bâtimens du commerce, et prévenir le dommage que devaient lui causer la sortie simultanée des nombreuses escadres ennemies, et les courses des corsaires autorisées même avant la déclaration de guerre, Bonaparte ordonna de sévères représailles sur les personnes et les propriétés. Des ordres furent expédiés pour arrêter et constituer prisonniers de guerre, sous le prétexte et la dénomination d'otages, tous les Anglais non domiciliés qui se trouvaient sur le territoire de la République, ou sur celui de ses alliés. Un arrêté du gouvernement consulaire prescrivit « qu'aucune denrée coloniale, ni au>> cune marchandise venant directement » d'Angleterre, ne serait reçue dans les ports; >> et que toute denrée et marchandise pro>> venant de fabrique ou de colonie anglaise, » serait confisquée. » Les bâtimens neutres furent soumis à des formalités rigoureuses pour constater leur chargement et leur destination, et ne purent s'en dispenser qu'à condition de charger, en retour, des produits des manufactures. françaises, pour une valeur égale à celle de leur cargaison. Ces moyens indirects de miner les fondemens de la puissance anglaise n'étaient, dans une guerre maritime, qu'un témoignage de faiblesse; les restes des marines française, espagnole et batave, dispersés dans les ports sur cette vaste étendue de côtes, ne pouvaient braver les forces navales de la Grande-Bretagne. Si l'on parvenait à les balancer, ce ne pouvait être qu'après de longs efforts; il fallait d'abord construire et armer des vaisseaux dans les divers arsenaux à de grandes distances les uns des autres, séparés par le détroit de la Manche et par celui de Gibraltar; il fallait ensuite, en présence des flottes anglaises, à travers leurs croisières, franchir les portes des deux mers, réunir les escadres des trois nations, et combiner, avec des élémens si dissemblables, les opérations qui exigent le plus d'uniformité et d'accord: il fallait donc beaucoup de temps et de pénibles sacrifices pour préparer et pour suivre avec succès une telle guerre. Ni la politique, ni le caractère du chef du gouvernement français ne se seraient pliés à ce système de temporisation; il lui convenait mieux de diriger contre l'Angleterre une attaque directe, de l'inquiéter par un grand déploiement de forces, et de la contraindre à concentrer les siennes pour sa propre défense. Cette audacieuse agression, qui jusqu'alors n'avait été considérée par les Anglais que comme une vaine menace, devenait plus vraisemblable, et ne devait pas être légèrement méprisée, quand le conquérant, qu'aucun obstacle n'avait encore arrêté, procla mait hautement sa résolution d'y employer toutes les ressources de la France, et d'y hasarder sa fortune et son existence. Quelque opinion que l'on se forme de la témérité du projet de descente et d'invasion conçu par le premier Consul, on doit, avant de prononcer sur la possibilité de son exécution, examiner l'immensité de ses préparatifs, la nature des difficultés, et les moyens qu'il y avait appropriés. Son premier soin fut de réveiller les sentimens de jalousie et d'animo sité que la paix avait amortis, et d'exalter l'orgueil national pour diriger vers cet unique but tous les efforts qu'il en pourrait exiger. Quelques passages de la circulaire qu'il fit adresser, par son ministre de l'intérieur, aux préfets des départemens, donneront une juste idée du mouvement qu'il imprima pour faire concourir à cette grande entreprise toutes les forces de la nation. << Dans la position où se trouve la France, >> et avec l'espèce d'ennemis que nous avons » à combattre, la bravoure française resterait >> stérile sur le rivage de l'Océan, si de nom» breux vaisseaux ne lui fournissaient le » moyen d'atteindre son ennemi : c'est donc >> vers la construction des vaisseaux que tous >>> vos efforts doivent être dirigés le com» merce, l'agriculture, l'industrie souffriront >> d'autant moins que l'exécution sera plus » prompte; un bateau plat de première es» pèce coûtera 30,000 francs, celui de secon» de, de 18 à 20,000 francs. Deux pieds d'eau » suffisent pour porter un bateau plat non >> armé: ainsi il est peu de villes qui ne puis » sent pas exécuter une entreprise de cette >> nature: ces bâtimens, porteront le nom des » villes et des départemens qui les auront >>> construits » avec satisfaction depuis le vaisseau de ligne >> jusqu'au plus léger bâtiment de transport. » Si, par un mouvement aussi rapide que » général, chaque département, chaque » grande ville couvre ses chantiers de bâti» mens en construction, bientôt l'armée » française ira dicter des lois au gouverne>>ment britannique, et établir le repos de » l'Europe, la liberté et la prospérité du com» merce, sur les seules bases qui puissent en >> assurer la durée. » le gouvernement acceptera De toutes les parties de la France on répondit à cet appel : l'exemple donné par les administrations supérieures et par les principales corporations, fut promptement imité. De nombreuses adresses des conseils généraux des départemens, annoncèrent au premier Consul de riches offrandes; les départemens de l'est, dont la population belliqueuse montra constamment un généreux empres |