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naîtra la haute importance, et la nécessité des sacrifices qu'elle exige, ni le courage, ni les talens ne manqueront pour égaler nos rivaux. L'escadre de l'amiral Villaumez, malgré la prudence et l'habileté avec lesquelles sa navigation fut dirigée, n'eut guère un sort plus heureux que celle de Leisseignes. L'amiral ayant touché à l'île de Noronha pour prendre des informations, apprit que les Anglais s'étaient emparés du cap de BonneEspérance: ne pouvant plus remplir le principal objet de sa mission, il fit voile pour la côte du Brésil, et relâcha à San-Salvador, après y avoir rafraîchi ses équipages déjà attaqués du scorbut; il se rendit à la Martinique, où il arriva vers la fin du mois de juin, sans avoir rencontré l'ennemi. La station anglaise des Iles-du-Vent, n'étant alors qué de quatre vaisseaux de ligne et trois frégates, sous les ordres de l'amiral Cochrane, celui-ci se borna à observer l'escadre française; l'amiral Villaumez pressentit que la station anglaise serait incessamment ren forcée, et qu'il ne tarderait pas à être attaqué

par des forces supérieures. Dès qu'il eût réuni son escadre, il se mit en mer, et se dirigea d'abord vers le nord. Cochrane le suivit sans se compromettre et sans le perdre de vue, jusqu'à ce qu'il fût certain que l'escadre française, au lieu de continuer de s'élever au vent pour retourner en Europe, avait mis le cap sur Portorico: il revint alors à Tortola, attendre les renforts qui lui étaient annoncés, et laissa seulement deux frégates en observation. En effet, peu de jours après que Villaumez eût quitté la Martinique, l'amiral Waren arriva à la Barbade avec six vaisseaux de ligne : une autre escadre, sous les ordres de sir Charles Stracham, avait été déjà envoyée en croisière à la recherche de l'amiral Villaumez, et dès qu'on fut informé en Angleterre de son apparition aux Antilles, une troisième escadre sous les ordres de sir Thomas Louis fut destinée à couper sa route s'il retournait en Europe; enfin, des ordres furent expédiés à toutes les croisières dest attérages pour resserrer le blocus des ports où cette dernière escadre française pourrait

tenter de rentrer si elle échappait à des poursuites si bien combinées...

Ne pouvant plus rien entreprendre, resté seul en but aux forces supérieures qui s'aggloméraient sur ses traces, et ne pouvaient manquer de l'atteindre, s'il continuait de naviguer en escadre, l'amiral Villaumez n'avait plus d'autre chance de salut. que de disperser ses vaisseaux dans différentes directions, et d'abandonner à la fortune le succès de leur retour en Europe. Avant de prendre ce parti extrême, il se déroba à la vigilance des Anglais, et profitant des vents et des courans, il fit voile pour le golfe de Floride, afin de débouquer par le canal de Bahama. En arrivant à la côte orientale, il détacha le vaisseau de 74, le Vétéran, commandé par Jérôme Bonaparte, frère de l'empereur Napoléon; sa traversée fut heureuse. Il rencontra au nord des Açores la flotte marchande de Québec sous le convoi d'une frégate, prit et détruisit les bâtimens; mais ayant été chassé par un vaisseau de la croisière anglaise, aux attérages de la côte

de Bretagne, il fut contraint de s'échouer dans le petit port de Concarneau, sous la protection des batteries.

Après la séparation du Vétéran, le reste de l'escadre de Villaumez fut assailli, abîmé par une furieuse tempête, et entièrement dispersé. Le Foudroyant, de quatre-vingtquatre canons, que montait l'amiral, perdit toute sa mâture, et ne parvint qu'avec beau coup de peine, avec des mâts de ressource, à se réfugier à la Havane, poursuivi, canonné par la frégate l'Anson, jusque sous les batteries de Castel-Moro. Un autre vais-* l'Impétueux, de 74, ayant aussi perdu ses mâts, son beaupré et son gouvernail, fut atteint près de la baie de Chesapeak, par trois vaisseaux de l'escadre de sir Richard Stracham. Forcé de faire côte, il fut incendié. Deux autres vaisseaux de même rang, également maltraités par la tempête, et qui étaient entrés dans la Chesapeak, y furent aussi détruits par les Anglais. Enfin, le Cassant, que l'on croyait avoir sombré à la mer, fut, de toute cette escadre, le seul qui eut le bonheur d'y rentrer.

Tel fut le triste résultat des dernières opérations des Français dans la guerre maritime; jamais le triomphe de leurs rivaux n'avait été si complet : ils pouvaient désormais naviguer avec autant de sécurité qu'en pleine paix, employer à leur gré des forces navales surabondantes à transporter leurs troupes de terre partout où il restait quelque dommage à faire à la France, soit pour lui arracher les deux belles colonies qu'elle pos sédait encore, soit pour aider, par de puissantes diversions, les souverains qui ose*raient rallumer la guerre de terre. Ces désastreuses conséquences de l'entière destruction de la marine ne furent pas senties par la nation; le deuil des arsenaux et des grandes places de commerce maritime fut à peine aperçu dans l'ivresse des victoires continentales. On ne s'occupait presque plus en France de la guerre avec l'Angleterre : on se livrait aux espérances qu'avaient fait naître le changement de système depuis la mort de M. Pitt, et l'entrée de M. Fox au ministère; c'était, disait-on, un augure, sinon un gage de la paix générale; l'orage semblait être

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