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quelle, sa physionomie dégageait un charme des plus enveloppants. On sentait en lui comme une promesse de stabilité et de merveilleuse simplicité.

Comme Valrose le regardait pour déterminer ce qui lui donnait cette reposante impression, il leva les yeux sur elle et lui sourit, et son expression était si affectueuse et bon enfant, que Valrose se sentit toute reconfortée.

Sans trop savoir ce qu'elle allait lui dire. elle le rejoignit à la fenêtre. Tous deux se tinrent debout, un instant, se souriant amicalement en silence, puis, Robert lui dit tout bas :

- Vous l'aimez beaucoup, n'est-ce pas? Et il va partir. C'est la vie. cela!

Et il répéta : « C'est la vie! » avec un grand apitoiement.

Dans l'énervement des émotions subies et l'inattendu de cette rencontre, Valrose sentit les larmes lui venir aux yeux.

- Pardon de vous parler de cela; mais je peux, n'est-ce pas? et il sourit de nouveau avec une touchante bonhomie. Vous tenez votre cœur à deux mains, et c'est votre volonté raidie autour de lui qui l'empêche d'éclater. Il y a quelqu'un d'autre qui le tiendrait tellement mieux, avec une telle sécurité douce!...

Il se parlait à lui-même, plutôt qu'à elle, et la plus parfaite simplicité rayonnait sur sa figure.

Valrose, surprise d'abord, était subjuguée par l'accent si profondément simple et convaincu de cet étranger, si bien qu'elle trouvait presque naturel qu'il lui parlât ainsi, à première vue, sans la connaître, sans rien savoir d'elle, sans doute. Puis, elle admira une fois de plus cette intuition qui porte les vrais chrétiens vers ceux qui peuvent souffrir, et ce curieux besoin de prosélytisme qui se fait jour. malgré eux, à toute occasion.

- Vous ne croyez pas cela? continua-t-il, en s'adressant plus directement à la jeune femme. Vous y viendrez. Il nous cueille tous. Heureux homme, pensa Valrose. Il parle de Dieu avec l'accent d'amour de la fiancée mystique!

- Je voudrais l'espérer, répondit-elle.

Et, comme si Jean n'eût attendu que ce cher timbre de voix pour s'éveiller, il ouvrit les yeux :

Vous vous êtes reconnus? Car, Madone, je lui ai parlé de vous, allez! Et lui, c'est un type! Vous vous en êtes aperçue déjà, je suis sûr. Il vous a déjà parlé du bon Dieu? Oui? Pardi! j'en étais sûr. Oh, Robert, nous n'avons pas besoin du ciel, vois-tu! Madone est tous les anges et les saints tout ensemble!

Et votre servante par-dessus le marché! l'interrompit en riant Valrose. Car je vais même vous servir à déjeuner. Vous m'avez l'air bien gaillard!

Bah! dans deux jours il n'y paraîtra plus. Et dans six. il pourrait partir.....

Robert avait été envoyé par les parents de Jean peu valides en ce moment. Valrose, sans leur vouloir du mal, en eut un soulagement. Comment la trouves-tu? demanda Jean à son cousin quand Valrose les eût quittés ce jour-là.

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Ah, la pauvre charmante! répondit Robert avec sa bonne expression compatissante.

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Et Robert fut touché de la conviction émue de son accent.

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Oui, tu l'aimes aussi... et tu t'en vas?

Je reviendrai.

Tu reviendras. Et puis?

Comment, et puis? Et puis je continuerai à l'aimer.
L'épouserais-tu?

Si elle voulait bien.

Et si tes parents ne voulaient pas?

Jean soupira sans répondre.

Robert n'insista pas, mais il se répéta tout bas :

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Le lendemain matin, Robert alla chez Valrose lui porter les nouvelles de la nuit, d'ailleurs excellentes.

Il poussa la grille du verger et s'aventura entre les grands orangers en fleurs.

Il entendait des voix chanter, une voix d'enfant, une voix de femme :

Nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés!

Cette chanson de toutes les enfances résonna dans le souvenir de Robert.

Il y avait longtemps qu'il n'allait plus au bois cueillir les lauriers en fleurs! Ils avaient été fauchés devant ses mains tendues, et il n'avait rien ramassé des frais feuillages verts. Les lauriers sont coupés! et disparus ou dispersés, ceux et celles qui lui avaient tendu les douces branches, en laissant devant ses pas une plainc aride et désolée, où continuer sa vie solitaire. Nous n'irons plus au bois! doux mirage des vertes frondaisons, des taillis frais et bruissants, des belles mousses! Des gouttes de soleil tombent à travers les branches. Avec un bruit sec et léger, quelque chevreuil détale...

Nous n'irons plus au bois! Maman, allons au bois! viens courir, veux-tu? Ne dis pas que tu as trop chaud, maman.

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Au détour d'une allée, Robert a trouvé Valrose qui, sa petite fille accrochée à sa jupe, examinait ses rosiers, et tout en chantant leur enlevait leurs feuilles mortes et leurs fleurs fanées.

Ils vont s'asseoir sous un grand tilleul, et Robert prenant Lottie, la plante sur ses genoux.

Voilà votre vie! dit-il. Voilà votre meilleur amour. L'aimezvous plus que tout?

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Dieu?

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Va jouer, ma chérie! va me cueillir tous les boutons d'or de la prairie! Je ne crois pas en Dieu.

-Ah, pauvre! pauvre petite madame!

Et c'est une vraie peine dans cette voix, et au bout d'un petit silence, il reprend, désolé :

- Que faire, mon Dieu, que faire? Comme je vous plains! Comme vous êtes seule! Comment est-ce possible? Comment cela vous est-il venu? Hélas, à quoi sert de demander cela! Et nous ne pouvons même pas discuter, car la foi ne se discute pas... Mais, si vous permettez, nous en causerons plus à loisir. Ce matin, je voulais vous parler de Jean. Je suis son ami et son confident; je sais combien il vous aime. Pardonnez-moi de vous le dire, quand ces mots ne devraient sortir que de sa bouche, à lui! Je ne suis pas son porteparole. Me trouvez-vous bien osé de dire que c'est comme votre ami que je vous parle?

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pas?

-

Je vous remercie, dit gravement Valrose.

Puis-je vous demander, Madame, pourquoi vous ne l'épousez

Cette idée ne m'est jamais venue.

Cette réponse plongea Robert dans une profonde réflexion.
Valrose reprit :

Les mêmes raisons qui font que je n'ai jamais eu l'idée de devenir sa femme m'ont fait repousser celle d'être sa maîtresse, car, pour moi, une union d'amour aurait eu la gravité d'un mariage.

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Je puis me figurer ces raisons, dit Robert pensivement, mais je vous avouerai que, vu les dangereuses circonstances où vous étiez placée, je suis étonné que la tentation n'ait pas été plus forte.

--

Je crois qu'il est plus facile de se garder entièrement que de se retenir en se donnant un peu... J'avoue pourtant que ces derniers jours commençaient à briser mes forces... Il était seul; il fallait bien que j'allasse le soigner... Maintenant, vous êtes là. Et c'est fini, nous deux !

XV

Quelques jours après, Jean, en état de voyager, venait dire adieu à Valrose. Il avait voulu que ce fût dans ce jardin fleuri où il l'avait

aimée. Les roses d'or du portail étaient fanées; les grands lis blancs, les orangers fleurissaient et chargeaient l'air de parfums violents. Il s'arrêta sous le cerisier dont Valrose avait ramassé les légères fleurs. Maintenant les cerises étaient mûres; quelques-unes tombaient avec un bruit mat sur le sol.

Il trouva Valrose près du ruisseau. Un vent léger secouait les peupliers qui le bordaient et semait la terre comme de plumes blanches. Il lui prit la main, et pâle, de faiblesse encore et surtout d'émotion d'amour, il la regardait avec des yeux brillants de larmes. Il aurait voulu tout lui dire, et ce qu'elle avait été pour lui, et ce qu'elle lui était, et combien elle rayonnait sur sa vie, dans son cœur et qu'il ne songeait qu'à revenir près d'elle, l'aimer plus fort, de plus près. Mais il balbutia seulement, la voix étranglée :

Je vous aime... je vous aime... je vous aimerai toujours.

Au loin, la grille grinça. Sans doute, Robert venait le chercher. Il essaya de se dominer et ajouta rapidement, avec une sorte de violence :

--

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Et vous? vous m'aimez, dites? Je vous en prie, dites-le !
Oui, dit Valrose lentement, je vous aime.

Il aurait voulu la saisir, la prendre, l'étreindre!

Robert s'approchait.

geante et angoissée :

Il lui dit encore avec la même ardeur exi

Et vous m'aimerez jusqu'à ce que je revienne? Je le veux! et vous n'aimerez personne d'autre?

Valrose le regarda, étonnée, et répéta seulement de sa même voix grave:

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Je vous aime.

Merci, merci, Madone adorée. Merci de tout! Que je vous aime! que je suis heureux de vous aimer! Adieu, bien-aimée. à bien

tôt...

Valrose l'accompagna jusqu'au cerisier.

- Au revoir, madame. Et Robert, ses braves yeux expressifs de tant de compréhensive bonté, lui serra affectueusement la main.

Nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés!

chantait au loin Lottie.

Quelqu'un chantait-il vraiment?

(La seconde partie au prochain numéro.)

JEAN ROANNE

Gladstone

Gladstone entre au Parlement comme conservateur en 1832; quand il en sort, au mois de mars 1895, il est devenu chef de la coalition libérale radicale; sa vie politique est une évolution longue et sans arrêts dans le sens du progrès.

Les étapes de l'opinion sont marquées, dans la carrière de Gladstone, par les changements de circonscription. A vingt-trois ans, il se fait élire dans le bourg pourri de Newark, grâce à la haute protection du duc de Newcastle, principal landlord du pays. Trois ans auparavant. ce grand seigneur terrien avait congédié 587 de ses locataires qui s'étaient permis de voter pour l'adversaire de son candidat; comme on dénonçait cet acte de pression à la Chambre, le duc répliqua : « Ne suis-je pas le maître sur mon bien! » Avec un tel patron, Gladstone mérite d'être appelé par Macaulay « honneur et espoir du torysme intransigeant ». C'était en 1839, Gladstone transige bientôt, et, tout en gardant le nom de conservateur, se déclare partisan du libre-échange. Il devient député de l'Université d'Oxford (1847), le reste pendant deux législatures, puis se brouille avec les professeurs anglicans et anglophiles lorsqu'il prend parti pour les réformes en Irlande. Alors, il va se faire élire dans la circonscription ouvrière du LancashireSud. Enfin il termine sa carrière dans un siège radical, celui d'Edimbourg. D'un bout à l'autre de sa vie, il est resté dans la lutte parlementaire, refusant même dans sa retraite le titre de pair et un siège inamovible dans la Haute Chambre.

Il a eu le pouvoir, comme membre de cabinets conservateurs, puis de cabinets libéraux, à plusieurs reprises, de 1835 à 1866. De 1868 à 1895, il a été quatre fois chef de cabinet. Chacune de ses stations aux affaires a été marquée par des réformes. Ministre du commerce dans le cabinet conservateur-libre-échangiste de Robert Peel, c'est lui qui fait élaborer les nouveaux tarifs de douanes par lesquels l'Angleterre, la première en Europe, rompt avec l'ancien protectionnisme. Ministre des finances dans le cabinet libéral Palmerston, il mène à bonne fin les négociations avec Napoléon III, qui aboutissent aux traités de commerce de 1860 et qui marquent l'introduction du libre-échange en France. Premier ministre enfin, de 1868 à 1874, il accumule les réformes radicales. En 1869, l'église anglicane est désétablie en Irlande, c'est-à-dire qu'elle cesse d'être Eglise d'Etat, de percevoir les dîmes, de tenir l'état-civil, de juger en ses cours de justice les procès de divorce et de testaments. En 1870, la loi agraire (Land act) oblige le landlord à payer une indemnité au tenancier irlandais, quand il l'évince de son lot, et à lui rembourser les améliorations faites à la terre. La même

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