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rizontale où passent des ondes fauves et des frissons de lumière solaire. Le front, sous des boucles symétriques, petit et étroit, les yeux verts semés de points de lumière, - le galbe hellenisé de la face regarde, devant soi, le vide, le spectateur, la foule, et, sur le fleuve, en bas, ce sont des barques pavoisées, avec des hommes dans les voilures, semés et contournés de façon à figurer unc arabesque décorative, une fête des formes et de la couleur qui s'en va vers Lorely. Et, en bordure, tout un défilé de fleurs animées, portant des écharpes à leurs couleurs, vêtues de leurs feuilles, casquées et couronnées d'après des détails de leur structure, se suivent en un défilé triomphal, et, vêtue de pourpre en tête de chacune des lignes, une rose-fée tend une rose à une belle Lorely, assise sur un banc de gazon émaillé de marguerites blanches et or, unc rose rouge, puis une rose rose, puis une rose jaune, puis une rose-thé.

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- Eh bien, non! Je ne te vois pas ainsi. Tu n'es pas si hiératique, tu n'es pas si immobile.

C'est beau pourtant!

C'est beau, mais ce n'est pas une Lorely. Cela me gênerait plutôt que cela ne me plairait à voir longtemps.

Pauvre Franz, tu n'en prends pas encore ton parti.

De quoi? De ton affiche?

Non, de me voir dans un cirque. Tu t'aigris, tu tournes à l'homme ordinaire, tu voudrais me voiler dans les rues.

Quelquefois! mais cela ne nous dit pas où nous la mettrons.
Laissons-là ici.

Non, il y a trop de plain-pied entre elle et le premier venu, eatre elle et la rue.

Encore une fois, elle y foisonne, dans la ruc.

Ça n'est pas la même chose. Mais cette salle à manger... elle est un peu sévère, un peu sombre, un peu piétiste même. Là, elle fera admirablement; elle mettra tout en gaieté.

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Et puis tu comptes diner dehors.

Certes non...

Allons, mon petit Franz, on la mettra dans la salle à manger.

(A suivre.)

GUSTAVE KAHN

La Quinzaine dramatique

Odéon. Mon Enfant, comédie en trois actes, de M. AMBROISE JANVIER, Celle qu'il faut aimer, comédie en un acte, de MM. GRENET-DANCOURT et Gaston POLLONNAIS. Comédie-Française. La Martyre, drame en cinq actes en Renaissance. Lysiane, pièce en quatre actes,

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vers, de M. JEAN RICHEPIN de M. ROMAIN COOLUS.

J'ai été assez fortement déçu en écoutant, parmi des rires francs et nombreux, la nouvelle comédie de M. Ambroise Janvier. Les Amants légitimes et surtout les Respectables, autorisèrent d'autres espérances. On pouvait s'attendre, même après le lever du rideau et pendant le début de la première scène, à quelquel morceau d'ironie peu commune. Mon Enfant n'est qu'une assez vulgaire pantalonnade, de fraî cheur douteuse. Peut-être que le ton n'était guère plus relevé dans les Amants légitimes ni la fantaisie de meilleur aloi; peut-être que les Respectables, représentés au Vaudeville il y a déjà huit ans, doivent à un pur effet de nouveauté et de contraste avec les Blumétochades alors en faveur, le joli souvenir qu'on en a pu garder. Tout de même ce grain de nouveauté fut digne de remarque, ce contraste fut sensible et de bon augure. Il est donc fâcheux que M. Ambroise Janvier, après avoir avancé — même très peu — retarde, et juge opportun aujourd'hui de recourir aux moyens qu'il aida à discréditer et qu'ont abandonnés ceux-là mêmes qui en prônèrent l'usage. Retour intempestif aux premières amours des autres.

Jacques, homme de lettres à la mode, que les salons se disputent et que déjà l'Académic guette, est le protégé, la créature, l'enfant de la comtesse Muller, Egérie, amante et mère. Mais la tendresse de Mathilde, despotique autant que maternelle, a fini par lasser le jeune homme, qu'incommode aussi le mari et son hospitalière autant que traditionnelle sollicitude, dont il mit trois ans à sentir le poids. Impatient de rompre et encouragé par les avis perfides de Mme de Précigné, autre nymphe salonnière, rivale de la comtesse, Jacques se décide à confier à celle-ci ses scrupules tardifs et lui fait part des fâcheux bruits que suscite leur liaison. Sa réputation, son avenir sont menacés. Mathilde se rend à ces raisons. Il faut aviser, marier Jacques. La petite Laugeron, niaise et insignifiante à souhait, fera l'affaire et Mathilde pourra continuer à surveiller Jacques et à le protéger comme par le passé. Mais la petite, à peine dame, oppose aux exigences de la comtesse Muller une froideur déconcertante, une résistance insoupçonnée. Elle s'avise d'aimer son mari, de vouloir le reprendre et le garder. La lutte commence, qui pourrait être passionnante, à tout le moins piquante sinon douloureuse. Elle n'est que burlesque et grossière et l'on dirait que l'auteur s'est proposé de tirer tout simplement

un vaudeville de la Figurante. La farce traîne languissamment, sans franche allure dans la fantaisie jusqu'au dénouement, où M. Janvier a imaginé, pour éconduire l'envahissante comtesse, un épisode qui, bien que pesammant préparé, ne manque pas de cocasserie et divertit enfin par un comique approprié. Madame Henriot et les artistes de l'Odéon ont interprété Mon Enfant sinon tout à fait à contre-sens du moins en dépit du bon. Certes une telle comédie ne peut se jouer nature; mais ils l'ont jouée à la façon du vieux répertoire, ou plutôt à leur façon du vieux répertoire. C'est d'un bout à l'autre uniformément terne, incolore et mausssade.

Mon Enfant est précédé d'un lever bien inutile de rideau dû à la collaboration improspère de MM. Grenet-Dancourt et Gaston Pollonnais. Les acteurs prêtent à Celle qu'il faut aimer la médiocrité de jeu qui convient.

La Comédie-Française tient sans doute à perpétuer les bâillements de Frédégonde et de Tristan de Léonois. Le drame chrétien que vient d'y faire représenter l'auteur des Blasphèmes est bien le spectacle le plus implacablement ennuyeux qui se puisse voir. A moins d'être un artiste doué de facultés d'assimilation tout à fait rares et merveilleuses, on ne peut prétendre à traiter des thèmes de ce genre que si l'on se sent animé d'une foi de néophyte. M. Jean Richepin ne possédant ni dons, ni facultés exceptionnelles, et n'étant, je le présume, qu'un croyant peu zélé, on trouvera peu surprenant qu'il n'ait réussi que le tiers environ de sa tâche et encore!... Nullement emporté par l'élévation de son sujet, moins pénétré du souffle chrétien qu'amusé par telles curiosités de la décadence romaine, il a pu, à grands renforts d'une érudition indigeste, tant bien que mal meubler par mille détails chatoyants les deux premiers tableaux de la Martyre. Dès le drame il apparaît gêné, son vers se décolore, sa pensée s'indécise, s'anémie, les épisodes se succèdent péniblement et sans nécessité. Tous les caractères sont tracés d'une main hésitante, sauf celui de Flammeola, patricienne lasse des plaisirs et de la vie et qui, éprise d'un apôtre chrétien, dont elle risque de compromettre le salut, se laisse gagner à Christ par l'entremise d'Eros tout puissant. Mlle Bartet prête à Flammcola sa grâce sèche et conventionnelle et Mlle Moreno sa voix exquise au rôle inepte de Thomrys. M. Mounet-Sully s'exténue sans gloire en vociférations sans sujet. Le reste de l'interprétation, si l'on on excepte MM. Leloir et Beer, est pitoyable et caduc: Du moins MM. Paul Mounet et Delaunay sont superbes à contempler. La pièce, montée avec luxe, l'est surtout avec un mauvais goût irritant. Dans des décors privés de caractère, les groupements de figuration sont ordonnés avec une absence d'expression digne des toiles de Rochegrosse ou de B.-Constant, qui semblent les avoir inspirés, et rien ne saurait offrir un aspect plus pauvre et plus vilain que le dernier tableau, où, sur un fond de ciel bleu criard, se détache, informe, M. Mounet-Sully crucifié,

peu

Une œuvre digne, comme Lysiane, de retenir l'attention au-delà du spectacle, vaut la peine d'une promenade à travers les couloirs du théâtre et les colonnes des journaux. Ayant fait cette expérience et recueilli quelques opinions, parfois réfléchies, j'ai constaté que la pièce de M. Romain Coolus, à l'instar de toutes les tentatives vraiment neuves, avait été jugée sans clairvoyance. L'impression du public fut certes bien loin d'être défavorable et Lysiane a eu ce que l'on est convenu d'appeler une bonne presse; mais la plupart de ceux qui ont goûté cette pièce, qui même en ont subi la séduction, n'y ont pas reconnu la marque d'une originalité pourtant flagrante; certains critiques s'y sont trompés les premiers, critiques souvent un peu vieux pour apprécier des œuvres jeunes, et auxquels il eût fallu plus de tapage pour être convaincus ou seulement avertis. Cette originalité vigoureuse, que l'on doit saluer tout d'abord au début d'une carrière qui sera illustre au théâtre, ne se dégage-t-elle pas de la façon la plus lumineuse des reproches mêmes qu'on adressa à l'auteur de Lysiane? On a dit : « L'art de M. Coolus manque étrangement de netteté. Ses personnages sont lointains et imprécis; leur individualité est si définie qu'on s'intéresse plutôt à ce qu'ils disent qu'à ce qu'ils font; nous les connaissons si peu que leur sort nous laisse sans inquiétude et le pathétique ne résulte que de la gravité de leurs entretiens. >> Voilà résumée l'objection la plus générale qui fut faite à M. Coolus, celle que l'on considéra comme la plus grave. Il s'agit de l'examiner. Le manque de netteté, de précision que l'on signale chez l'auteur de Lysiane est uniquement superficiel et le reproche ne vise en aucune manière l'âme intime des personnages, laquelle s'expose abondamment ; autrement dit, on exigerait, pour se familiariser avec ceux-ci, plus de détails sur leur vie quotidienne, sur leur apparence extérieure. Un tel reproche, à vrai dire, ne me paraît fondé que sur la routine. La très grande majorité des pièces de théâtre journellement représentées a accoutumé le public à une profusion de détails de jour en jour plus infimes et qui ont fini par lui paraître indispensables, jusqu'en leur insignifiance. Mais si un tel luxe d'observations est nécessaire à l'exactitude d'une étude de mœurs, s'il aide à soutenir, à localiser l'intérêt d'une intrigue de faits, il risquerait d'être fort déplacé dans un drame de portée plus haute et qui met aux prises non pas seulement des caractères, mais plus profondément, et voilà ce qu'il ne faut pas perdre de vue, des instincts, des passions et des volontés. Sans parler de théâtre d'idées, formule neuve mais déjà défraîchie et qui rappelle les plus mauvais soirs d'un symbolisme desséché, on dira que le théâtre de M. Coolus est un théâtre épuré, renouvelant la conception du théâtre classique, avec la tradition de son langage sonore et condensé, mais l'appropriant à la vic et aux préoccupations modernes. Préoccupations morales, car M. Coolus est un moraliste. C'est un poète aussi, comme les tragiques illustres qu'il rejoint. Pas plus qu'à ceux-là on ne devra lui reprocher de négliger les contingences, dont en effet il n'use qu'avec mesure et ça et là comme

d'indispensables instruments. Tout au plus pourra-t-on prétendre que Lysiane se passerait sans grand dommage des décors somptueux et précis où elle s'encadre, laissant ainsi la porte ouverte - la petite porte à l'objection, où je persiste à découvrir un éloge.

Le terme de moraliste appliqué à M. Coolus n'effrayera point ceux qui connaissent ses drames précédents. Comme Lysiane ils sont traités d'un point de vue moral. Si leur aspect diffère, si leurs conclusions, voisines, ne sont pas semblables, l'éthique de M. Coolus s'étant visiblement modifiée, humanisée, les points de vue qui les inspirent sont analogues: une lutte s'y perpétue entre les droits de l'instinct et les devoirs de la bonté. Les prédilections de l'auteur sont nettement affirmées, on pourrait dire personnifiées en ses héros, héros ironiques ou graves, toujours clairvoyants, d'indulgence et de sacrifice, Daniel dans Raphaël, Jean dans l'Enfant malade, Sylvain dans Lysiane, héros en effet de ces épopées intimes. Ils ne sont pas parfaits, se montrent tantôt sceptiques, désabusés, sans confiance dans leur pouvoir de brave homme «< qui retournerait le monde », tantôt ironiques et goguenards à l'excès ; aussi bien ce n'est pas à leur ironie qu'ils tiennent le plus, ils avouent eux-mêmes qu'elle ne vaut pas cher; mais elle est souvent leur unique refuge, leur seule consolation permise. Et puis ils sont si séduisants, quand c'est fini de rire, leur tendresse est si grave auprès des femmes ; leur indulgence si haute pour ces êtres que l'auteur nous dépeint, faibles, frivoles, durs et décevants. Aucun écrivain dramatique avant Romain Coolus n'a réalisé avec une aussi admirable plénitude le type de l'ami des femmes, que Dumas n'a su rendre que sec, indiscret, insupportable.

Bien qu'il n'existe du reste aucune analogie entre le tempérament de M. Coolus et celui de Dumas, et sans vouloir établir entre eux aucun parallèle, il est à propos de constater que ce dernier n'atteignit jamais, à l'expression complète et pure de sa pensée, tandis que M. Coolus y est parvenu dès ses premiers ouvrages. La lecture des fameuses Préfaces est à ce sujet des plus édifiantes : elle accuse, entre les intentions et les œuvres une disproportion extraordinaire. Dumas qui apparaît, dans ses préfaces, comme un penseur non pas original ni profond, mais énergique et probe, aboutit fréquemment, dans ses pièces, à des intrigues fades, à des invraisemblances niaises, à des complications saugrenues qui les étriquent et leur font perdre tout sérieux intérêt. A coup sûr M. Coolus n'a pas de ces habiletés d'escamoteur, propres à créer le Cantagnac de la Femme de Claude ou le clerc de notaire de Francillon, mais on commence à s'apercevoir que toutes ces petites habiletés-là dissimulent chez leur auteur une plus foncière maladresse, puisqu'il n'a jamais réussi à faire passer dans ses comédies le sujet véritable et premier qu'on découvre dans les préfaces et où il semblerait presque qu'il se soit élevé après coup. On devine qu'Ibsen a exercé sur M. Coolus une action autrement efficace. L'auteur de l'Enfant malade et de Lysiane, outre que ses types de femme

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