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biles entre les lignes. Enfin le commandant leur fit rouvrir les portes, et les soldats français partagèrent avec eux leurs faibles portions d'alimens.

En réduisant encore les rations, qui, depuis le commencement du blocus, avaient été fixées au tiers de la ration ordinaire, le général Vaubois atteignit le mois d'août. La misère fut alors à son comble. La garnison et les habitans souffraient également des approches de la famine: toutes les bêtes de somme avaient été tuées ou consommées, le bois manquait, l'eau des citernes était épuisée; il n'y avait plus de pain que jusqu'au 2 septembre. Le commandant voyant approcher le moment où il serait forcé de capituler, fit partir les frégates la Diane et la Justice, dans l'espoir qu'elles pourraient échapper à la croisière; la première fut prise; la seconde, plus heureuse, dut son șalut à l'obscurité de la nuit.

Enfin, le 5'septembre, le général Vaubois, n'ayant plus de vivres, envoya un parlementaire au général anglais Pigot, pour lui

proposer une capitulation qui fut signée le même jour. La garnison sortit de la place avec les honneurs de la guerre, et fut conduite à Marseille sur des bâtimens anglais.

La capitulation de Malte fut pour la France le fruit le plus amer de la défaite de sa flotte à Aboukyr. Elle ne perdit pas seulement les avantages d'un beau port protégé par une forteresse inexpugnable au centre de la Méditerranée, d'un appui pour ses croisières sur le passage le plus fréquenté, d'un refuge pour sa marine militaire et marchande; mais elle dut gémir, elle devra regretter long-temps que cette funeste conquête, passant sous la domination des Anglais, ait détruit sa prépondérance, la sécurité de son commerce, et par conséquent les élémens de sa puissance maritime dans les mers du Levant.

Si les Français, maîtres de l'île de Malte, sans pouvoir l'être de la mer, avaient su s'attacher la population, ils s'y seraient peutêtre maintenus; mais au lieu de ménager l'esprit des habitans, de les consoler de la

perte d'un gouvernement paternel, ils abusèrent du droit de la guerre, choquèrent les préjugés, renversèrent les institutions religieuses, et se rendirent odieux à ceux dont la soumission ne pouvait être sincère, et dont les secours volontaires étaient pour eux le seul moyen de conserver cette importante possession. Tel est l'aveuglement des conquérans modernes et celui de presque tous les gouvernemens, qu'ils ne voyent dans les progrès de la civilisation, que des moyens plus sûrs et plus prompts d'abuser de la force et de courber les peuples sous le joug de leurs propres institutions, sans tenir compte des résistances qui s'accroissent et se multiplient en raison de la plus grande masse des lumières. Les Romains, quoique plus perfectionnés, plus éclairés relativement aux peuples qu'ils soumettaient à leur puissance, qu'aucune nation, aucun gouvernement de l'Europe moderne, et bientôt de l'Amérique, ne peut présumer de l'être par rapport à une autre nation; les Romains, justement cités et mal imités, ne trouvaient

pas

si facile de braver l'opinion, de changer les lois, les pratiques religieuses et les mœurs des vaincus. Nous n'aurons que trop d'applications à faire de cette vérité; mais nulle faute ne fut plus sévèrement punie, et n'eut de plus graves conséquences, que la conduite inconsidérée du gouvernement français, par rapport à l'île de Malte.

On voit que les Anglais ne s'étaient pas bornés à nourrir la guerre continentale par des subsides, et que depuis la coalition ils n'avaient cessé d'employer leurs forces navales dans la Méditerranée et sur l'Océan à opérer des diversions, pour retenir à l'ouest et au midi les renforts destinés à grossir la masse des armées françaises en Allemagne et en Italie. Après avoir fait sur Quiberon une tentative infructueuse, ils croisèrent sur les côtes de France et de Hollande, montrèrent des flotilles, menacèrent de débarquer sur plusieurs points, attaquèrent les bâtimens français dans les rades, et firent une espèce de petite guerre maritime extrêmement vive, mais sans effet. Le véritable objet de l'expé

dition préparée à Portsmouth et Plimouth était la formation de l'armée de sir Ralph Abercrombie, dont nous avons rapporté les succès et la fin glorieuse en Egypte à la bataille d'Alexandrie.

Cette armée, qui fut rassemblée à Miporque, et successivement portée à 20,000 hommes de débarquement, avait été d'abord destinée à agir sur le continent, soit en Italie, pour coopérer à la réduction de Génes; soit dans le midi de la France, et particulièrement au siége de Toulon, aussitôt que l'armée autrichienne aurait pénétré en Provence. Les lenteurs qu'éprouva son organisation, la rendirent inutile dans cette partie; le plan général était avorté, et la bataille de Marengo avait changé la face des affaires avant que l'armée anglaise fût en état d'être transportée sur le continent; les mêmes troupes, qui furent depuis employées à l'expédition d'Egypte, restèrent long-temps à Minorque dans l'inaction.

Cependant il fallait rendre utiles à la cause commune, non-seulement l'armée

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