jolie invention, que jusqu'à ce moment « je n'ai pu approfondir. Croyez que << j'aurois plutôt refusé ma fille au duc « pour avoir pu inventer un mensonge « aussi grossier, que pour avoir abandonné << sa première amante. » « Je vois bien que nous ne nous accor<<< derons pas aisément sur ce point; car de « même que ma croyance vous semble « étrange, vos doutes me paroissent incompréhensibles. L'assemblée qui s'étoit réanie au château, se retira peu à peu. J'étois resté seul avec le comte et sa femme, lorsque Libussa, vêtue de ses habits de bal, se montra à la porte de la salle, et eut l'air étonné de ne plus voir la société. « Qu'est-ce que cela signifie? » demanda la comtesse. Son mari ne trouva pas assez d'expression pour peindre son étonnement. « Où est Marino? » s'écria Libussa. « Tu nous le demandes? >> répartit sa mère; « ne t'avons nous pas vue sortir avec « lui par cette petite porte? »> << Cela ne se peut pas; vous êtes dans <<< l'erreur. >> « Mais, non; non, ma chère enfant! Il n'y a qu'un instant, tu as dansé avec un «< emportement singulier; ensuite vous êtes « sortis tous deux. » Moi, ma mère ? » « Oui, ma chère Libussa; comment as-tu pu oublier tout cela ? -» « Je n'ai rien oublié, je vous l'assure. » << Où as-tu donc resté si long-temps? » « Dans la chambre de ma sœur, »> dit Libussa. Je remarquai qu'à ces mots le comte pâlit un peu; son regard craintif cherchoit le mien; il garda pourtant le silence. La comtesse craignant que sa fille ne se trompât, lui dit d'un ton afflige: « Comment as-tu eu une aussi singulière « idée, dans un jour comme celui-ci? » « Je ne pourrois en dire la raison; je << sais seulement que je me suis sentie tout«à-coup un très-grand serrement de cœur, « et il m'a semblé qu'il ne me manquoit qu'Hildegarde. J'avois en même temps «la ferme espérance de la trouver dans sa «chambre occupée à jouer de la guitare; « voilà pourquoi je m'y suis glissée tout << doucement. >> «L'y as-tu trouvée ? » « Hélas! non; mais le vif désir que je << ressentois de la voir, joint à la fatigue << de la danse, m'avoient tellement épuisée, « que je me suis assise sur une chaise, où « je me suis profondément endormie. » << Depuis combien de temps as-tu quitté « la salle ? >> « L'horloge de la tour sonnoit onze «< heures trois quarts, lorsque je suisentrée « dans la chambre de ma sœur. » « Qu'est-ce que tout cela?» dit tout bas la comtesse à son mari; «< elle parle « d'une manière suivie; cependant je sais << bien que lorsque l'horloge a sonné onze <«< heures trois quarts, j'exhortois, à cette « même place, Libussa à danser avec un « peu plus de modération. >> « Et Marino?» demanda le comte. << Je croyois, comme je l'ai déjà dit, le << trouver ici. » << Bon Dieu! » s'écria la mère, « elle << extravague; mais lui, où est-il donc ? » Quoi donc, ma bonne mère ? » dit Libussa d'un air inquiet, en s'appuyant sur la comtesse. Cependant le comte prit un flambeau, et me fit signe de le suivre. Un spectacle affreux nous attendoit dans |