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<< que le préliminaire exigé par Moreau était » l'assassinat du premier Consul; qu'après » l'événement Moreau serait premier Consul; » que les conjurés garderaient le pouvoir >> pendant six semaines au plus, pour donner » le temps à un Bourbon d'arriver. »

Ce premier coup, porté pour pressentir l'opinion publique, frappa au-delà du but; personne ne put croire que le général Moreau, dont toute la vie publique attestait les Vertus guerrières, l'élévation d'âme, la générosité, eût pu tomber si bas que de résoudre, d'exiger même un assassinat : le rapport du grand-juge, ministre de la justice, publié le lendemain de l'arrestation de Moreau, quoique moins positif que la note qui l'avait précédé, le chargeait gravement, et renfer→ mait les bases d'une accusation de haute trahison il lui imputait « une réconciliation >> criminelle avec Pichegru, des négociations » avec les ennemis de la patrie, des conféren» ces avec Georges et Pichegru, constatées >> par des preuves incontestables et multi>> pliées. >>

Ce rapport, dont la conclusion était «< de » renvoyer les prévenus devant le tribunal

» compétent, et de mettre toutes les pièces les de la justice, » fut solennel>> sous yeux lement communiqué au corps législatif et au tribunat le frère du général Moreau était du nombre des tribuns présens à cette séance: avant que les conseillers d'état annoncés comme orateurs du gouvernement fussent introduits, il avait vainement demandé la parole, sans doute pour se plaindre de l'arrestation du général Moreau à sa terre de Grosbois. Après avoir entendu, dans cette pénible situation, la lecture du rapport du grand-juge, et la réponse du président, il s'élança à la tribune : « Vous venez d'entendre, dit-il, les orateurs du gouvernement; » vous avez lu l'ordre du jour publié par » gouverneur de Paris; ces deux pièces sont >> en partie dirigées contre le général Moreau. >>. Je ne puis voir sans la douleur la plus vive >> qu'on se soit attaché depuis si long-temps » à calomnier un homme qui a rendu des >> services importans à la République, et

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>> qui, dans ce moment, n'a pas la liberté de » se défendre : je le déclare à la nation tout >> entière, mon frère est innocent des atro>> cités qu'on lui impute; je demande en son » nom, au mien, au nom de toute sa famille »éplorée, qu'on apporte à son jugement la >> plus grande solennité ; je demande qu'il ne >> puisse être traduit que devant un tribunal >> ordinaire. Il lui sera facile de faire éclater >> son innocence : j'affirme que tout ce qu'on >> a dit est une infâme calomnie. >>

En répondant à ce noble mouvement, si naturel de la part d'un frère, le conseiller d'état Treilhard se référa aux conclusions du rapport, en ajoutant que la marche de la justice s'opposait à la publication immédiate des pièces; qu'elles étaient, dans ce moment, l'objet des délibérations secrètes du sénat et du conseil d'état.

Peu de jours après, un sénatus-consulte suspendit pour deux ans la forme de procédure par jury, et déféra aux tribunaux criminels la connaissance des crimes de haute trahison, d'attentats contre la personne du

premier Consul, et contre la sûreté extérieure et intérieure de la République. En même temps, une loi spéciale fut portée contre les - receleurs des conjurés; elle appliquait au crime de recèlement la peine capitale comme à la complicité.

Avant l'arrestation du général Moreau, à laquelle le premier Consul s'était lentement décidé, les agens secondaires de la conjuration étaient successivement tombés dans les piéges dont la police les avait entourés; ils étaient au secret, et leurs fréquens interrogatoires, leurs confrontations, n'avaient encore procuré que de vagues indications sur les retraites des deux chefs que l'éclat des mesures du gouvernement rendait plus cautieux mais dès que la loi contre les receleurs fut connue, elle porta la terreur dans les derniers asiles que leur offrait encore leur or ou la pitié de leurs plus obscurs confidens. Le jour même de la publication de la loi, le 28 février, le général Pichegru, livré par un individu qui avait consenti à le recevoir pour quelques heures seulement, fut arrêté et

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conduit au Temple: Georges Cadoudal erra encore pendant dix jours; il tenta vainement de sortir de Paris; son signalement avait été donné à tous les gendarmes, à tous les conducteurs de voitures; il était affiché partout, inséré dans tous les papiers publics; les gardes, les patrouilles étaient doublées : enfin le 9 mars, à sept heures du soir, deux agens de police qui étaient sur ses traces, et qui l'avaient vu monter dans un cabriolet qu'un de ses affidés, le jeune Louis Léridan, lui avait amené près de la montagne SainteGeneviève, l'atteignirent et sautèrent à la bride du cheval. Georges, sans se déconcerter, les ajusta l'un et l'autre, et de ses deux coups de pistolet tua le premier et blessa le second; il sauta hors de la voiture, mais ne pouvant se dégager, il fut entouré et saisi; il n'avait plus d'autres armes qu'un poignard dont le fourreau était cousu au revers de son habit.

La conspiration était patente, le délit flagrant: Georges, interrogé d'abord par le préfet de police et ensuite par ses juges, ne dis

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