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CET ET éloge obtint en 1812 une mention honorable, dans le concours au prix d'éloquence de l'Académie française. L'auteur le destinoit à une édition nouvelle des Essais de Montaigne.

Avant cette époque, il s'occupoit d'un ouvrage plus important sur l'écrivain le plus célèbre du 18.e siècle; des circonstances impérieuses ne lui permirent pas de l'achever. Aujourd'hui que le Gouvernement honore et protège les principes qui l'ont fait entreprendre, l'auteur fera paroître son travail. Il s'agit d'une Vie de Voltaire et d'une édition classique de ses ouvrages.

Lorsqu'un écrivain consacre ses veilles à l'instruction de la jeunesse, il doit peut-être, s'il est encore inconnu dans les lettres et aux gens de lettres, prouver que ses principes, dans les tems difficiles que nous avons traversés, ont toujours été indépendans de l'autorité, de l'opinion et des révolutions. C'est dans cette vue que l'on publie aujourd'hui cet Eloge de Montaigne. Voici l'ex-trait du rapport de M. le Secrétaire perpétuel de l'Institut sur le concours de 1812:

peu

« Le n.o 3 est un ouvrage estimable, dont l'au>>teur a beaucoup lu et beaucoup réfléchi. Son >> style a du naturel et de la correction, et ne >> manque pas d'élégance; mais il a de mou>>vement et de variété. L'auteur n'a pas considéré >> son sujet sous les rapports les plus intéressans, >> parce qu'il a été entraîné par une idée domi>> nante, à laquelle il a subordonné ses vues par» ticulières sur la doctrine de Montaigne. Il s'at>> tache à prouver qu'il n'y a point de vraie >> philosophie sans religion; que tous les progrès » de l'état social sont dus au christianisme, et que >> Montaigne étoit sincèrement attaché à la doc

»trine chrétienne. Cette dernière opinion a déjà » été défendue par quelques écrivains. Pascal et >> Mallebranche ont pensé différemment, et leur >> autorité sans doute est imposante; il est donc » permis de se partager entre ces deux opinions. » Le sentiment de l'auteur sur l'influence du >> christianisme mérite toutes sortes d'égards; mais >> il donne à cette influence une extension dont >> les résultats ne sont pas confirmés par l'histoire, >> que la raison peut contester, et que les intérêts » de la religion ne réclament point. Tout sys>> tême dans une discussion philosophique ou » littéraire, gêne la liberté de l'esprit et donne des >> bornes à la pensée. C'est ce qui est arrivé à » l'auteur de ce discours. On y trouve d'ailleurs >> des détails intéressans sur la personne de Mon>> taigne. C'est une idée heureuse que d'avoir re

présenté ce philosophe placé entre les opinions » des philosophes anciens et la doctrine du chris>>tianisme; et, dans le développement de cette >> idée, l'auteur montre beaucoup d'esprit et d'ins» truction. » (p. 9. )

DE MONTAIGNE.

« Je ne laisse rien à desirer et deviner de moi. Si on
» doit s'en entretenir, je veux que ce soit véritable-
» ment et justement. Je reviendrois volontiers de
» l'autre monde, pour démentir celui qui me for
» meroit autre que je n'étois,
fust-ce pour m'ho-

norer. »

Essais de Montaigne, liv. 3, chap. 9.

Les éloges et la critique sont épuisés sur Montaigne. Cependant on ne pouvoit rendre un hom-mage solemnel à sa mémoire dans aucun tems où il fût plus nécessaire de juger ses opinions avec par des hommes célèbres sagesse. Loué, blâmé imité quelquefois par ceux même qui s'armoient contre lui, ses détracteurs et ses admirateurs ne restèrent presque jamais dans les bornes de la vérité. Les uns oublioient qu'il écrivoit à la renaissance des lettres, et le condamnèrent d'une manière absolue sur des études spéculatives qui lui étoient communes avec les anciens philosophes. De même ses admirateurs oublièrent trop souvent de rapporter ses doctrines à la morale publique et à l'ordre social. Quoi qu'il en soit, on a tout dit sur Montaigne, s'il faut se borner à un simple panégyrique; et sans doute il importe assez peu de discuter en

core s'il fut disciple de Zénon ou d'Epicure. Mais lorsque la puissance de l'opinion a tout changé sur la scène du monde, lorsque les peuples ont éprouvé les révolutions de vingt siècles dans vingt années, et qu'après d'aussi vives agitations, ils cherchent à se reposer dans le calme des lois et de la sagesse, il ne peut être indifférent, dans l'éloge public d'un philosophe aussi célèbre, de rechercher si toutes ses maximes sont en harmonie avec les plus grands intérêts de la société.

Le tems est venu où l'écrivain, s'il aime la gloire et son pays, doit s'imposer de nobles devoirs ; il ne peut plus rester dans les bornes d'une littérature étroite et frivole. Placé entre les souvenirs de l'antiquité et la majesté de l'avenir, il n'écrira que pour être utile aux hommes ; et s'il se trouve appellé à discuter ces questions fameuses qui ont toujours divisé l'esprit humain, il imitera cet ancien qui défendoit généreusement, contre Platon lui-même, la cause de la vérité: principes que nous suivrons dans l'éloge de Montaigne.

La philosophie, dans son acception rigoureuse, est la science de l'homme. Elle a toujours occupé les plus grands génies de l'antiquité; mais l'homme n'a été bien connu que dans les tems modernes : et de même que l'usage de l'aimant a rendu le plus obscur pilote de nos jours plus habile que les Néarque au siècle d'Alexandre, de même le christianisme a rendu le fils du pâtre plus éclairé sur les intérêts et sur les destinées du genre

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