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⚫ entièrement privé de nourriture, ou plutôt restes mortels anéantis avant la mort, pour que l'âme possède sa liberté, et ne trouve point d'obstacle dans les sens; nuits consacrées aux veilles et aux prières; (ô David, que tes chants paraissent courts aux âmes pieuses!) « membres délicats couchés sur une terre froide, et tourdes souffrances au delà des forces de la na

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mentés

par

ture; gémissements qui pénétrez les cieux et montez « jusqu'au Seigneur, comment puis-je tout raconter et tout décrire?>

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C'est avec la même simplicité qu'il retrace les derniers moments de cette femme vertueuse. « Autour d'elle des << larmes muettes, une douleur inconsolable, mais silen«< cieuse car on se faisait scrupule d'honorer par des gé« missements le départ si paisible de cette chrétienne; sa « mort semblait une solennité sainte. »

La troisième oraison funèbre de saint Grégoire est consacrée à l'éloge de son père, qui fut avant lui évêque de Nazianze. L'orateur, dans son début, apostrophe saint Basile, présent à la cérémonie religieuse.

<< Homme de Dieu, lui dit-il, d'où venez-vous? que « voulez-vous faire? quel bien nous apportez-vous? Ve« nez-vous pour nous visiter, pour chercher le pasteur, « ou pour examiner le troupeau? Si vous venez pour nous, <«< hélas! vous nous trouvez à peine vivants, et déjà frappés de la mort dans la plus chère partie de nous

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« mêmes. >>

Le père de saint Grégoire était né dans la fausse religion; mais il avait toujours pratiqué la vertu. Cette différence est appréciée avec une modération que le préjugé ne s'attendrait pas à trouver dans un Père de l'Église.

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Comme il en est beaucoup au milieu de nous qui ne « sont pas avec nous, parce que leur vie les retranche de

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<< notre communion; ainsi il en est beaucoup au dehors

qui nous appartiennent, parce qu'ils ont prévenu la foi « par les mœurs. Le nom de chrétien leur manque; mais «< ils ont les œuvres. »

La conversion de cet homme vertueux, son élévation à l'épiscopat peu de temps après son baptême, son inviolable attachement à l'unité de la foi, au milieu du combat de toutes les hérésies; l'abondance de ses aumônes, qu'il répandait sans distinction, aimant mieux étendre ses bienfaits jusque sur le vice, que de s'exposer, par une charité soupçonneuse, à frustrer la vertu; la simplicité de ses mœurs, son éloignement pour toutes ces austérités hypocrites qui ne trompent pas longtemps, parce que rien de factice n'est durable; sa douceur, et, quand il s'irritait, la promptitude de son retour, qui ne laissait pas le temps d'être affligé de sa colère; tous ces traits d'une vie sainte et d'un caractère apostolique forment un récit où le goût peut reprendre la longueur des détails, mais où l'on reconnaît l'accent d'un fils qui loue son père.

Ce discours est à la fois un éloge et une consolation. L'orateur s'adresse souvent à sa mère, dont il cherche à calmer la douleur par les conseils d'une philosophie forte et chrétienne. « La mort et la vie, lui dit-il, quoi

qu'elles paraissent deux choses bien opposées, commu«< niquent entre elles, et se remplacent l'une l'autre. Je ne « sais si cette séparation, qui nous délivre des maux présents et nous conduit à une vie céleste, devrait avoir « le nom de mort. La seule mort véritable, c'est le péché; «< car il est la ruine de l'âme. » A ces conseils sévères succèdent des paroles plus douces « Il vous manque, dit-il, quelqu'un pour avoir soin de votre vieillesse : ô « ma mère, où donc est votre Isaac, que mon père vous

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a laissé, pour vous tenir lieu de tout? » On sent combien ces touchants retours de l'orateur sur soi-même, cette expression tendre et grave devaient exciter d'intérêt dans la société, ou plutôt dans la famille chrétienne qui l'écoutait voilà l'éloquence.

Nous trouvons enfin un nom célèbre, qui n'a pas besoin d'être recommandé par le talent du panégyriste: c'est celui de saint Basile, grand orateur lui-même, écrivain mâle et sévère, digne, par la pureté de son goût, des beaux temps de l'ancienne Grèce. Saint Basile, que Grégoire de Nazianze invoquait tout à l'heure comme un consolateur, est ici le sujet du plus éloquent discours de son ami. L'amitié de ces deux grands hommes est connue, et fait une partie de leur gloire. Tous deux chrétiens dès la naissance, fortifiés dans la foi au milieu des écoles du paganisme; tous deux épris des charmes et nourris des leçons de l'éloquence profane; tous deux lumières et soutiens de l'Église, élevés dans le sacerdoce aux mêmes honneurs, réunis par cette communauté de croyance, d'opinions, d'intérêts et de dangers, qui forme le plus étroit lien; réunis encore par cette égalité de talents et de renommée, qui rend entre deux amis l'attachement plus sûr et plus durable, le souvenir de leur pieuse et savante alliance sera toujours conservé dans les fastes de la religion et des lettres.

Plusieurs orateurs avaient déjà déploré la perte de saint Basile, lorsque saint Grégoire entreprit l'éloge de son ami. Dans l'exorde, il s'excuse de ce retard. « Saisi du même « effroi que les fidèles qui s'approchent des saints mystères, je craignais, dit-il, de toucher à l'éloge de cet « homme sacré, avant d'avoir purifié ma voix et mon << cœur. »> Enfin, avec le secours de Dieu, il entreprend ce discours, quoique tous les panégyristes restent aussi

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loin de saint Basile que le sont du soleil ceux qui le contemplent. L'orateur rappelle la noblesse des parents de saint Basile, parce qu'elle fait mieux éclater leur foi. Ce morceau est plein de feu et d'éloquence.

« Il y avait alors persécution, la plus affreuse de << toutes les persécutions, celle de Maximin, qui, s'élevant après d'autres tyrans, les fit tous paraître des amis de l'humanité; monstre enivré d'audace, impatient de <«< ceindre sa tête du diadème de l'impiété. Plusieurs de «< nos athlètes l'ont vaincu, combattant les uns jusqu'à « la mort, d'autres jusqu'à l'instant qui précède la mort, « et conservés pour survivre à leur victoire et ne point périr dans l'arène, modèles de la vertu, martyrs vivants, muets exemples laissés à leurs frères. Au nombre « des chrétiens qui, après avoir parcouru toute la carrière de la piété, reçurent alors la glorieuse couronne, il faut placer les aïeux paternels de saint Basile; car ils étaient préparés et résolus de manière à supporter aisément tous les maux au prix desquels Jésus-Christ « couronne les imitateurs de ses souffrances; mais il leur fallait une occasion légitime. Telle est la loi du martyre, de ne point aller volontairement au combat, par mé«nagement pour les faibles, et par pitié pour les persécuteurs; mais de ne point éviter le combat qui se pré«sente: l'un est témérité, l'autre est lâcheté. Respectant « l'ordre du législateur, que font-ils donc, ou plutôt quelle pensée leur inspire la divine Providence qui réglait tous leurs conseils? Elle les a conduits dans une « des forêts qui couvrent les montagnes du Pont, etc. << Combien cette solitude, cet éloignement de tout com«< merce, cet abandon, devaient être cruels à des hommes « accoutumés à se voir honorés et suivis de gardes et d'es<< claves!

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L'orateur fait trop d'allusions mythologiques, et raconte trop d'anecdotes puériles. On ne doit pas s'étonner du premier défaut : l'imagination des orateurs chrétiens se reportait toujours sur les fables de la Grèce; et ils ne pouvaient renoncer eux-mêmes à ces profanes et riants souvenirs, qu'ils auraient voulu chasser du cœur des peuples. La longueur des détails est un autre défaut qu'il est aisé de concevoir et d'excuser dans un vieillard qui regrette le compagnon de sa jeunesse et l'ami de toute sa vie. On a souvent cité le morceau où l'orateur rappelle son séjour à Athènes avec saint Basile. Cette description paraît aujourd'hui trop étendue; mais elle commence d'une manière heureuse et touchante : « Basile est conduit « dans Athènes par son ardeur de savoir; dans Athènes, « ville chère à mon souvenir, bienfaisante pour tout le

monde, et plus encore pour moi; car c'est elle qui m'a << fait véritablement connaître cet homme, quoique déjà « il ne me fût pas inconnu : j'y cherchais la science; elle « m'a donné le bonheur. »

Saint Grégoire rappelle les études qu'il partageait avec son ami :

« Nous poursuivions avec une égale ardeur un grand ob"jet de jalousie parmi les hommes, la science; mais l'envie «< nous était inconnue. Nous disputions, non pas l'honneur « d'emporter la prééminence, mais celui d'y renoncer. Il « semblait que nous n'eussions qu'une seule âme, qui « donnait la vie à deux corps. Notre occupation commune << était la vertu, et le soin de vivre pour les espérances éternelles, en nous séparant de cette terre avant de la

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quitter. » Cette nécessité où se trouve l'orateur de parler de lui, en célébrant son ami, était un écueil; il s'excuse d'y tomber, avec une finesse trop ingénieuse, mais qui n'est pas sans grâce :

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