Imágenes de página
PDF
ePub

conjuration patriotique, ni en prévenir l'explosion. Tel est le caractère de la nation espagnole, telle est son horreur profonde de la domination de l'étranger, que sa fierté blessée peut s'humilier jusqu'à la dissimulation, et nourrir dans un impénétrable secret des projets de vengeance jusques au jour où ils sont parvenus à leur maturité : les Anglais l'éprouvèrent.

Le colonel de Linières, français au service d'Espagne, eut la principale part à cette action; le 4 août, à la tête d'un millier d'hommes qu'il avait tirés des garnisons de Monte-Video et de Sacramento, il traversa la rivière à la faveur d'un épais brouillard, sans être aperçu par la croisière anglaise, et débarqua à Couchas, au-dessus de BuenosAyres. Encouragé par ce renfort, un corps. de milices qui s'était déjà approché de la ville, et que le général Beresford avait repoussé, s'avança de nouveau avec beaucoup de résolution : le château fut sommé, le 10 août, de se rendre; la masse des habitans prit les armes, et le danger parut si imminent, que

les Anglais se déterminèrent à évacuer la place et à regagner leurs embarcations; mais retenus par des vents contraires, ils furent attaqués avec fureur dans les rues et sur la grande place, poursuivis, fusillés du haut des maisons; accablés par le nombre, ils furent contraints de mettre bas les armes. Au milieu de ce désordre, Linières, qui avait pris le titre de général en chef, convint avec le général Beresford d'une sorte de capitulation qui devint entre eux un sujet de récriminations, et malgré laquelle treize cents Anglais retenus prisonniers de guerre, furent envoyés dans l'intérieur du pays; deux cents hommes avaient été tués ou blessés dans le combat. Tels furent les fruits amers d'une expédition entreprise par sir Home Popham, sans l'autorisation de son gouvernement. I était à bord de son vaisseau lorsque la ville fut reprise; il continua de bloquer la rivière avec son escadre, jusqu'à ce que l'arrivée d'un petit corps de troupes, qui lui furent envoyées du cap de Bonne-Espérance, le mît en état d'agir offensivement. Il tenta alors,

mais sans succès, de s'emparer de MonteVideo, n'ayant pu s'approcher assez des forl'artillerie des vaisseaux

tifications pour que pût battre en brèche; il se borna à attaquer le poste de Maldonado, où il fit débarquer sa troupe, afin de protéger un mouillage où il pût attendre de nouveaux renforts.

On avait d'abord blâmé l'expédition de sir Home Popham, malgré son succès; sa conduite avait même été soumise à l'examen d'une cour martiale, et juridiquement censurée. Cependant après la reprise de BuenosAyres, l'honneur des armes qui se trouvait compromis, le désir de s'assurer une possession vers laquelle se portaient avec ardeur les spéculations commerciales, décidèrent le gouvernement anglais à soutenir cette entreprise. Le général Whitelocke y fut envoyé avec trois mille hommes; il s'empara de Monte-Video, fit ses préparatifs, et opéra son débarquement dans la petite baie de Baragon. Cette fois, les Espagnols opposèrent une vive résistance; mais ils furent repoussés et poursuivis jusqu'à Buenos-Ayres; les Anglais y

[ocr errors]

entrèrent pêle-mêle avec eux, et le général Whitelocke commit la même faute que le général Beresford: le combat, engagé dans les rues, fut soutenu avec vigueur par toute la population armée, barricadée dans les maisons, et faisant un feu meurtrier sur les assaillans. Après avoir perdu plus de la moitié de ses troupes, et rallié difficilement le reste, le général anglais fut contraint d'accepter la capitulation que lui offrit le général Linières. Il n'obtint de se retirer librement que sous la condition d'évacuer Monte-Video, et tous les postes que les Anglais avaient occupés sur cette rive de la Plata. La convention fut signée à Buenos-Ayres le 7 juillet 1807. On voit qu'il s'était écoulé une année entière depuis la première expédition jusqu'à cette dernière, dont l'issue fut encore plus malheureuse pour les Anglais. Malgré notre scru puleuse attention à ne rapporter les événemens de cette guerre que dans leur ordre chronologique, nous avons rapproché ceuxci à cause de leur peu de liaison avec ce qui se passait en Europe, et pour n'avoir pas à

1

ramener nos lecteurs vers un autre hémisphère, en les occupant une seconde fois d'un objet qui n'avait plus d'importance relative.

Il n'en est pas de même de quelques opérations maritimes que tenta Napoléon, avant d'adopter le parti plus sage de retenir dans les ports les débris de ses forces navales jusqu'à ce qu'il les eût refaites et accrues au point de pouvoir lutter, à forces égales, avec les dominateurs des mers. Ces derniers efforts de la marine française trouvent naturellement ici leur place.

Après la destruction de la flotte combinée de France et d'Espagne, au cap Trafalgar, l'escadre de Brest, que l'amiral Villeneuve aurait pu dégager, au lieu d'aller s'enfermer lui-même à Cadix, continuait d'y être bloquée; c'était le reste et la meilleure partie des grands armemens qui, pendant la campagne précédente, avaient étonné l'Europe, et ménacé la Grande-Bretagne d'une catastrophe que le génie et l'activité de l'amiral Nelson, autant que les fautes de l'amiral français, avaient prévenue. Napoléon ne put souffrir que des

« AnteriorContinuar »