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plus chers à la nation, dont il avait naguère demandé la garantie: des commissions prises dans son sein furent chargées de veiller au maintien de la liberté individuelle et de la liberté de la presse : les élections lui furent dévolues, et les colléges électoraux n'en con servèrent que le premier degré, la désignation des candidats.

Le tribunat, déjà réduit à cinquante membres, et qui ne fut bientôt plus qu'une superfétation, servit encore quelque temps à prolonger l'illusion dramatique de débats publics entre ses orateurs et ceux du conseil d'état ; et le corps législatif, juge muet de ces vainės discussions, ombre de lui-même, exprima, dans la confection des lois, la volonté nationale, comme un automate exprime la vie.

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Le sénat, en présentant le sénatus-consulte à la sanction du premier Consul, à Saint-Cloud, par l'organe de son président, le consul Cambacérès, le salua Empereur des Français, et le supplia d'introduire immédiatement le nouvel ordre de choses. Ce fut * 13

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donc sous ce titre que l'empereur Napoléon promulgua dans la même journée cet acte qui devint ainsi la loi fondamentale de l'empire; il nomma en même temps les grands dignitaires, les grands officiers de la couronne, et dix-huit maréchaux de l'empire.

L'établissement de la nouvelle dynastie devait, aux termés du sénatus-consulte, être soumis à l'acceptation du peuple : mais déjà de nombreuses adresses, non-seulement collectives et présentées par les autorités, mais signées individuellement par les citoyens de toute condition, et par les officiers de tout grade dans l'armée, avaient anticipé sur les vœux émis par les tribuns et par le sénat; c'était certainement le vœu de l'immense majorité des Français de vouloir perpétuer la suprême magistrature dans les mains du chef qui avait triomphé des factions intérieures, et de la coalition des puissances, dont le gouvernement ferme et sage avait, en si peu de temps, fait sortir du chaos de l'anarchie une administration régulière, ranimé l'industrie, rétabli le crédit public, et

et

posé au milieu des ruines, les nouvelles fondations de la monarchie plus profondément qu'elles ne l'eussent jamais été.

Si Bonaparte abusa des titres que lui donnaient ses services et ses bienfaits aux suffrages d'une nation si facilement entraînée par la reconnaissance, cette violation du pacte social dont il a subi l'inévitable conséquence ne restera peut-être pas sans excuse au jugement de la postérité. Il connaissait peu les principes de la révolution, et cette partie de l'histoire de son temps obscurcie par les discours et les écrits d'hommes passionnés et d'ambitieux hypocrites : jeune encore, il n'avait pu observer le caractère national que pendant les crises qui semblaient l'avoir dénaturé; malgré sa pénétration, il était plongé dans cette erreur si funeste et si commune aux dépositaires du pouvoir, qu'on ne fait rien des hommes par l'attrait de la confiance, et qu'il n'y a de force active que celle d'impulsion: il ne crut jamais que la France, libre sous un gouvernement représentatif, pût affermir sa puissance et consolider sa fortune;

il voulait toujours vaincre, et n'était généreux que comme conquérant; il craignait que les douceurs de la monarchie tempérée ne ramenassent un peuple inconstant aux désordres de la démocratie, ou aux regrets pour la dynastie détrônée; aussi le viton faire, pour atteindre la couronne que lui décernait le vœu public, des efforts au moins superflus, et commettre un crime parce qu'il le crut politiquement nécessaire.

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La nouvelle constitution de l'empire français fut officiellement communiquée aux puissances continentales: si l'on en excepte la Russie qui, ainsi que nous l'avons dit, avait interrompu ses relations avec la France, elles ne changèrent rien à leurs rapports habituels, conservèrent à la cour de Napoléon leurs ministres accrédités près du gouvernement consulaire, et se bornèrent, pour la plupart, à éviter de faire des actes authentiques de reconnaissance. La seule pièce importante qui parut, fut la protestation du roi Louis XVIII, contre l'usurpation de ses droits légitimes. Cet acte, que le nouvel em

pereur affecta de dédaigner, et qui était écrit avec l'énergie et la dignité qui relèvent une illustre infortune, a acquis depuis aux yeux de l'histoire une autorité prophétique.

Ayant rempli la tâche que nous nous étions imposée de faire entrer dans le cadre de ce tableau général les événemens qui, pendant l'année 1804, occupèrent tous les cabinets de l'Europe, rompirent des liens à peine formés, et amoncelèrent de nouveaux et plus formidables orages contre le nouvel empire français, nous nous arrêterons ici. Au lieu d'enchaîner à ces événemens quelques faits de guerre maritime qu'une exacte chronologie aurait dû y faire intercaler, nous avons préféré d'en faire la matière du premier chapitre du onzième volume, qui suivra celui-ci. Ces faits appartenant à l'historique des camps sur les côtes et des mouvemens des flottilles, sur lequel nous avons recueilli des détails qui nous ont paru dignes de fixer l'attention, ils se trouveront mieux placés, sinon quant à l'ordre de dates qui pour cet objet n'est pas très-important, du moins pour l'ensemble de la narration.

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