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chent toutes les boissons qui y ressemblent... Les Celtes de notre Bretagne, aujourd'hui encore, ne donnent guère l'exemple de la tempérancc. » Rapprochement tempéré quelques lignes plus loin par cette remarque : « A vrai dire, les vices des barbares sont presque partout les mêmes. » J'ajoute que les Celtes bretons sont venus en Armorique d'Angleterre sous les Carolingiens et que nous ne savons si leurs ancêtres anglais ressemblaient aux Gaulois d'Ammien Marcellin.

M. Fouillée termine par deux chapitres intéressants sur la dépopulation et l'alcoolisme (pp. 283-368) plus menaçants pour la nation française que pour toutes les autres, et il conclut que la crise actuelle est passagère et qu'on ne peut la considérer comme une dégénérescence. Telle est à vrai dire l'intention du volume tout entier, et voilà pourquoi M. Fouillée, qui affirme ne pas croire au fatum de la race, tient tant à démontrer que les Français ne sont pas de race latine.

ANDRÉ LEBON : Cent ans d'histoire intérieurə, 1789-1895 (A.Colin). Texte destiné à être traduit pour un recueil étranger. Ce n'est ni un manuel, ni unc philosophic de l'histoire, ni un plaidoyer politique, mais un mélange de ces trois choses. Je ne vois pas qu'on en puisse dire ni mal ni bien. La conclusion est une naïveté ou une énigme. La voici : La France « parait s'accoutumer peu à peu à ne chercher dans la vie publique que l'art de gérer ses intérêts sous le couvert de la liberté ».

ALBERT MÉTIN

GÉNÉRAL MANSILLA: Rɔzaз, essai d'histoire psychologique (Garnier)

Ceux qui ne connaissent que le Rozas de la légende vulgarisée par ses amis ou ses adversaires et acceptée par des écrivains mal informés, comme le rédacteur de l'article plein d'erreurs du dictionnaire Larousse, ressentiront quelque étonnement à la lecture de ce beau livre publié par le neveu du célèbre dictateur, le général Mansilla, une des personnalités les plus hautes de la République Argentine... et de la République des intellectualités.

On pouvait, étant donné l'étroite parenté, s'attendre à une défense posthume, défense bien légitime quand on connait mieux la vie de ce « tyran »; il n'en est rien, et ce n'est pas une des moindres originalités de cet ouvrage. Le général Mansilla est un critique impassible, merveilleusement documenté, comme lui seul pouvait l'être, puisant dans le trésor des archives familiales; il a su, en une synthèse puissante, nous montrer l'âme de Don Juan Manuel de Rozas incarnant, pendant près d'un quart de siècle, l'esprit du pays qu'il tint sous sa main. La vie du peuple argentin, dans la première moitié de ce siècle, ressort dans Rozas avec autant de force et de coloris que la personnalité du dictateur elle-même; les questions de politique intérieure et extéricure y sont agitées avec un sens supérieur et qui saisit l'esprit du lecteur. Ce livre, malgré son titre modeste d'essai, est un des docu

ments les plus sérieux et les plus féconds pour l'étude de l'histoire argentine. Par une très haute conception des responsabilités souveraines, L. Mansilla juge son oncle par les résultats de sa dictature : «<le crime de Rozas n'est pas dans ses actes matériels, il consiste dans le nihilisme de son œuvre. » La réputation du général Mansilla, en tant qu'écrivain et penseur, était bien établie déjà; cependant Rozas étonne par ce qu'il révèle de profond savoir, d'imprévu d'idées, de hardiesse dans les jugements, en même temps que de grâce et de naturel. Le chapitre I, pour ne citer que celui-là, qui nous dit l'origine seigneuriale du dictateur, sa vie de famille, la préparation intime au rôle que la destinée lui réservait, est traité avec la facilité spirituelle et «< parisienne » qui caractérise les Causeries des Jueves ou des Estudios morales.

MEMENTO BIBLIOGRAPHIQUE

FRANÇOIS DE NION

ROMANS. Jean de Chilra: L'heure sexuelle, Mercure de France, 3 fr. 50. Léon Riotor: La Vocation merveilleuse du célèbre Cacique Piédouche, id., id. Félicien Champsaur: Régina Sandri, Ollendorff, id. Louis Lumet: (Un jeune homme dans la société, I) La Fièvre, Stock, id. J. Joseph-Renaud: Le Cinématographe du Mariage, Flammarion, id.

POÉSIE.

Arthur Toisoul: Images de Dieu, contenant Opora et précédées d'une page de Camille Lemonnier, Bruxelles, Georges Balat, 5 fr.

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CRITIQUE. Ernest Museaux: Eugène Pottier et son œuvre, Librairie socialiste J. Allemane, 1 fr. Remy de Gourmont : Le II• Livre des Masques (xxш portraits dessinés par F. Vallotton), Mercure de France, 3 fr. 50. Louis Delaporte Pastels et Figurines. Fontemoing, id. Albert Soubies: Histoire de la musique, Portugal, Flammarion, 2 fr.

ÉTATS, GOUVERNEMENTS.

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Alphonse Bertrand: l'Organisation française (le Gouvernement, l'Administration), 2o édition refondue et augmentée, Henry May, 3 fr. 50. Rouxel La Hiérarchie démocratique, Guillaumin, 1 fr. A. Vambéry: La Turquie d'aujourd'hui et d'avant quarante ans (traduit de l'allemand par Georges Tirard), Stock, 1 fr. 50. Paul Deschanel: La Question sociale, Calmann Lévy, 3 fr. 50.

MÉMOIRES.

Comte Mollien : Mémoires d'un ministre du Trésor public, 17801815, (avec une notice par M. Ch. Gomel, Guillaumin, 22 fr. 50. Alfred Meyer: Lally-Tollendal et son procès de trahison, Stock, 1 fr.

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Georges Noblemaire Aux Indes (Madros, Nizam, Cashmire, Bengale), Hachette, 3 fr. 50.

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lo scittore e l'uomo, Palermo, Alberto Reber, o fr. 50.

NOUVEAUX PÉRIODIQUES.

L'Idée théosophique, bulletin paraissant quatre fois au moins l'an, 46, rue Saint-Jean, Bruxelles, 25 cent De Arbeid, 699, Keizersgracht, Amsterdam, 75 cents. · vard de Clichy, Paris, 25 cent.

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Le Péril

Il y a dix-huit mois, un ministre demandait au libre journaliste : « Où croyez-vous que nous allons? » On répondit : « A la sédition militaire. » Au début de la campagne entreprise par le Figaro contre Esterhazy, on écrivait : « Comment finira l'affaire Dreyfus? par une explosion d'antisémitisme? Non; l'antisémitisme n'est qu'un incident ; nous sortirons du drame judiciaire pour entrer dans une ère de pronunciamientos. v

Tous les symptômes concordaient. Déjà, les journaux étaient cnvahis par les militaires; des officiers portaient aux rédactions les communiqués, les ordres, les subsides, les promesses de la rue Saint-Dominique ; d'autres prenaient la plurie et, pour simplifier, rédigeaient eux-mêmes les feuilles, gourmandaient leurs chefs trop timides, diffamaient leur ministre suspect, révélaient les dissensions de la boutique, menaçaient la nation. De tous côtés on ne lisait que : « L'armée entend....... L'armée exige....... L'armée ne souffrira pas... » Alors aussi fut lancé le fameux honneur spécial de l'armée, qui couvre le privilège de mentir, de trahir, de voler avec gloire, d'assassiner sans danger. L'apologie des horribles tortures infligées dans les bagnes militaires, et des fusillades multipliées pour exercer au meurtre les soldats-bourreaux, s'étala patriotiquement. Les rares officiers qui réprouvaient les escroqueries et les concussions de leurs collègues, chassés de l'armée comme gêneurs, édifièrent le public sur la moralité de la corporation. Il fallut bien ouvrir les yeux.

On aperçut, dans l'Etat, l'effrayante puissance de l'Etat militaire, ses ressources énormes, son indépendance absoluc, son insolence et ses desseins. Trop tard, sans doute.

Le pouvoir militaire tient déjà la nation sous le joug. Par la fixation arbitraire et mystérieuse des effectifs, qu'il fait varier de 16.000 hommes en plus de l'effectif budgétaire à 40.000 hommes en moins, qu'il a fait passer en cinq ans de 509.000 à 561.000 hommes sans un mot d'explication, - par l'immense trafic des exemptions, des permissions, des congés, il s'assure d'abord la servilité du peuple affamé de faveurs, et la complicité des Parlementaires en quête de monnaie électorale. Il se procure ensuite une quantité indéfinie de millions qui échappent à tout contrôle.

Des budgets de 630 millions pour la Guerre, de 285 millions pour la Marine, accrus de 30 à 40 millions de crédits supplémentaires au cours de l'année, augmentés encore de 30 à 40 millions de « dépassements » sans justification, constituent le trésor de guerre de la Permanence boulangiste. Par le témoignage du général du Barail et du

général Ferron, la preuve est faite que les fonds secrets de la défense nationale servent aux besognes politiques du gouvernement civil; mais qu'importe au Pouvoir militaire d'abandonner les quelques cent mille francs de ce chapitre, quand il dispose de millions par centaines, à l'abri de toute investigation, pour ses propres complots? Les grands fournisseurs admis à la curée ne marchanderaient sûrement pas leurs concours, pour défendre le système qui les engraisse. On n'a même pas besoin d'eux. Une simple variation de vingt mille hommes dans l'effectif donne d'un coup dix millions: de quoi payer toute une armée de uhlans pour mentir dans la presse et pour assommer dans la rue. Quant aux traitements de 30.000 à 80.000 fr. que s'allouent les généraux, ils figurent réellement dans les comptes, épars en différents articles.

Le contrôle n'existe pas, parce que les Parlementaires soudoyés s'y refusent, et parce qu'il est impossible. Telle est l'ingéniosité du Pouvoir militaire à dissimuler la vérité qu'il ne saurait plus, dans ses propres affaires, la retrouver lui-même. Dans le dédale de ses fausses écritures, il est perdu. Il n'en a cure; il lui suffit de demander pour recevoir. En 1897, le général Gallieni dépense 37 millions au lieu de 1o; le Parlement vote en silence les 27 millions manquants. La direction de l'artillerie veut 12 millions; elle déclare « qu'il lui faut 12 millions de plus pour assurer la réalisation des besoins du service ; elle n'ajoute pas un mot; le Parlement vote. Le ministre de la Marine, fatigué des chicanes d'un importun qui tâche de mettre en contradiction deux pièces officielles, avertit nettement la Chambre : toutes les écritures de son administration sont fausses, tous les documents sont faux, la signature ministérielle ne certifie que des faux. Que ce soit donc bien entendu !

Les tentatives d'investigation provoquent une résistance furieuse, et les révélations des témoins écœurés attirent sur leurs auteurs des vengeances féroces. Le colonel Allaire, le colonel Humbert, le commandant Myrszkowsky ont été brisés; le commandant Picard-Destelan a été littéralement tué par les bureaux de la Marine. Le Pouvoir militaire, pour museler les professionnels qui seraient tentés de parler, a sa justice « qui ne ressemble pas à l'autre » ; il a ses tribunaux, sa police, son cabinet noir, ses geôles, ses casemates; il ne lui faut plus qu'une loi d'état de siège contre les indiscrets qui ne portent pas l'uniforme; trois fois, les complices qu'il entretient dans les Chambres ont tenté de la lui donner pendant la précédente législature: ils réussiront dans la nouvelle.

Au reste, des lois sont à peine utiles. Le Pouvoir militaire méprise assez les lois qui existent pour se passer de celles qui n'existent pas. Il ne connaît que le régime du bon plaisir. Qu'il s'agisse de violer le domicile des citoyens, d'envoyer aux bataillons d'Afrique les condamnés que la loi Bérenger devait sauver, ou de déchirer sa propre charte et de bombarder en un clin d'œil aux plus hauts grades les fils, neveux, gendres, aides-de-camp des grands chefs, officiers de

cabinet, d'antichambre et de cotillon, la loi se tait. Le ministre Billot, le généralissime Jamont, dans les deux plus hautes charges, offrent justement l'exemple de la loi violée ; ils sont l'impudente enseigne de tout le système.

Ils défient perpétuellement la nation. Ils ont raison, puisqu'ils ont éprouvé sa lâcheté. Quoi qu'ils osent, ils n'ont rien à craindre. Erreur ou crime, tout leur est un mérite. Autour des voleurs pris en flagrant délit, autour des flétris, des fugitifs, des suicidés honteux, le silence se fait ; les noms d'Anastay l'assassin, de Ravignaux l'avorteur, du voleur Blois, des généraux filous Caffarel et d'Andlau, de mille autres coquins galonnés dont l'histoire devrait illustrer les murs de nos écoles, tombent dans l'oubli. L'amiral Besnard se fait grand-officier de la Légion d'honneur pour se payer de ses vilenics, et l'amiral Duperré grand-croix pour glorifier sa désertion devant l'ennemi.

Une flotte qui a dévoré six milliards, et qui se compose de cuirassés chavirables, de croiseurs en bois, de torpilleurs fondants, chargés de chaudières explosibles et de canons qui partent par la culasse, n'a jamais attiré d'enquête sur le pillage organisé dans les arsenaux, ni sur les menées du syndicat métallurgiste. Une expédition de Madagascar où sept mille cinq cents hommes ont péri sans voir l'ennemi, pour un trafic de pépites, de concessions, de pots-de-vin, de croix et de galons, n'a pas soulevé même un cri de douleur. Et le général Duchesne, qui a trouvé l'art de tuer la moitié de son armée sans un coup de fusil, a reçu d'emblée le commandement de cinquante mille hommes pour la future boucherie. Vêtus de loques, affamés, sans médicaments, sans hôpitaux, un million de réservistes constatent à tour de rôle, dans les régiments, qu'on leur fait suer un millard pour rien ou pour autre chose. Ils restent muets et soumis.

Devant la lâcheté de la nation, l'insolence du Pouvoir militaire s'enflamme. La Grande Muette emplit les feuilles de ses bravades. A la moindre critique répond un redoublement de brutalité ; les meurtres et les supplices plus fréquents affirment le droit de vie et de mort du parasite empanaché sur le travailleur. Le procès Zola sarvient: alors éclate au grand jour la sédition. Pierre Quillard a raconté ici ces deux semaines infâmes: le Palais de justice pris d'assaut, le jury à plat ventre sous la Botte, la ferraille des sabres traînant sur les dalles, les commencements d'assassinats, les témoins outragés, la tourbe césarienne vomissant l'injure et la menace, les généraux récitant avec effronterie leurs gros mensonges puérils, et tous les fuyards. les capitulards de la défense nationale, l'échine encore bleuc des coups de bâton de l'étranger, brûlant de prendre pour la seconde fois une sanglante revanche sur le peuple qui les payc.

Toute l'Europe a compris où tendait forcément ce prologue. Après le chantage violent pratiqué par M.Le Mouton de Boisdeffre, le direc teur de la Review of Reviews écrivait : « La troisième République, cncore nominalement in situ, n'existe plus... En France, le règne de la loi est fini... La caserne se substitue au Palais de justice : le com

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