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deux princes s'étaient embarqués deux jours auparavant. On ne trouva plus sur toute la côte un seul soldat napolitain. De toute l'armée royale, deux mille hommes seulement étaient parvenus à passer en Sicile; tout le matériel avait été pris, et la retraite avait été si précipitée, que les places de Crotone, dAmantea, et quelques autres postes fortifiés étaient restés armés.

Pendant l'expédition du général Reynier, le général Duhesme, qui avait réuni à Matera la division italienne commandée par le général Lechi, et les autres troupes destinées à pénétrer en Calabre par la route de la Basilicata, reçut l'ordre de se porter sur Cassano avec quatre bataillons d'infanterie française et un régiment de cavalerie; mais il fut arrêté sur les bords du Basiento par la crue subite de ce torrent; les ponts qu'il avait fait jeter furent emportés jusqu'à la mer; il ne put exécuter son mouvement et arriver à Cassano qu'avec une partie de son avantgarde qui avait franchi le Basiento et l'Acri avant la grande pluie et le gonflement des

eaux. L'avis qu'il reçut du général Reynier, de la défaite totale de l'ennemi à Campo-Tenese, fit changer ses dispositions; il arrêta ses troupes à Policoro et à Rocca Imperiale, poussa des détachemens dans différentes directions, fit poursuivre les fuyards qui s'étaient jetés vers les rivages de l'Adriatique, s'empara des canons et des armes qu'ils avaient laissés à Rossano, à Crotone, et dispersa les bandes que le marquis de Rhodio avait levées et s'efforçait de rallier. Ce fameux chef de bandits, pourchassé de tous côtés, fut contraint d'aller lui-même se rendre à la division italienne.

La marche du général Reynier avait été si rapide, qu'il avait dépassé et laissé sur ses derrières un grand nombre de fuyards de l'armée napolitaine et de brigands prêts à se réunir sous des chefs; toutes les communications entre les villes et les villages de la Calabre ultérieure en étaient infestées. Un aide-de-camp de l'empereur Napoléon, le colonel Le Brun, depuis duc de Plaisance, y ayant été envoyé, fut retenu à Cosenza, et

ne put s'avancer au-delà: il n'y avait plus dans cette longue péninsule un seul point qui offrît la moindre résistance; l'invasion était complète; mais, ainsi que le disait le général Reynier dans ses rapports, malgré la soumission de ces provinces que les princes napolitains n'avaient pu faire insurger, si l'on n'employait de nouvelles forces pour retablir la communication, il fallait considérer ce pays comme entièrement fermé.

Napoléon s'était flatté qu'on trouverait dans les ports du royaume de Naples des moyens d'embarquement suffisans pour jeter un corps d'armée en Sicile; et que si l'on profitait des premiers momens de terreur, on préviendrait les secours des Anglais, et qu'on pourrait achever la conquête des deux royaumes. Le prince Joseph, qui voyait de plus près les difficultés et ne pouvait partager ces espérances, résolut d'aller reconnaître les localités, et de s'assurer par luimême de la possibilité d'une si audacieuse entreprise. Le général Reynier lui écrivait : « J'ai pénétré jusqu'à Reggio, et je n'ai rien

<< trouvé dans cette place; les Anglais ont <<< tout emporté en Sicile; canons, poudre, « munitions, armes, vaisseaux, tout est en « leur pouvoir. On ne voit pas sur la côte « une barque de pêcheur : ainsi il est impos«sible de rien tenter en ce moment contre << la Sicile. Il faudra construire des barques, « des bâtimens de guerre propres à cette ex<< pédition, et l'on ne peut, avant un mois, à se mettre en mouvement. >>

<<< penser

Le prince Joseph avait annoncé qu'il allait visiter les Calabres et se rendre au corps d'armée du général Reynier. Malgré les obstacles que l'on pouvait prévoir, il persista dans son dessein, et partit de Naples le 3 avril, avec une forte escorte composée de quatre compagnies de grenadiers et de voltigeurs, et d'un détachement de chasseurs à cheval sous les ordres de son capitaine des gardes le général Saligny. Nous ne retraçons ici que fort rapidement le cours de ce voyage, et seulement les objets qui ont quelque rapport avec la situation générale des affaires. Nous avons conservé dans une note des détails plus cir

constanciés; ils nous ont été confiés par l'une des personnes qui accompagnaient le prince Joseph dans cette reconnaissance, et présentent sur ce pays peu connu et sur les moeurs de ses habitans, des vues intéres

santes.

Le prince Joseph arriva le 7 avril à Lagonegro, où finit la route praticable pour les voitures; il poursuivit sa marche par LoriaCastelluci et la Rotunda : il reconnut le lendemain la position de Campo-Tenese, franchit le col de ce nom, l'un des points les plus élevés de la chaîne des Apennins, s'arrêta quelques instans à Morans, à Castrovillari, et arriva le 11 à Cosenza, capitale de la Calabre citérieure, située au confluent du Bufento et du Crati, au pied du MontSila, dernier contrefort des Apennins du côté du nord.

Si l'on devait se fier au bon accueil que font à l'étranger vainqueur les peuples dès long-temps courbés sous le double joug du pouvoir absolu et du fanatisme religieux, on aurait pu croire à la sincérité des démon

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