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CHAPITRE XLIII.

Des progrès de l'esprit humain dans le siecle de Louis XV.

UN ordre entier aboli par la puissance séculiere, la discipline de quelques autres ordres réformée par cette puissance, les divisions même entre toute la magistrature et l'autorité épiscopale, ont fait voir combien de préjugés se sont dissipés, combien la science du gouvernement s'est étendue, et à quel point les esprits se sont éclairés. Les semences de cette science utile furent jetées dans le dernier siecle; elles ont germé de tous côtés dans celui-ci jusqu'au fond des provinces, avec la véritable éloquence, qu'on ne connaissait guere qu'à Paris, et qui tout d'un coup a fleuri dans plusieurs villes: témoin les discours sortis ou du parquet ou de l'assemblée des chambres de quelques parlements, discours qui sont des chefs-d'œuvre de l'art de penser et de s'exprimer, du moins à beaucoup d'égards. Du temps des d'Aguesseau les seuls modeles étaient dans la capitale, et encore très rares. Une raison supérieure s'est fait entendre dans nos derniers jours du pied des Pyrénées au nord de la France: la philosophie, en rendant l'esprit plus juste, et en bannissant le ridicule d'une parure recherchée, a rendu plus d'une province l'émule de la capitale.

En général le barreau a quelquefois mieux connu

cette jurisprudence universelle puisée dans la na ture, qui s'éleve au-dessus de toutes les lois de convention ou de simple autorité, lois souvent dietées par les caprices ou par des besoins d'argent; ressources dangereuses plus que lois utiles, qui se combattent sans cesse, et qui forment plutôt un chaos qu'un corps de législation, ainsi que nous l'avons dit.

Les académies ont rendu service en acconte mant les jeunes gens à la lecture, et en excitan par des prix leur génie avec leur émulation. L saine physique a éclairé les arts nécessaires; et ce arts ont commencé déja à fermer les plaies de l'e tat, causées par deux guerres funestes. Les étoffe se sont manufacturées à moins de frais par les soin d'un des plus célebres mécaniciens (1). Un acadé micien encore plus utile (2) par les objets qu'il em brasse, a perfectionné beaucoup l'agriculture; et u ministre éclairé a rendu enfin les bleds exportables commerce nécessaire, défendu trop long-temps, qui doit être contenu peut-être autant qu'encou ragé.

Un autre académicien (3) a donné le moyen 1 plus avantageux de fournir à toutes les maison de Paris l'eau qui leur manque; projet qui ne peu être rejeté que par la pauvreté, ou par la négli gence, ou par l'avarice.

Un médecin (4) a trouvé enfin le secret long temps cherché de rendre l'eau de la mer potable

(1) M. aucanson. (2) M. Duhamel.

M. de Parcieux.
M. Poissonnier.

e

1 ne s'agit plus que de rendre cette expérience ssez facile pour qu'on en puisse profiter en tout emps sans trop de frais.

Si quelque invention peut suppléer à la connaisance qui nous est refusée des longitudes sur la ner, c'est celle du plus habile horloger de Frane (1), qui dispute cette invention à l'Angleterre. Mais il faut attendre que le temps mette son sceau à toutes ces découvertes. Il n'en est pas d'une invention qui peut avoir son utilité et ses inconvénients, d'une découverte qui peut être contesée, d'une opinion qui peut être combattue, comme de ces grands monuments des beaux arts en poésie, en éloquence, en musique, en architecture, en sculpture, en peinture, qui forcent tout d'un coup le suffrage de toutes les nations, et qui s'assurent ceux de la postérité par up éclat que rien ne peut obscurcir.

Nous avons déja parlé du célebre dépôt des connaissances humaines, qui a paru sous le titre de Dictionnaire Encyclopédique. C'est une gloire éternelle pour la nation que des officiers de guerre sur terre et sur mer, d'anciens magistrats, des médecins qui connaissent la nature, de vrais doctes quoique docteurs, des hommes de lettres dont le goût a épuré les connaissances, des géometres, des physicieus, aient tous concouru à ce travail aussi utile que pénible, sans aucune vue d'intérêt, sans même rechercher la gloire, puisque plusieurs cachaient leurs noms, enfin sans être ensemble d'in

(1) M. le Roi.

telligence, et par conséquent exempts de l'e de parti.

Mais ce qui est encore plus honorable po patrie, c'est que dans ce recueil immense le l'emporte sur le mauvais; ce qui n'était pas ex arrivé. Les persécutions qu'il a essuyées ne pas si honorables pour la France. Ce même heureux esprit de formes, mêlé d'orgueil, d'e et d'ignorance, qui fit proscrire l'imprimeri temps de Louis XI, les spectacles sous le g Henri IV, les commencements de la saine p sophie sous Louis XIII, enfin l'émétique et oculation; ce même esprit, dis-je, ennemi de ee qui instruit et de tout ce qui s'éleve, ] des coups presque mortels à cette mémorable treprise; il est parvenu même à la rendre u bonne qu'elle n'aurait été, en lui mettant de traves dont il ne faut jamais enchaîner la raison on ne doit réprimer que la témérité et non la hardiesse, sans laquelle l'esprit humain ne faire aucun progrès. Il est certain que la con sance de la nature, l'esprit de doute sur les f anciennes honorées du nom d'histoires, la: métaphysique dégagée des impertinences de cole, sont les fruits de ce siecle, et que la ra s'est perfectionnée.

Il est vrai que toutes les tentatives n'ont pa heureuses. Des voyages au bout du monde, 1 constater une vérité que Newton avait démo dans son cabinet, ont laissé des doutes sur l'e titude des mesures. L'entreprise du fer brut i ou converti en acier, celle de faire éclore des

eux,

aux à la maniere de l'Egypte dans des climats op différents de l'Égypte, beaucoup d'autres efts pareils, ont pu faire perdre un temps préet ruiner même quelques familles; mais us avons dû à ces mêmes entreprises des luieres utiles sur la nature du fer et sur le déveppement des germes contenus dans les œufs. Des stêmes trop hasardés ont défiguré des travaux qui raient été très utiles: on s'est fondé sur des expéences trompeuses pour faire revivre cette ancienne reur, que des animaux pouvaient naître sans gere; de là sont sorties des imaginations plus chiériques que ces animaux. Les uns ont poussé abus de la découverte de Newton sur l'attraction squ'à dire que les enfants se forment par attracon dans le ventre de leurs meres; les autres at inventé des molécules organiques: on s'est emorté dans ces vaines idées jusqu'à prétendre que s montagnes ont été formées par la mer; ce qui st aussi vrai que de dire que la mer a été formée ar les montagnes.

Qui croirait que des géometres ont été assez exravagants pour imaginer qu'en exaltant son ame n pouvait voir l'avenir comme le présent? Plus l'un philosophe, comme on l'a déja dit ailleurs, ivonlu, à l'exemple de Descartes, se mettre à la place de Dieu, et créer, comme lui, un monde vec la parole: mais bientôt toutes ces folies de la philosophie sont réprouvées des sages; et même ees édifices fantastiques, détruits par la raison, laissent dans leurs ruines des matériaux dont la raison même fait usage.

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