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strations des Calabrois envers le prince Joseph; on n'aurait pu douter ni de leur entière soumission, ni de leur désaffection de leurs anciens maîtres pour la cause desquels ils avaient, disaient-ils, refusé de prendre les armes. Tous les habitans des villages, hommes, femmes, enfans, conduits par leurs pasteurs, accouraient au-devant du prince, se précipitaient sur ses pas, adressaient au ciel de ferventes prières. Son entrée dans Cosenza fut une espèce de fête; toute la population des environs s'y était rassemblée; la ville retentit d'acclamations, et cependant, peu de temps après, ce même peuple s'insurgea contre les Français, et pour réduire ces féroces montagnards, il fallut verser plus de sang que n'en avait coûté la conquête.

Après un court séjour à Cosenza, Joseph continua sa route; il franchit les hautes montagnes de la Sila, dont les forêts sont le refuge ordinaire des brigands; il traversa plusieurs villages, véritables repaires qui avaient été livrés aux flammes : au milieu

de leurs ruines, une foule de malheureux, couronnés d'épines et tout ensanglantés, se prosternaient aux pieds du prince, se frappaient la poitrine, et imploraient leur pardon.

Le 13 avril, en arrivant au bourg de Scigliano, chef-lieu de cette âpre et sauvage contrée, le prince Joseph reçut par un courrier parti de Paris le 1er avril, le décret qui le déclarait roi des Deux-Siciles, et conférait au prince Murat la souveraineté du duché de Clèves et de Berg et au maréchal Berthier la principauté de Neufchátel. Le prince Joseph, en montant sur le trône de Naples, conservait le titre de grand-électeur, et ses droits à la couronne de France; mais les deux couronnes ne devaient jamais être réunies : le duché de Venise était définitivement réuni au royaume d'Italie, et le fils aîné du roi d'Italie devait prendre le nom de duc de Venise; enfin l'empereur Napoléon se réservait en Italie douze duchés, dont six dans le royaume de Naples, et nommait les titulaires.

Après s'être arrêté à Nicastro, entrée de la Calabre ultérieure, et à Monte-Leone, l'ancienne Hipponium, le prince arriva à Palma le 16 avril. Cette petite ville, agréablement située sur une éminence, au bord de la mer Tyrrénienne, semble être placée au pied de hautes montagnes et à l'entrée du détroit de Messine, pour offrir, comme du point le plus élevé d'un bel amphithéâtre, le spectacle le plus imposant. Les rivages du détroit, dont les écueils opposés et les courans alternatifs rappellent et expliquent l'ingénieuse fable de Carybde et de Scylla, la Sicile couronnée par son immense mont Etna, les nuages colorés de feu, et les tourbillons de fumée qui environnent le sommet du volcan, la vue du phare, du port et de la ville de Messine, et dans le lointain, les îles de Lipari, forment ce magnifique tableau.

Le nouveau roi, en jetant un regard sur les côtes des deux royaumes, qui semblent n'être que les deux rives d'un fleuve, put juger de la grandeur de l'obstacle, et demeura sans doute convaincu de l'impossi

bilité de le franchir et de réunir sur sa tête la double couronne de Naples et de Sicile, tant que les Anglais conserveraient dans ces parages la supériorité maritime, et l'avantage que leur assure l'inestimable possession de l'île de Malte. Ce fut à la vue et sous le canon de leurs frégates qui louvoyaient à l'ouvert du canal, que Joseph traversant Bagnara, où pour la première fois il fut salué des cris de Viva el re, suivit la plage découverte jusques à Sylla; il y fut reçu par le général Reynier; il visita avec lui le fort bâti à l'extrémité du promontoire et les autres points de défense sur le canal; gravissant ensuite le revers de la montagne de la Meglia qui, d'un côté, domine le fort, et de l'autre les belles campagnes des environs de Reggio, il atteignit le terme de son voyage avril.

le 17

La ville de Reggio, presque entièrement détruite par le tremblement de terre de 1783, sortait à peine de ses ruines; on remarquait, dans plusieurs nouvelles maisons, plus régulièrement placées qu'elles ne l'étaient au

paravant, la précaution ingénieuse d'une double construction de murailles; l'une intérieure, toute en charpente, pouvant céder aux oscillations, sans se désunir aux premières secousses; et l'autre, toute extérieure, en maçonnerie, et servant d'enveloppe, sans que son écroulement pût entraîner celui des planchers ni de la toiture.

La présence du roi à Reggio, si peu de temps après son entrée dans le royaume de Naples, était l'acte de possession le plus éclatant et le plus propre à pacifier les Calabres; mais on devait prévoir que ces premières impressions ne seraient pas durables, et que les Anglais, aidés par les intrigues de la cour de Palerme, saisiraient toutes les occasions de troubler ces provinces et d'y exciter des insurrections. Ils observèrent de près la ville et les points de la côte sur le passage du roi; les général Reynier avait renforcé tous les postes; les batteries qu'il avait établies le long du canal échangèrent quelques boulets avec les bâtimens de la croisière anglo-sicilienne.

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