les quatre saisons d'une grande année divine. Dieu a appelé les hommes à la pénitence par les prédications de Noé et par les terreurs du déluge; il les a conduits à la foi par le ministère d'Abraham, qui fut le père des croyants; il les a fondés dans l'espérance par les miracles du désert et les promesses faites à Moïse, et il les a enfin initiés à la charité sous les règnes de David et de Salomon, qui représentaient si bien, dans leur sagesse et dans leur splendeur, le règne spirituel du Messie. Mais tout l'Ancien Testament n'a été que la figure du Nouveau, et le temps qui s'est écoulé depuis l'origine du monde jusqu'à la naissance du Sauveur, n a été réellement que le temps de la préparation et des désirs. C'est de ce temps que l'Eglise fait mémoire dans les instructions multipliées et les prières prolongées de l'avent; alors la couleur de ses ornements est le violet, couleur sombre qui exprime le deuil, mais un deuil tempéré d'espérance, une nuit à travers laquelle on voit poindre une nouvelle aurore. A Noël, le Soleil de vérité se lève, et les vêtements sacerdotaux sont blancs, symbole de la pureté de la foi Le temps de la foi dure jusqu'à Pâques; de Pâques à la Pentecôte c'est la saison de l'espérance, et de la Pentecôte à l'Avent c'est le temps de la charité; c'est donc à l'Avent que commence et que finit, comme une couronne de prières, le cycle de l'année ecclésiastique. Les quatres couleurs symboliques de l'année sont le violet, le blanc, le vert, et le rouge. La couleur d'or représente également le blanc et le rouge, et réunit les emblèmes de la foi et de la charité.

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Voici donc des premières notions indispensables à la science chrétienne du calendrier; mais il faut y ajouter bien des choses encore; les douze mois de l'année ne sontils pas sous la garde spéciale des douze anges de la nouvelle Jérusalem? N'ont-ils pas pour signes spéciaux les douze pierres précieuses de la Jérusalem céleste et du rational d'Aaron? Pourquoi ne rattacherait-on pas des souvenirs pieux à chacune de ces heures du grand jour qu'on nomme l'année? Nous est-il défendu d'espérer qu'un jour même les mois seront purifiés de leurs noms païens, et seront désignés par des appellations plus intéressantes pour nos esprits et plus touchantes pour nos cœurs ? Mai, consacré autrefois à la nymphe Maïa, mère du

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Dieu des voleurs, n'est-il pas bien plus saintement et plus agréablement nommé du

doux nom de mois de Marie?

Nous pourrions faire la même observation sur le nom des jours, et si nous n'avons que faire d'un mois consacré à Janus, des fêtes Fébrua, de Mars le gendarme, de tous les Junius et de tous les Julius possibles, qu'ils soient des Brute ou des César, que faisons-nous d'un jour consacré à Mars le batailleur, d'un autre voué à Mercure, le dieu suspect? Puis encore pourquoi le milieu de la semaine serait-il consacré à Jupiter, le vendredi à Vénus et le samedi à Saturne? N'est-ce pas le jeudi que le Sauveur du monde, en instituant la sainte Eucharistie, a supprimé pour jamais les sacrifices et les honneurs de Jupiter? N'est-ce pas le vendredi qu'il est mort pour précipiter dans l'enfer l'impudique Vénus? N'est-ce pas le samedi que sa mère, pleurant près de son tombeau, a, par sa résignation, sa foi et son espérance, brisé à jamais ces lois aveugles de la fatalité représentée par le vieux Saturne? On dira peut-être, pour défendre le vieux système par d'autres raisons que l'empire presque fatal de la routine, que les noms des jours de la semaine ne se rapportent plus aux anciens dieux du paganisme, mais aux sept principales planètes qui portent des noms mythologiques. A cela nous n'aurons rien à répondre, sinon qu'il est plaisant d'avoir établi plaisant d'avoir établi pour les dieux déchus des Invalides dans le ciel planétaire. Les sept planètes ne seraient-elles pas mieux nommées, par exemple, si on leur donnait les noms des sept anges qui se tiennent sans cesse devant le trône de Dieu? Sans doute que sur tout cela le vieil usage aura longtemps plus de puissance que toutes les raisons; mais si réellement il y avait dans no→ tre calendrier des vestiges de paganisme, le vœu de l'Eglise sans doute est qu'on les fasse disparaître, et c'est surtout dans les annuaires et almanachs catholiques qu'il faudrait préparer de longue main les esprits à cette réforme, en exposant l'esprit du vrai calendrier chrétien, en expliquant la semaine d'après la grande œuvre des six jours, en consacrant chaque mois à la mémoire d'un patriarche ou d'un apôtre. Le chaste Joseph, par exemple, et le dísciple vierge ne se rencontreraient-ils pas à propos dans nos souvenirs pendant les touchantes solemnités du mois de Marie? Puis il faudrait expliquer en peu de mots aux fidèles l'esprit des fêtes, et montrer la volonté de Dieu accomplie sur la terre par son Eglise toujours sainte et toujours pure, comme par les étoiles dans le firmament, et par les anges dans le ciel. Des notions élémentaires d'astronomie sont toujours nécessaires dans un almanach, mais elles doivent être mises tellement à la portée de tout le monde que les mots techniques eux-mêmes en soient écartés avec soin ou traduits en langage vulgaire. Nous voudrions qu'on en vint à considérer l'immensité du ciel comme un temple où les astres silencieux et recueillis, vêtus d'ornements splen

dides, accomplissent gravement d'année en année les cérémonies d'un culte perpétuel. Si l'on examine bien cette idée, on verra que ce n'est pas uniquement de la poésie, et qu'un chrétien peut difficilement se faire une autre idée des mouvements majestueux du ciel et de la procession des mondes autour de leurs soleils respectifs. Le calendrier doit nous rappeler encore les noms de nos protecteurs du ciel, et pourquoi ne joindrait-on pas au nom de chaque saint un mot caractéristique de ses œuvres ou de ses vertus, pour les proposer chaque jour à l'imitation et aux prières des fidèles? Un almanach ainsi fait serait un véritable livre de piété et un manuel toujours utile.

La partie scientifique de l'almanach aurait done rapport au calendrier et à la science de l'année ecclésiastique; il serait bon d'y joindre des éphémérides rappelant sommairement les grands événements dont le souvenir se rattache à chacun des jours de l'année, et les noms des grands hommes dont l'Eglise honore la mémoire sans les avoir placés dans son Martyrologe; puis doivent venir des conseils sur l'agriculture, en tenant compte de toutes les améliorations et de toutes les découvertes sanctionnées par l'expérience, des avertissements relatifs à l'hygiène et à la morale domestique, en un mot les avertissements d'un bon pasteur et d'un bon père de famille.

La partie historique et anecdotique du livre doit être revue avec un goût sévère; il faut en écarter avec soin l'esprit de parti, de dénigrement et de gaieté niaise; il faut instruire même en amusant, et si l'on doit permettre et demander même au Messager de tous les ans quelque récit du coin du feu, quelque conte naïf empreint d'une bonne et franche gaieté, nous ne devons lui permettre ni bouffonneries indécentes, ni historiettes hasardées; le conteur du foyer doit se souvenir toujours qu'il parle devant les mères de famille et les petits enfants. Il doit éviter également, dans ses récits, l'intention morale affectée qui fatigue, et les inventions oiseuses qui font perdre le temps; un bon conte qui fait rire sans offenser Dieu ni le prochain n'est pas une chose oiseuse et défendue, puisque Dieu nous permet de nous récréer. Lorsque le bon roi saint Louis était à table, il ne voulait pas, par égard sans doute pour ses convives, qu'on s'y fatiguât l'esprit par des conversations théologiques ou des entretiens trop relevés. Ce n'est pas le moment de disserter ici, disait-il avec bonté; si donc quelqu'un a quelque chose de joyeux dans l'esprit, qu'il le dise en tout bien tout honneur, et avec la crainte de Dieu.

La partie prophétique de l'almanach ne peut être, comme on le comprend bien, qu'un nouveau sujet de récits intéressants, une occasion de faire des calculs et des rapprochements ingénieux, un prétexte pour instruire encore en amusant, et pour exciter doucement et indirectement ses lecteurs au respect et à la confiance pour les soins maternels de la Providence qui nous dirige. Un

peu de merveilleux ne nuit jamais aux poëtes comme aux conteurs, et les prédictions sont la partie poétique de l'almanach. Souvent, sous prétexte de prédiction, on peut se livrer aux observations les plus fines et aux critiques les plus délicates des ridicules de l'année précédente; mais combien de science et d'art ne faut-il pas pour manier habilement et surtout chrétiennement les armes si dangereuses de la raillerie et de la satire! Un almanach catholique bien fait sous tous les rapports que nous venons d'indiquer, serait donc non-seulement un bon ouvrage et une bonne œuvre, mais encore un petit chef-d'œuvre. Il serait bon, du reste, d'étendre aux almanachs les prescriptions du concile de Paris touchant les livres qui doivent être soumis à l'ordinaire; car on ne saurait apporter assez d'attention ni assez de soin à la rédaction de ces petits ouvrages si frivoles en apparence, et qui peuvent avoir sur l'esprit des masses une influence si profonde; il serait à désirer que deux almanachs ou annuaires fussent officiellement publiés tous les ans dans chaque diocèse, sous la surveillance spéciale des évêques : un almanach du clergé qui ne serait autre chose que le bref plus complet et plus étendu, et un almanach des fidèles où seraient renfermés à la fois un résumé des instructions pastorales de l'année précédente et des conseils pour l'année suivante. Quoi qu'il en puissé être de l'opportunité de cette mesure, qu'il ne nous appartient en aucune manière de juger, ni de préjuger, et pour nous en tenir à la seule appréciation littéraire, concluons qu'un almanach est un ouvrage plus important qu'on ne pense, et que pour le bien faire il faut unir les qualités les plus diverses, l'instruction solide d'un savant, la méthode d'un bon professeur, l'indulgence d'un père de famille, l'exactitude et l'impartialité d'un journaliste consciencieux (qu'on nous permette cette utopie), la grâce d'un joyeux conteur unie à la prudence d'un catéchiste; puis enfin la finesse, l'esprit d'observation et de saillie, le tout assaisonné et tempéré par beaucoup de bonhomie et de simplicité.

On voit par cet aperçu, dont personne ne contestera la justesse, que peu de littérateurs, même parmi les plus distingués, sont capables de composer un almanach irréprochable.

AMALARIUS ou AMALAIRE, disciple d'Alcuin, clerc de l'église de Metz, et depuis chorévêque de Lyon, fut envoyé à Rome, l'an 831, par l'empereur Louis. Son grand traité des Offices ecclésiastiques, divisé en quatre livres, est un des documents les plus curieux que doivent consulter ceux qui s'occupent plus spécialement de la liturgie et de la signification emblématique des céré monies de l'Eglise. Les explications mystiques qu'il donne de toutes les parties du culte ne sauraient plaire à tous les esprits, surtout à une époque d'analyse rationnelle où la critique se montre sévère envers toutes les assertions qui ne paraissent pas bien rigoureusement démontrées. Il y a néan

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