Imágenes de página
PDF
ePub

Cependant en dépouillant toute la correspondance et la comptabilité de la Tournelle des Galériens, dans cette partie spéciale aux fers et menottes, on ne trouve pas d'autre trace des serre-pouces.

Les comptes des 12, 18 et 27 mars 1787; 8 et 25 may, 22 août, 12 octobre, et (?) novembre 1786, 25 avril 1785; 7 avril et 4 août 1784; 19 may 1783; 17 janvier, 16 mars et 8 avril 1782 ne mentionnent ni fabrication ni réparation de serre-pouces.

D'autre part l'expression « conforme à la demande du concierge qu'emploie le maître serrurier dans son « Détail estimatif » semble indiquer qu'il s'agit d'une commande peu courante faite sur indication spéciale, car dans aucun des autres comptes une expression semblable n'est employée pour les autres fers.

Le problème est donc livré aux chercheurs. Les archives départementales des villes où furent établis des dépôts de galériens doivent contenir la solution.

Si l'invention des serre-pouces est due au concierge Guilbert, l'établissement de ce mode de torture a d'autres complices.

Le « Détail estimatif » dont il s'agit porte la ratification suivante : << fait et dressé par nous Ingénieurs du Roy en chef des Ponts et Chaussées de la Généralité de Rouen. Signé : Samandi. »

Il passa sous les yeux d'un fonctionnaire de Paris, Debonnaire Deforges, qui, le 10 juillet 1789 juillet 1789 quatre jours avant la prise de la Bastille, écrivait :

<«< M. le Directeur général que je l'ai mis sous les yeux ainsi que la lettre que vous m'avez écrite à ce sujet n'a pu que s'en rapporter à votre avis sur la nécessité de cette dépense. Il approuve en conséquence que vous fassiez pourvoir à ces ouvrages. »

Le mode de fourniture a peu changé depuis un siècle.

Actuellement comme en 1789, c'est toujours l'industrie privée qui est chargée de la fabrication de ces instruments de torture.

Les serre-pouces, dont nous venons de parler, ont été fabriqués chez « H. Bourgeois, maître serrurier, demeurant à Rouen, ruc des Vergetiers.» Actuellement c'est un fabricant de colliers de chiens qui les fournit.

Il y a pourtant un progrès.

Le concierge Guilbert commandait une paire de serre-pouces au serrurier Bourgeois.

Maintenant l'État fait au quincaillier de la rue Réaumur des commandes par deux mille.

Cette énorme consommation entraîne une forte baisse dans les prix. Les serre-pouces, qui, en 1789, revenaient à livres 10 sols, le Groupe de Propagande Antimilitariste de Paris les livre au public pour la somme modique de deux francs avec la manière de s'en servir pardessus le marché.

G. DUBOIS-DESAULLE

Spéculations

LA SOCIÉTÉ PROTECTRICE DES ENFANTS MARTYRS.

DE L'ANTIPROTESTAN

TISME CHez les gendres de M. DE HEREDIA.

Il existe en

[ocr errors]

La société protectrice des enfants martyrs. Belgique une institution dont le besoin, sans doute, en France, se fait sentir vivement: la Société pour la protection des enfants martyrs. Son mécanisme compliqué comprend, ainsi qu'il est aisé de le reconstituer, trois catégories de membres ceux qui protègent les enfants, ceux qui ont mission de les martyriser, et d'abord ceux qui s'emploient à les faire. L'existence indiscutable de ces derniers fonctionnaires impliquée dans l'abondance constatée du matériel les enfants de cette société, donnerait à souhaiter que la France, toujours alarmée de dépopulation, en encourageât quelques autres semblables. Ceci entraînerait plusieurs conséquences indirectes, ainsi les parents de martyrs, contre qui sévit aujourd'hui la justice, ne manqueraient point d'être désormais vénérés par cette même justice, à condition toutefois qu'ils fussent membres de la société et ne remplissent leurs devoirs de martyriseurs que porteurs de leur insigne.

la

[ocr errors]
[ocr errors]

nous

Il ne semble pas cependant qu'en Belgique l'organisation des trois classes de fonctionnaires soit autant qu'elle le pourrait un modèle de sagace administration. Si les membres protecteurs, fort considérés, répandent dans toute l'Europe, au moyen de journaux spéciaux, des attestations à leur propre louange, les membres pourvoyeurs entendons les bourreaux chargés de réaliser chez l'enfant les premiers droits nécessaires a protection sont rarement mentionnés, et jamais honorablement. Il est craindre que cette désunion, que nous voulons croire affectée, entre les divers bureaux, doive un jour devenir préjudiciable aux intérêts de la société. Il nous paraît mesquin également que dans l'espèce les bourreaux et les membres fabricateurs soient groupés dans un même service et pratiquement confondus, sous le nom de parents. Mais c'est là une mesure destinée sans doute à économiser, par le cumul des fonctions, moitié des émoluments, jusqu'à la distribution des premiers dividendes, et que nous espérons provisoire. Félicitons les généreux anonymes qui, afin de laisser aux parents plus de loisir dans leur service de sévices, assument une partie de leur lourde tâche de production.

Au moment où nous terminons ces lignes, on nous apprend que les Enfants martyrs de Belgique sont une péjoration emphatique et rien autre chose que ce que la France possède sous le nom d'enfants abandonnés et assistés. On ne nous le persuadera point, car il est doux de croire qu'une œuvre aussi philanthropique existe quelque part au monde. Mais nous démêlons dans cette information la preuve d'une

1

:

fâcheuse incurie si les membres protecteurs se contentent d'instrumenter sur des matériaux simplement trouvés, il s'ensuivrait que les membres martyriseurs s'endorment dans des sinécures condamnables, et que la Société ne justifie point son titre et doive, à peine d'abus de confiance envers le public, passible des tribunaux, être dissoute par ses propres statuts. Nous n'exigeons point dès l'abord que les membres producteurs n'exercent qu'en vue unique de la société : c'est là un progrès qui s'accomplira plus tard; mais si tout sentiment humain n'est pas enlize dans la paresse des fonctionnaires du deuxième bureau, de grâce, un peu de zèle, messieurs les membres martyriseurs !

[ocr errors]

De l'antiprotestantisme chez les gendres de M. de Heredia. La publication en volume du Roi Pausole accuse nettement la tendance antiprotestante de cette école. C'est une caricature réussie que le Grand-Eunuquc, Père la Pudeur huguenot, lequel enferme l'épouse coupable avec un gros livre, la Bible, pour la consoler, dit-il, et c'est un personnage neuf et vrai qu'un eunuque moral. Nous nous étions diverti précédemment aux Pasteurs dont les ombres grotesques égayaient, concurremment avec les duels et galanteries alertes de l'Avantageux, la langue érudite des aventures de Blancador. Nous venons de relire, pour notre plaisir, et incidemment pour rechercher l'origine de la tendance que nous étudions, l'admirable Double Maîtresse. C'est bien déjà une protestante que l'austère mère de Nicolas de Galandot, quoiqu'elle aille encore à la messe, et n'est-il pas suffisamment hérétique, ce car-dinal Lamparelli pour la fantaisie de qui un singe habillé en pape pisse, du haut d'une cage, blanc, papelard et goutte à goutte?

[merged small][graphic][subsumed][ocr errors]

LES ROMANS

TRISTAN BERNARD Un Mari pacifique Editions de La revue blanche).

Curieuse fortune que celle dn mot humour, créé d'abord pour signifier le caprice d'un Sterne ou d'un Jean-Paul, l'intrusion de l'auteur dans son œuvre avec ses pitiés, ses colères, ses bizarreries, ses humeurs, et que tous bientôt s'accorderont à définir comme Multatuli «< une restitution de la vérité » ! A ce compte, je veux bien que Tristan Bernard soit un humoriste: ce qui d'ailleurs empêche de le confondre avec les réalistes purs, c'est son attitude de spectateur amusé, l'ironie sous-jacente à son récit, et qui parfois perce en remarques aiguës. Cependant les effets qu'entre tous il préfère sont ceux qui demandent le moindre degré d'intervention personnelle. Son esprit ne se révèle presque qu'à travers les personnages et l'action qu'il anime; il met là son scrupule et sa coquetterie. Tristan Bernard, c'est le bon compagnon de chemin de fer qui s'enfonce dans son coin. étranger aux conversations, jusqu'à ce qu'un tressaillement de sa barbe épaisse, un éclair dans ses yeux placides, témoigne qu'il a tout entendu et tout compris. Tristan Bernard, c'est encore ladroit chasseur de papillons qui, laissant aux novices le filet tournoyant, se plante devant une fleur, attend qu'un vol s'y pose, puis doucement, avant qu'on ait surpris son geste, ramène au bout de ses doigts l'insecte immobilisé. Tandis que d'autres ne se retiennent pas de rehausser chaque observation un peu fine par une phrase précieuse, lui ne souffre pas que rien vienne en relief sur le plan uni de sa narration. De là nait l'impression d'une sagacité constante, que n'épuise pas son objet d'un moment, et qui s'appliquerait aussi bien à toutes les occasions de la vie. De là naît aussi, dans les choses les plus minces et les plus contingentes, l'apparence d'une tranquille nécessité.

Ce fatalisme est bien ce qui me frappe le plus dans l'histoire d'Un Mari pacifique. La médiocrité des caractères y contribue; et peut-être aussi, je pense, un artifice de bon aloi : Au cours de leur tragédie comique, les petites âmes de Daniel et de Berthe ont sans doute leurs minutes de passion et de désespoir; mais l'auteur, en ces instants-là, les laisse simplement agir et parler ; il attend, pour se replonger dans leur vie intérieurc, qu'elle soit redescendue à son niveau normal. C'est une façon de vous dire que « ça n'a pas d'importance », et qu'il n'en sera ni plus ni moins; - opinion parfaitement conforme à l'expérience de la vie. C'est mal comprendre Daniel IIenry que de mépriser sa prudence, sa

résignation veule, son goût pour les solutions faciles. S'il lui plaisait d'élire, d'après les grands modèles, un rôle de jalousie féroce ou d'évangélique pardon, il ne saurait point le soutenir; quant à construire l'action complexe et neuve qui s'adapterait exactement aux circonstances, c'est un effort qui passe la portée de son esprit. Sa faute originelle, dirait Schopenhauer, est dans ce qu'il est, non dans ce qu'il fait. Sans réflexion mais avec sagesse, il obéit à sa nature, et se repose dans une philosophie conforme à son tempérament. Berthe n'est pas d'une essence plus rare. Leur commune aventure a tout juste le sens qu'ils conviennent de lui donner; et le faux dénouement qu'ils acceptent est pour eux le meilleur aussi. C'est le domaine de l'inconscience; ici n'entrent point les héros.

R. L. STEVENSON: La Flèche Noire, traduit de l'anglais par E. LA CHESNAIS (Société du Mercure de France).

« J'ai passé en France une bonne part de ma vie, écrivait Stevenson à M. Schwob; j'aimais votre pays et beaucoup de ses habitants; et tout ce temps je ne cessais d'apprendre ce que votre pays sait enseigner, y respirant surtout cette atmosphère d'art qui là seulement peut être respirée. » Stevenson avait le culte des lettres françaises; son goût avait avec le nôtre mille subtiles affinités. Aucun de ses récits ne risque de rebuter le public français; mais tous ont de quoi le surprendre et le ravir par la richesse de l'invention, par le choix exquis des détails, et par la merveille d'un art qui retrouve, à force de raffinements, la spontanéité des impressions d'enfance. Puissent toutes les traductions que nous promet le Mercure de France être aussi exactes, aussi souples, que celle de M. la Chesnais. Mon seul regret est qu'on ne nous ait point donné d'abord une des œuvres que préférait l'auteur lui-même exemple The Master of Ballantræ. On a sans doute reculé devant une édition des Lettres. Elles attireraient en effet moins de lecteurs que les romans; mais elles sont également jolies, et d'un tour encore plus français. Il faudrait les traduire toutes celles de Marseille et celles d'Amérique, celles d'Ecosse et celles de Samoa - en y joignant le premier des deux portraits reproduits dans l'édition anglaise : la face étroite et fine entre des cheveux longs, le demi-sourire tendre et l'éclat du regard expriment un peu de malice, un peu d'inquiétude, beaucoup de rêverie, surtout la fièvre et la joie du travail. A voir cette figure aristocratique et familière, on devinerait la vertu qui distingue Stevenson : la probité de moyens dans le plus libre jeu, la conscience dans la fantaisie.

pår

Stevenson rangeait lui-même la Flèche Noire dans la même catégorie que l'Ivanhoe de Walter Scott; c'était un essai de dialecte vieil anglais, ce qu'il appelait une « tushery ». Il le tenait en médiocre estime : « J'ai peu de plaisirs plus grands, disait-il, que de relire mes propres œuvres; mais jamais, jamais je ne relis la Flèche Noire... » « Vous désirez traduire la Flèche Noire, écrivait-il à M. Schwob. Cher

« AnteriorContinuar »