Imágenes de página
PDF
ePub

L'effet de cette charge fut de couper le corps prussien par son centre, et de rendre impossible la retraite de tout ce qui se trouvait à la gauche, entre Woëhlsdorf et Saálfeld. Les régimens saxons ( Électeur et Xavier), déjà si maltraités ainsi que les fusiliers et chasseurs, se jetèrent à travers la Saale, quelques uns s'y noyèrent, un plus grand nombre y périt par le feu des tirailleurs, ou fut sabré dans la rivière par les hussards français. Les débris de l'aile droite, non moins chaudement poursuivis par une foule de tirailleurs et par la cavalerie, parvinrent jusqu'à Schwartza, où le général Bevilaqua, avec ce qu'il avait pu rallier, fut entouré et pris. De même que l'aile gauche avait fui à travers la Saale, les fuyards de la droite cherchèrent leur salut en passant la Schwartza, dont la rive gauche, escarpée et bordée de rochers, arrêta la poursuite. La nuit favorisa le ralliement de quelques bataillons et escadrons, et leur retraite sur Rudolstadt et Orlamunde; le détachement du général Pelet, qui n'avait pas pris part

[ocr errors]

au combat, et était resté à Blankenbourg

y

fut attaqué, et se retira sur Ilm.

Le résultat de cette journée fut, du côté des Prussiens, la perte de mille à douze cents hommes tués, dix-huit cents prisonniers, quatre drapeaux, trente-trois pièces de canon, avec leurs caissons attelés et tous les bagages. La division du général Suchet en eut toute la gloire; celle du général Gazan, qui la suivait et pressait sa marche, n'arriva que pour être témoin de la déroute de l'ennemi; le général en chef n'eut pas besoin de la mettre en action.

Le général Suchet s'empressa de recueillir sur le champ de bataille les restes du prince Louis Ferdinand. Le maréchal Lannes ordonna que les honneurs funèbres dus à son rang et à sa valeur lui fussent rendus avec toute la pompe militaire. Son militaire. Son corps fut embaumé et transporté dans le caveau des princes de Cobourg. Aussitôt que Napoléon en fut informé, il fit écrire au roi de Prusse par le major-général, pour lui témoigner la part qu'il prenait à la douleur qu'avait

dû lui causer la mort glorieuse de ce prince. Les conséquences les plus fâcheuses, pour la Prusse, des combats de Schleitz et de Saalfeld, mais surtout de ce dernier, furent d'abattre la confiance des troupes, l'ardeur présomptueuse qu'on leur avait inspirée, et de rompre l'accord entre les Prussiens et les Saxons; ceux-ci se plaignirent hautement d'avoir été sacrifiés dès l'ouverture de la campagne, et de n'avoir pas été soutenus. Le dissentiment des généraux prussiens, sur la position où les trois corps d'armée devaient se réunir pour attendre l'ennemi, qu'ils avaient prétendu prévenir, rendit toutes leurs dispositions incertaines, incohérentes, et leurs mouvemens contradictoires. Le prince de Hohenloe insistait pour que toutes les forces fussent rassemblées en masse entre la Saale et l'Elster à Mittel-Pólnitz, et qu'on livrât une bataille générale, en couvrant les points de retraite sur les ponts de l'Elbe; il n'exécutait qu'à regret et lentement les derniers ordres qu'il avait reçus du duc de Brunswick, de se porter à la rive gauche de

la Saale dans la direction de Weimar, où l'armée du roi attendait le corps de Ruchel et celui du duc de Weimar. Ainsi, du 9 au II octobre, l'armée de Hohenloe était encore dispersée sur les deux rives de la Saale, sans aucun lieu fixe de rassemblement, sans qu'on eût pris aucune mesure en cas d'attaque inopinée, sans chaîne régulière d'avant-postes; et pendant que ses deux avantgardes étaient, l'une battue à Schleitz, et l'autre détruite à Saalfed, cette armée se trouvait en marche par son flanc droit dans une direction opposée à celle des attaques des Français, Comme ce fut cette armée de l'aile gauche qui combattit presque seule à la bataille d'lena, il est essentiel de bien expliquer ses mouvemens et ses positions jusqu'au 14 octobre, jour de la bataille, avant de reprendre la suite des manoeuvres des divers corps de l'armée française, jusqu'à cette même époque.

Forcé d'exécuter les ordres du duc de Brunswick, et de renoncer entièrement à son projet de réunion entre Triptiz et Mittel

Pölnitz, le prince de Hohenloe avait porté le 10 octobre son quartier-général à Kahla, une partie de ses troupes occupait déjà Tena, Kahla, Orlamunde; le reste, et particulièrement la division des troupes saxonnes sous les ordres du général Zechewitz, marchait sur Neustadt et Roda pour se préparer à passer la Saale. Quoique le prince n'eût jamais douté, comme on l'a vu, que la principale attaque des Français ne fût dirigée sur l'aile gauche de l'armée prussienne, il était bien éloigné de croire cette attaque si forte et si imminente; il avait préparé, pour ce jour même 10 octobre, une reconnaissance générale de toute la chaîne de ses avantpostes jusqu'à Saalfeld, dans l'intention de la rectifier et de conférer avec le prince Louis et le général Tauenzien. Bien avant d'arriver sur la ligne, il fut informé de l'affaire qui avait eu lieu la veille à Schleitz; il en connut les fâcheux résultats par des groupes de fuyards, et par les équipages du corps saxon qui se retiraient précipitamment sur les derrières. Presque au même instant une

« AnteriorContinuar »