Imágenes de página
PDF
ePub

le rétablissement des fortifications, il renforçait par des levées de conscrits les garnisons de tous les ports de la côte de Toscane, et particulièrement celle de Livourne, où les Anglais avaient de grands intérêts, et entretenaient des intelligences. Dès le mois de mai, il avait ordonné au général Murat d'autoriser le général Olivier, qui y commandait, à mettre cette ville en état de siége, et à faire arrêter tous les Anglais. A la première nouvelle d'une rupture, des réserves furent réunies à Orbitello et à Piombino; toutes les batteries qui pouvaient protéger le cabotage et particulièrement celles du golfe de la Spezzia, furent réarmées.

La mise en état de siége de la place de Livourne, la prohibition et la saisie des marchandises anglaises excitèrent de vives réclamations; le roi d'Étrurie essaya vainement de revendiquer, pour ses états, les droits de la neutralité; la note officielle qu'il remit au général Murat, fixa à peine l'attention du premier Consul, qui ne l'avait placé sur un trône éphémère que pour en faire l'instru

ment passif de ses desseins, et disposer arbitrairement des ressources de cette belle province la ruine de ses finances et de son commerce, qu'entraînait l'application des violences exercées dans les ports français à l'égard des bâtimens neutres, ne le touchait point : « La guerre, disait-il, c'est tout le mal » qu'on puisse faire, tout le dommage qu'on >> puisse causer à l'ennemi commun: il n'im>> porte à quel prix et par quels moyens. >>

L'île d'Elbe, qui, à la fin de la dernière guerre, avait résisté si long-temps aux armes françaises, fixa plus particulièrement l'attention du premier Consul. Il ne négligea rien pour ôter aux Anglais tout espoir de s'emparer de ce point important, qui, par sa situation entre l'île de Corse et le continent, commande la navigation des côtes orientales de l'Italie. Le général du génie Campredon fut chargé de mettre dans le meilleur état PortoLongone, dont il devait prendre le commandement en cas d'attaque, et Porto-Ferrajo, où se trouvait le général Rusca, auquel l'ensemble de la défense de l'ile était confié. Les

garnisons de ces places furent formées de troupes de ligne françaises et suisses, de quelques compagnies franches tirées de Corse, et de trois compagnies d'artillerie : le général Rusca devait correspondre par Bastia avec le général Morand qui commandait en Corse, et avec le général Murat, en Toscane, par Piombino. La possession de cette petite place, avantageusement située sur le promontoire et le port qui la protége, étant nécessaire pour assurer la comunication avec l'île d'Elbe, Bonaparte, qui ne se fiait point aux Toscans, dont la guerre avait détruit la plus enviable prospérité, déclara au général Murat, «que » Piombino appartenait désormais à la France; >> que la justice devait y être rendue au nom » de la République française, et que le roi >> d'Étrurie cessait d'y avoir aucun droit, »

Nous avons sous les yeux les instructions du premier Consul pour la défense de l'île d'Elbe, de la Corse, de la Toscane, écrites sous sa dictée par M. Maret, alors secrétaired'état. Nous en avons extrait ici la substance, et seulement ce qui nous a paru devoir entrer

dans l'exposé des dispositions générales, ou, comme nous l'avons dit, du plan de guerre offensif et défensif: mais nous regretterions de n'avoir pas fait connaître à nos lecteurs cette pièce intéressante. (Voyez aux Pièces justificatives.) Les détails qu'elle renferme ne sont pas, sans doute, essentiels comme historiques mais ces documens originaux font si bien juger de la pénétration et de la prévoyance de celui que l'imprévoyance a perdu, qu'ils seront toujours précieux pour ceux qui cherchent dans l'histoire la connaissance des hommes. Sous ce rapport, rien n'est indifférent dans ce recueil d'ordres, d'instructions, de missives. On s'étonne également et de cette vaste mémoire où nulle trace ne s'efface, où les calculs se compliquent sans se confondre, et de la justesse des combinaisons, et de la connaissance des lieux auxquels elles sont appliquées.

Pour se rendre raison du zèle et du dévouement absolu avec lesquels ce généralissime était servi, il suffit d'observer comment il savait commander : nous en trouvons ici un

exemple remarquable. Il faisait écrire au général Rusca, en lui confiant le commandement de l'île d'Elbe:

<< Le premier Consul, qui connaît votre >> bravoure et vos talens militaires dont vous » avez déjà donné tant de preuves, pense » que, quels que soient les efforts de l'enne» mi, vous saurez défendre l'île jusqu'à la » dernière extrémité, et même que vous >> assurerez, au moins pendant trois années, » la conservation de la place de Porto - Fer» rajo, si cela devenait nécessaire. >>

Dans ces circonstances, bien que la domination du conquérant parût être affermie dans les deux Italies, les peuples supportaient impatiemment le joug militaire: la stagnation du commerce, suite de mesures rigoureuses pour la fermeture des ports, la perspective d'une longue guerre maritime, la ruine des villes capitales de divers états privés de leurs souverains et des cours qui les rendaient florissantes, enfin la haine profonde de l'étranger, la vieille haine contre les barbares, avaient accru le mécontentement des peuples; et partout

« AnteriorContinuar »