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et se présenta comme un émissaire du général français chargé de concerter et d'arrêter les moyens d'exécution. Le ministre anglais l'accueillit avec empressement, et, charmé du rapide succès de ses manoeuvres et du développement de la conjuration militaire, il s'ouvrit sans réserve rien ne fut oublié dans ces conférences, bien autrement importantes, selon M. Drake, que tous les congrès de souverains, puisqu'un seul homme d'état, lui seul, y décidait l'affranchissement de l'Europe. Le moment de l'explosion générale, la marche des opérations successives furent déterminés, les garanties réciproques, et avant tout, les fonds qui seraient mis à la disposition du général furent stipulés, et le faux émissaire rapporta au gouvernement les bases arrêtées par le ministre anglais : la masse de ces preuves irrécusables s'accrut encore par la correspondance avec le général supposé; on eut soin de la prolonger jusqu'au moment où il devenait impossible au gouvernement anglais de ne point

découvrir le piége où étaient tombés ses

agens.

Bonaparte déchira le voile et s'empressa d'étaler aux yeux de l'Europe toute cette machination, par la publication officielle de deux rapports du ministre de la justice, appuyés d'un grand nombre de pièces justificatives choisies dans la volumineuse correspondance de M. Drake: voici quelques passages de ces rapports ironiquement injurieux

<< M. Drake sera assez puni quand il saura >> que le soulèvement de quatre départemens, » la prise d'Huningue, la séduction de l'ar» mée, la libération des prisonniers, l'exi» stence des comités, les talens, le crédit de >> ce général, ancien jacobin, » doué par la >> nature d'une éloquence entraînante, d'une >> figure martiale et imposante, à la voix du>> quel devait s'opérer le bouleversement de » la France, sont autant de chimères dont le » préfet de Strasbourg s'est plu à nourrir sa >> naïve crédulité: il sera puni quand il saura » que tous ces bulletins, envoyés par des >> courriers extraordinaires à Londres, com

» muniqués à toutes les cours, colportés par >> les ministres anglais jusqu'à Constantino»ple, et dont on trouve des traces dans les >> discussions même du parlement, étaient » fabriqués et ne contenaient rien qui fût >> vrai ni vraisemblable; qu'avant de lui être >> adressés ils étaient communiqués à la po» lice de Paris, et que les agens qu'elle em>>ployait ne pouvaient revenir de leur sur>> prise en voyant des fables ourdies avec >>> aussi peu de soin, charmer M. Drake, et >> servir de base aux espérances et aux calculs » de son cabinet. »

-On insinuait dans ces rapports que les troubles qui avaient récemment éclaté dans le canton de Zurich étaient le résultat de semblables menées ; que la guerre civile rallumée en Suisse était un accessoire du plan général de désorganisation médité par les ministres anglais; que le système politique du premier Consul, bien différent de celui de ces artisans de discordes, tendait à étouffer partout l'esprit révolutionnaire; qu'il voulait mettre tous les gouvernemens à l'abri

de touto espèce de propagande et de complots ourdis par les sociétés secrètes; qu'il l'avait assez prouvé en délivrant le roi de Naples et le Saint-Siége de cette peste des états, et qu'il ne souffrirait pas que Munich, Stuttgard, Fribourg, Ettenheim, fussent sous ses yeux, aux portes de la France, des lieux d'immunité pour les conspirations de l'Angleterre contre le repos et la paix de l'Eu

rope.

En terminant cet exposé, le ministre français concluait à ce que « le gouvernement >> consulaire prît des mesures pour que » MM. Wickam, Drake et Spencer-Smith, >> ne fussent reçus chez aucune puissance >> amie de la France, à quelque titre que ce » pût être, le droit des gens n'existant pas

» pour eux. »

Cette étrange proposition, menace insultante pour les puissances du second ordre qui s'y trouvaient désignées, blessa profondément l'orgueil britannique et donna lieu à des déclarations respectives entre les cabinets de Londres et des Tuileries, que nous

croyons utile de rappeler dans l'intérêt des principes sociaux.

La diplomatie anglaise fut d'abord embarrassée d'une aggression si franche; l'intrigue avait été si brusquement découverte et confondue, et l'évidence des faits était portée à tel point, qu'on ne pouvait ni les nier ni les pallier; lord Hawkesbury prit le parti de les avouer, de justifier, par une application machiavélique des principes du droit des gens, la conduite du ministre anglais, et d'en faire l'apologie dans une note adressée à tous les ministres étrangers.

Après quelques récriminations, les unes très-fondées, les autres fort exagérées relatives aux troubles sans cesse fomentés en Irlande, lord Hawkesbury établit nettement cette épouvantable doctrine, « que to ut gou» vernement sage se doit à lui-même et au » monde en général, de profiter de tout mé>> contentement qui existe dans le pays avec >> lequel il peut se trouver en guerre, et par >> conséquent de prêter aide et assistance aux » projets des mécontens. »

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