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» L'ambition démesurée de l'Angleterre se >> trouve démasquée par cette conduite inouïe; >> maitresse de l'Inde et de l'Amérique, elle >> veut encore l'être du Levant.

>> Le besoin de maintenir notre commerce >> et de conserver l'équilibre, nous oblige à >> occuper ces positions dans les états du roi » de Naples, positions que nous garderons >> tant que l'Angleterre persistera à garder >> Malte. »

Quoique les finances du gouvernement napolitain fussent épuisées par les contributions qu'avait nécessitées l'occupation précédente, l'ambassadeur français Alquier reçut l'ordre de renouveler le traité de subsides, en vertu duquel les troupes françaises devaient être nourries, soldées et habillées. Les vives représentations de S. M. sicilienne furent appuyées par l'ambassadeur lui-même et par le général Saint-Cyr, qui reconnurent l'impossibilité où était ce gouvernement de remplir de si dures conditions; le premier Consul consentit à ce que le logement, les vivres les fourrages et le chauffage seulement, fussent

fournis par le roi de Naples; et que la solde, l'habillement et les remontes restassent à la charge de la France. La cour de Sicile était à ce point d'abaissement et d'abandon qu'elle dut considérer comme une faveur cette concession humblement sollicitée, cette espèce de dégrèvement.

Le principal objet de l'opération confiée au général Saint-Cyr, était de prévenir les Anglais, en leur fermant les meilleurs ports de la Méditerranée et de l'Adriatique, où leur établissement pouvait opérer une dangereuse diversion: celui de Tarente avait, surtout depuis long-temps, fixé l'attention du premier Consul: il le considérait comme le point d'observation le plus favorable pour surveiller et protéger la navigation des mers du Levant. Il n'avait jamais renoncé à l'Égypte; et la belle rade de Tarente, si rapprochée du Péloponnèse et de l'entrée de l'Archipel, à l'ouverture du golfe, et dans le pays le plus abondant, près des riches moissons de la Pouille, des vins de Calabre, des nombreux troupeaux des Abruzes, lui offrait tous les

avantages de situation, et toutes les ressources désirables pour les apprêts d'une nouvelle expédition. C'était son rêve favori; il n'avait suspendu qu'à regret les travaux de forlification que le général Soult avait commencés pour la défense du mouillage : le général Saint-Cyr eut ordre de les reprendre, de faire armer les batteries, et de former un approvisionnement de 500,000 rations de biscuit pour l'escadre de Toulon qui devait s'y rendre deux mois après. Si ses vastes desseins sur l'Orient n'étaient point encore arrêtés, il trouvait du moins, dans ces démonstrations, un moyen de fixer l'attention du gouvernement britannique et de diviser ses forces navales, pendant qu'il méditait l'agression sérieuse dont nous ne tarderons pas à occuper nos lecteurs. Il opposait à la possession du rocher de Malte la formation de l'arsenal maritime de Tarente.

L'esprit de justice et de modération du général français ne put maintenir que trèsdifficilement la bonne harmonie avec le gouvernement napolitain : une nation con

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trainte de souffrir la présence de troupes étrangères, s'aigrit et fermente; elle eût subi sans murmure le mauvais sort des armes et se serait résignée au gouvernement du vainqueur; mais elle ne put supporter longtemps l'humiliation d'une occupation du territoire, consentie comme un aveu de sa faiblesse ce mépris insultant ne tarda pas à exaspérer les esprits. Quelques officiers de l'armée du général Saint-Cyr, et particulièrement les Italiens, abusèrent de leur position; ils s'immiscèrent dans les affaires d'administration; ils refusèrent de se concerter avec les agens du pays, et donnèrent lieu à des plaintes très-graves d'anciens réfugiés, dont le gouvernement redoutait les intrigues, rentraient en foule, sûrs d'être accueillis dans les rangs des troupes de la république italienne, qui se recrutaient de sujets napolitains. Ces griefs, exposés par la cour de Naples dans des notes diplomatiques, furent écoutés par le gouvernement français, et redressés par la fermeté du général Saint-Cyr. On voit par l'extrait ci-après d'une lettre du

ministre de la guerre à ce général, avec quel soin le premier Consul, pour éviter les représailles qu'un système plus hostile aurait provoquées de la part des Anglais, affectait de montrer ses dispositions pacifiques et sa bonne intelligence avec le roi de Naples.

« Le gouvernement napolitain s'est félicité » plusieurs fois de la bonne conduite obser»vée par les troupes françaises dans ses » états: c'est à votre zèle et à votre sagesse, >> citoyen général, à maintenir la bonne opi>>nion qu'elles avaient inspirée, et qui ne >> peut que rendre leur situation plus favo>> rable. »

Cette paisible occupation des plus belles provinces du royaume de Naples, n'ayant pas rencontré d'autre obstacle, le premier Consul, maître de toute la péninsule, ménageant et menaçant la capitale, dont les chemins restaient ouverts à son lieutenant, ne mit pas moins d'activité à ses dispositions dans la Haute-Italie. Il exigea des deux républiques tous les secours qu'elles purent lui fournir en hommes et en argent : il pressait

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