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Sa lettre est insensée, et conforme à l'abjecti de son état; mais elle découvre l'origine de sa reur: on y voit que les plaintes du public con l'archevêque avaient dérangé le cerveau du cri nel, et l'avaient excité à son attentat. Il paraiss par les noms des membres du parlement cités d: sa lettre, qu'il les connaissait, ayant servi un leurs confreres ; mais il eût été absurde de suppo qu'ils lui eussent expliqué leurs sentiments, enc moins qu'ils lui eussent jamais dit ou fait dire mot qui pût l'encourager au crime.

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Aussi le roi ne fit aucune difficulté de remet le jugement du coupable à ceux de la grand'cha bre qui n'avaient pas donné leur démission; voulut même que les princes et les pairs rendiss par leur présence le procès plus solennel et p authentique dans tous ses points aux yeux du blic, aussi défiant que curieux exagérateur, ‹ voit toujours dans ces aventures effrayantes : delà de la vérité. Jamais en effet la vérité n'a p dans un jour plus clair. Il est évident que cet sensé n'avait aucun complice: il déclara toujo qu'il n'avait point voulu tuer le roi, mais qi

Plus bas est écrit.

Paraphé, ne varietur, suivant et au desir de l'inter gatoire de ce jour neuf janvier mil sept cent cinquar sept. Signé DAMIENS, LE CLERC DU BRILLET, et DuvVOIGNE, avec parapl

Ladite lettre, ainsi que ledit écrit, annexé à la min dudit interrogatoire.

avait formé le dessein de le blesser, depuis l'exil du parlement.

D'abord, dans son premier interrogatoire, il dit que « la religion seule l'a déterminé à cet attentat. » Il avoue qu'il n'a dit du mal que des molinistes et de ceux qui refusent les sacrements; que * ces gens-là croient apparemment deux dieux. »

Il s'écria à la question, « qu'il avait cru faire une œuvre méritoire pour le ciel; c'est ce que j'entendais dire à tous ces prêtres dans le palais ». Il persista constamment à dire que c'étaient l'archevêque de Paris, les refus de sacrements, les disgraces du parlement, qui l'avaient porté à ce parricide: il le déclara encore à ses confesseurs. Ce malheureux n'était donc qu'un insensé fanatique; moins abominable à la vérité que Ravaillac et Jean Châtel, mais plus fou, et n'ayant pas plus de complices que ces deux énergumenes. Les seuls complices pour l'ordinaire de ces monstres sont des fanatiques dont les cervelles échauffées allument sans le savoir un feu qui va embraser des esprits faibles, insensés, et atroces : quelques mots dits au hasard suffisent à cet embrasement. Damiens agit dans la même illusion que Ravaillac, et mourut dans les mêmes supplices.

Quel est donc l'effet du fanatisme, et le destin des rois! Henri III et Henri IV sont assassinés parcequ'ils ont soutenu leurs droits contre les prêtres; Louis XV est assassiné parcequ'on lui reproche de n'avoir pas assez sévi contre un prêtre. Voilà trois rois sur lesquels se sont portées des S. DE LOUIS XV. 5.

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mains parricides dans un pays renommé pour aimer ses souverains.

Le pere, la femme, la fille de Damiens, quoiqu'innocents, furent bannis du royaume, avec défense d'y revenir, sous peine d'être pendus; tous ses parents furent obligés par le même arrêt de quitter leur nom de Damiens, devenu execrable.

Cet évènement fit rentrer en eux-mêmes pour quelque temps ceux qui par leurs malheureuses querelles ecclésiastiques avaient été la cause d'un si grand crime: on voyait trop évidemment ce que produisent l'esprit dogmatique et les fureurs de religion. Personne n'avait imaginé qu'une bulle et des billets de confession pussent avoir des suites si horribles; mais c'est ainsi que les démences et les fureurs des hommes sont liées ensemble. L'esprit des Poltrot et des Jacques Clément, qu'on avait cru anéanti, subsiste donc 'encore dans les ames féroces et ignorantes! La raison penetre en vain chez les principaux citoyens, le peuple est toujours porté au fanatisme; et peut-être n'y a-t-il d'autre remede à cette contagion que d'éclairer enfin le peuple même; mais on l'entretient quelquefois dans les superstitions, et on voit ensuite avec étonnement ce que ces superstitions produi

sent.

Cependant seize conseillers qui avaient donné leurs démissions étaient envoyés en exil; et l'un d'eux (1), qui était clerc, et qui fut depuis com

(1) L'abbé de Chauvelin,

seiller d'honneur, célebre pour son patriotisme et pour son éloquence, fonda une messe à perpétuité pour remercier Dieu d'avoir conservé la vie du roi qui l'exilait.

On confina aussi plusieurs officiers du parle, ment de Besançon dans différentes villes, pour avoir refusé l'enregistrement d'un second vingtieme, et pour avoir donné un décret contre l'intendaut de la province.

Le roi, malgré l'attentat commis sur sa personne, malgré une guerre ruineuse, s'occupait toujours du soin d'étouffer les querelles des parlements et du clergé, essayant de contenir chaque état dans ses bornes; exilant encore l'archevêque de Paris pour avoir contrevenu à ses lois dans la simple élection de la supérieure d'un couvent; rappelant ensuite ce prélat, et rendant toujours par la modération la fermeté plus respectable. Enfin les affaires même du parlement de Paris s'accommoderent; les membres de ce corps qui avaient donné leur démission reprirent leurs charges et leurs fonctions. Tout a paru tranquille au-dedans jusqu'à ce que le faux zele et l'esprit de parti fassent naître de nouveaux troubles.

CHAPITRE XXXVIII.

Assassinat du roi de Portugal. Jésuites chassés du Portugal, et ensuite de France.

Ux ordre religieux ne devrait pas faire partie de

l'histoire; aucun historien de l'antiquité n'est en

tré dans le détail des établissements des prêtres de Cybele ou de Junon. C'est un des malheurs de notre police européane que les moines, destinés par leur institut à ètre ignorés, aient fait autant de bruit que les princes, soit par leurs immenses richesses, soit par les troubles qu'ils ont excités depuis leur fondation.

Les jésuites étaient, comme on sait, les souverains véritables du Paraguai, en reconnaissant le roi d'Espagne. La cour d'Espagne avait cédé par un traité d'échange quelques districts de ces contrées au roi de Portuga Joseph II, de la maison de Bragance. On accusa les jésuites de s'y être opposés, et d'avoir fait révolter les peuplades qui devaient passer sous la domination portugaise. Ce grief, joint à beaucoup d'autres, fit chasser les jésuites de la cour de Lisbonne.

Quelque temps après, la famille Tavora, et surtout le duc d'Aveiro, oncle de la jeune comtesse Ataïde d'Atouguia; le vieux marquis et la marquise de Tavora, pere et mere de la jeune comtesse; enfin le comte Ataïde, son époux, et un des freres de cette comtesse infortunée,' croyant avoir reçu du roi un outrage irréparable, ils résolurent de s'en venger: la vengeance s'accorde très bien avec la superstition. Ceux qui méditent un grand attentat cherchent parmi nous des casuistes et des confesseurs qui les encouragent. La famille qui pensait être outragée s'adressa à trois jésuites, Malagrida, Alexandre, et Mathos: ces casuistes déciderent que ce n'était pas seulement un péché qu'ils appellent véniel de tuer le roi.

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