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tous les intérêts individuels vers le point central du gouvernement, la création d'une foule de places et d'emplois, tant d'activité, tant d'éclat, tant de mouvement, étouffaient les murmures, et tenaient en suspens tous les esprits.

Des passions haineuses ont pu seules porter des écrivains contemporains de cette époque à représenter la situation de la France affranchie de la tyrannie démagogique, de la France glorieuse et reconnaissante, comme si elle eût été dans un état d'oppression, muette et courbée sous l'épée du protecteur : mais il serait également contraire à la vérité historique de donner une entière croyance à l'exposé que fit le premier Consul au commencement de l'année 1804, de la situation de la République. Il y représentait l'union des intérêts et des sentimens comme devenus plus intime depuis le renouvellement de la guerre : « l'esprit public en avait >> acquis plus d'énergie. En vain l'Angleterre >> avait tenté de jeter sur les côtes des pro>> moteur de troubles; ils n'y avaient ren

>>contré qu'un même dévouement à la chose >> publique, et la même volonté de repous>> ser la révolte et le brigandage; la guerre » n'avait point interrompu les pensées de la >> paix; le sénat avait été élevé à la hauteur » où l'appelait le but de son institution; le » corps législatif avait reçu une existence >> plus imposante et à la fois plus fixe et plus » régulière. La légion d'honneur, qui pro>> mettait une nouvelle source d'encourage» ment et de récompenses pour les services >> rendus, venait de relever, dès l'origine de >> sa fondation, une foule de traits glorieux » dont la patrie était fière. L'éducation toute >> militaire allait inspirer à la jeunesse l'en>> thousiasme des camps; les travaux des >>> ateliers, sommis à l'application des scien» ces, préparaient aux manufactures et à » l'industrie d'habiles ouvriers affranchis des >> routines du vieil apprentisage : des lycées >> trop lents à s'ouvrir allaient former sous » un même système d'instruction, des géné>> rations appelées à soutenir la gloire de la » France. Le code des lois françaises allait

» se compléter, les chefs-d'oeuvre des arts » étaient transportés de l'Italie dans le mu»sée Français; des fortifications s'élevaient » sur les frontières reculées; de nouvelles >> routes et des canaux ouvriraient bientôt » au commerce des communications plus » sûres, plus fécondes; enfin, l'ordre et le >> bon état des finances fondaient le crédit >> public. >>

Ce tableau séduisant de la prospérité de la république était terminé par l'assurance que les puissances continentales garderaient religieusement la paix jurée à Lunéville; cette assurance était déjà démentie par la froideur des cabinets de Vienne et de Pétersbourg, dont la neutralité n'était évidemment qu'une équivoque observation, et qui, dans l'attente des événemens, s'occupaient avec moins d'éclat, mais avec autant d'activité que le premier Consul, à mettre leurs armées sur un pied respectable. Leurs véritables dispasitions se montrèrent aux yeux les plus fascinés, par la protection que trouvèrent partout les agens secrets du gouvernement an

glais, chargés de renouer dans l'intérieur de la République, les fils des trames rompues depuis la paix générale, et d'y semer, à pleines mains, l'or et les germes des discordes civiles.

Nous ne devons point passer sous silence cette guerre d'intrigues, puisqu'elle occupa l'Europe pendant une année entière (de 1804 à 1805). On y trouvera d'ailleurs les causes déplorables de nouveaux crimes politiques, de nouveaux malheurs de la maison de Bourbon, celles qui précipitaient l'élévation de Bonaparte au trône impérial, et enfin l'origine de la troisième et dernière coalition contre la France; mais, d'un autre côté, ne voulant point reprendre, pour les interrompre encore une fois, les détails militaires que nous avons annoncés, de la formation et de la longue occupation des camps sur les côtes de la Manche, nous ne ferons qu'indiquer ici sommairement le premier établissement de ces camps, et quelques événemens qui eurent lieu dans cette partie, pendant les derniers mois de l'année 1803. Nous

conservons ainsi l'ordre chronologique autant que la complication des faits a pu le permettre, et nous espérons qu'en offrant à nos lecteurs les transitions qui nous paraissent les plus propres à soutenir leur attention sans la fatiguer, ils n'auront point à nous reprocher d'oiseuses répétitions..

Le premier acte annonçant officiellement l'expédition contre l'Angleterre, fut une proclamation de l'amiral Bruix en prenant le commandement de la flottille nationale, le 14 thermidor, 2 août 1803. (Voyez les Pièces. justificatives du onzième volume, où nous avons réuni toutes celles relatives à l'expédition qui nous ont paru dignes d'être produites.)

Le style ampoulé de cette pièce donne une juste idée, non de l'esprit très - éclairé du vaillant amiral, mais bien des moyens qu'employait, pour exciter l'enthousiasme, le chef suprême qui connaissait si bien lui-même la vanité de ces jactances: « Braves marins, >> disait l'amiral, le choix de Bonaparte me » rend digne de marcher à votre tête ! Votre

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