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texte des formes de la négociation on prétendait dicter les conditions de la paix selon les convenances de la Russie, et reproduire les propositions « qui, ayant signalé l'origine « d'une coalition vaincue et confondue dès « sa naissance, devaient être oubliées avec << elle. » Cette note officielle se terminait par ce paragraphe : « La France ne prétend don<< ner la loi ni à la Russie, ni à l'Angleterre, « mais elle ne veut la recevoir ni de l'An« gleterre, ni de la Russie : que les condi«tions soient égales, justes, modérées, la << paix est faite; mais si l'on se montre impérieux, exagéré, si l'on affecte la supré« matie, si enfin on veut dicter la paix, « l'empereur et le peuple français ne relè<< veront pas même ces propositions. Confians << en eux-mêmes, ils diront ce qu'un ancien « peuple répondit à ses ennemis Vous nous « demandez nos armes, venez les prendre. »

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Après cette explication et cette espèce de défi, lord Lauderdale ne se prêta à reprendre les conférences avec les plénipotentiaires français que pour éviter à son gouvernement

le reproche, toujours odieux, d'avoir obstinément repoussé la paix. Cette intention du cabinet de Londres ne pouvait plus longtemps être dissimulée; on venait d'apprendre la fâcheuse nouvelle de la mort de M. Fox, qui ayant subi deux fois, sans succès, l'opération de la ponction, expira le 13 septembre. Ce grand homme d'état, le plus célèbre défenseur des libertés publiques qui eût jamais paru en Angleterre, n'avait survécu à son illustre rival' que quelques mois, et n'avait eu, dans ce court période, ni le temps, ni les forces nécessaires pour faire prévaloir son système pacifique; il n'eût rien moins fallu que son génie, dans la plénitude de ses moyens, et l'énergie de sa volonté, pour neutraliser les élémens de discorde qui reparaissaient de toutes parts. A mesure que ce flambeau s'éteignait, l'Europe retombait dans le chaos des passions; la fausse position et la témérité de la Prusse avaient déjà (comme nous l'expliquerons tout à l'heure) amené une crise inévitable. M. de Talleyrand, qui avait perdu dans M. Fox le seul appui sur

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lequel il pût compter pour rétablir la bonne harmonie, devait accompagner l'empereur Napoléon à son quartier - général, et le général Clarke ayant aussi l'ordre de le suivre, M. de Champagny restait seul chargé de la négociation qui ne pouvait être continuée que par correspondance. Lord Lauderdale, après une dernière conférence, ayant déclaré « qu'elle ne lui laissait aucun espoir de << pouvoir amener les négociations de la part « de la Grande-Bretagne et de la Russie à «une issue, favorable, » demanda ses passeports. En l'informant de l'ordre qu'il donnait de les lui expédier, M. de Talleyrand s'exprimait ainsi : « L'avenir dévoilera si «< ceux qui se plaignent de la grandeur et << de l'ambition de la France, n'ont pas à im<< puter à leur haine, à leur injustice, et la << grandeur et l'ambition dont ils l'accusent. «La France ne s'est agrandie que par les «< efforts, renouvelés tant de fois, pour l'opprimer.... Néanmoins l'empereur sera tou<< jours prêt à reprendre les négociations avec « l'Angleterre, et à les rétablir sur les bases

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<< posées de concert avec l'illustre ministre « que l'Angleterre a perdu, et qui, n'ayant « plus rien à ajouter à sa gloire que le rap<<< prochement des deux peuples, en avait « conçu l'espérance, et a été enlevé au monde « au milieu de son ouvrage. »>

Avant cette rupture éclatante, et pendant que le séjour prolongé des plénipotentiaires anglais soutenait encore l'espoir d'une heureuse issue de cette longue négociation les deux gouvernemens, malgré les assurances qu'ils se donnaient réciproquement de leurs dispositions pacifiques, redoublaient d'ardeur dans leurs mesures hostiles, soit qu'ils se flattassent d'obtenir avec de nouveaux avantages, de meilleures conditions, soit que leur méfiance mutuelle leur fit craindre le relâchement de l'esprit public, s'il leur fallait de nouveau tendre ce ressort et inspirer les fureurs de la guerre aux peuples, qui faisaient des voeux ardens pour la paix. Le blocus des côtes, des rivières et des ports, depuis l'Elbe jusqu'à Brest, ne fut jamais plus rigoureux qu'à

cette époque : les croisières anglaises répandaient l'alarme sur tous les points, tentaient des débarquemens, faisaient sauter la poudrière de l'île de Ré, enlevaient et retenaient prisonniers les pêcheurs et les pilotes trop confians, et trompés par les bruits d'une prochaine pacification. On a vu plus haut que, dans l'Adriatique et sur les côtes de la Méditerranée, les escadres anglaises et les troupes anglo- siciliennes n'agissaient pas avec moins d'activité. Napoléon, de son côté, poursuivait avec tenacité sur le continent, partout où ses ordres ou son influence pouvaient atteindre, son système prohibitif du commerce des Anglais : et, comme on l'a bien reconnu depuis par leurs propres aveux, il ne pouvait faire des actes d'hostilité qui leur causassent plus de dommage: la cour de Vienne fut contrainte de leur fermer le port de Trieste qui, jusqu'alors, avait joui des avantages de la neutralité; les états du pape, asile toujours ouvert à toutes les nations, à tous les partis, et devenu le dépôt des marchandises anglaises, furent consi

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