Dans ton cœur où survit le sang de tes aînés, Le Nord lugubre aux durs rites enracinés A mêlé le relent des cires catholiques
Au multiple bouquet des senteurs bucoliques; Et tes sens douloureux n'oublient pas sans effort Ce goût de cierge éteint qui pleure et fume encor..
Songeuse!.. Va mêler ton atavisme austère Au renouvellement onctueux de la terre; Que ton pas réfléchi se plaise à fréquenter Les jardins printaniers où mûrira l'été : Et les arbres chargés de flores jusqu'au faîte Qui secouent la saison heureuse sur la tête, Les oiseaux alternés comme un chœur de pipeaux, L'eau dans l'herbe, le ciel mat et bleu, le repos Des bons après-midi qu'un peu d'ombre tamise, T'apprendront qu'il n'est point d'autre terre promise Que celle où la jeunesse aimable sent sa chair Encensée au contact des feuilles et de l'air.
L'ombre des arbres verts, douce à ton nonchaloir, Figure sur le sol un paysage noir
Qui dodeline au vent avec toutes ses feuilles Et tente tes doigts prêts à d'illusoires cueilles.
El ces sous-bois, captifs de son miroir serein, De l'cau contradictoire ont fait un parc marin Où ton reflet anime une fausse sirène
Et tu aimes mener la longueur de la traine Vers ces souples jardins que tu ne peux saisir, Mensonge naturel qui plait à ton désir,
Soit que ton geste tende à l'ombre les mains blanches, Soit qu'il se noie au cœur des eaux pleines de branches.....
Le long des beaux jardins sans demeure, va voir Aux immobiles lacs arrondissant leur coupe Parmi de l'herbe druc et du branchage noir,
Les soirs laiteux tombés dans l'eau qu'un cygne coupe.
De sa nage sans bruit deux sillages s'en vont Regagner, en leur ligne étroite et biaisée, Chaque rive contraire où pleure une rosée, Et qui trempe dans l'eau son mirage profond.
La tranquillité douce et le pale silence Accompagnent la course immaculée; un pur, Un identique cygne en reflet se balance Dans l'horreur du miroir incluctable et sûr...
Tu n'as pas su vers quelle issue ou quelle terre Ramait la royauté si blanche des oiseaux Par la vie innomable et changeante des eaux Qu'écartait largement son geste solitaire,
Mais tu savais, avec l'intacte dignité Et cette solitude émouvante du cygne, Que voguait mollement ton ame intacte et digne. Vers la nuit, le repos, le silence, l'été...
Les girouettes ont des voix comme les heures. Et, sur les toits chenus, fantasques et mineures, Leur bouche grande ouverte et qui mange du vent Chantonne un refrain décevant.
Elle dit Mars nerveux, les élés monotones, Les bises de l'hiver, la houle des automnes, Et, dans son timbre, grince en trois tons le passé Ainsi qu'un violon faussé.
Elle pleure on ne sait quelle âpre nostalgie : L'amertume par tous les temps d'être en vigie, Signalant la saison et l'arrière-saison
A ceux qu'abrite la maison;
L'horreur de n'être rien qu'une vieille ferraille Que méprisent les chats, dont le corbeau se raille Et qui, tout en tournant, jalouse le moulin Et son envergure de lin;
La fatigue, depuis tant de longues années, De tenir compagnie au rang des cheminées Sans même dans les airs être seule à jucher Comme le coq d'or du clocher;
L'ennui de figurer un emblème baroque, D'imiter les façons folles d'une breloque, D'être prise à témoin par les points cardinaux, De servir de nid aux moineaux;
Surtout la honte, après les grandeurs ancestrales D'exhaler à tous vents ses tristesses orales Non plus sur le castel des chevaliers courtois, Mais sur les plus vulgaires toits !...
Ainsi la girouette a des chansons moroses Pour qui sait écouter le langage des choses. Mais elle n'est, pour ceux qui ne comprennent point Qu'un bruit vague et quelconque au loin.
On va vivre! Voici revenir les bien-êtres : La liberté du chaud parmi les jardins verts, L'aise des fins habits et des logis ouverts, Et notre humanité s'accoudant aux fenètres.
Les oiseuses maisons mêmes auront fleuri, Ainsi que les jardins noucux; fleurs des visages Composant le bouquet ironique des âges, De la vieille qui branle à l'enfançon qui rit.
Pour nous, dans la tiédeur des Rameaux et des Pâques, Nous aimons voir darder ses feuilles l'arbre noir, Comme aussi nous aimons, le long des maisons, voir Figurer ces profils sur les vitres opaques.
Nous aimons que l'allée étroite offre à nos doigts Les lierres vernissés et tendres de ce mois, L'herbe innocente, les fragiles pâquerettes, La ronce embarrassante aux mauvaises arêtes;
Que l'ombre ample et palmée abatte sur le sol Les marronniers au faîte inaccessible et mol; Que plein d'oiseaux hardis, de bourdons en tumulte, Le jardin engoncé de branches soit inculte;
Que le temps soit si lourd d'orage et de chaleur Qu'en restant immobile on s'y sente en sueur, Et qu'ayant desséché leurs flores paysannes, Les arbres aient l'odeur défunte des tisanes...
Hors le présent heureux dont mon cœur est épris, Lorsque je vois tomber les couchants équivoques Rouges parmi tes eaux bénignes, ô Paris!
Il se réveille en moi, grouillants d'ours et de phoques, D'agressifs, ancestraux et durs septentrions Qui remontent la Seine en des barques mastoques.
Et je cric en mon cœur filial, nous crions Vers tes mille quartiers, tes palais et tes arches, Et préparons nos poings chargés de horions.
Le vent où chantent clair nos gutturales marches Hérisse sur nos caps nos cheveux courts et roux Et nous espérons fort ensanglanter tes marches,
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