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Dès la tête de la colonne commença à que

déboucher, le général Reynier détacha ses compagnies de voltigeurs pour couronner les montagnes à droite et à gauche du plateau élevé dit Campo-Tenese, au milieu duquel› on apercevait le camp ennemi. Le comte de Damas avait, en effet, bien choisi cette position défensive; il l'occupa très-militairement, et si le corps d'avant-garde qui fut inutilement détaché, battu et dispersé à Lagonegro, avait été réservé pour défendre les débouchés du val San-Martino, les Français n'auraient pu y pénétrer aussi facilement, et la retraite, du moins, aurait pu se faire à temps et en ordre; les deux ailes de l'armée napolitaine s'appuyaient aux montagnes sur lesquelles on avait, pour flanquer la ligne de bataille, posté plusieurs bataillons d'infan terie légère; le centre était couvert par trois fortes redoutes armées de pièces de gros calibre.

Le défilé étant très-étroit, les troupes françaises ne purent déboucher que trèslentement; la neige qui tombait à gros

flocons et la brume épaisse empêchaient réciproquement de se voir. La fusillade s'engageant vivement sur les montagnes de gauche, le général Reynier fit soutenir ses voltigeurs par un bataillon, pendant que le reste des troupes de son avant-garde se formait à l'entrée de la plaine. Aussitôt que la division Verdier fut placée en seconde ligne, la brigade du général Compère se porta en avant, directement sur le centre de la ligne ennemie: elle était déjà sous le canon des redoutes lorsque les voltigeurs et le bataillon du 42o régiment, porté à leur appui, ayant culbuté les bataillons napolitains qui défendaient les hauteurs où la droite de leur ligne de bataille était appuyée, celle-ci se trouva découverte et débordée. Le général Reynier saisit ce moment, ordonna au général Compère d'aborder l'ennemi au pas de charge et à la baïonnette, et fit soutenir son mouvement par la division du général Verdier. Cette attaque impétueuse fut décisive : après quelques décharges de peu d'effet, les Napolitains en désordre abandonnèrent les redoutes et

leur artilleric, et s'éparpillèrent dans les montagnes; quelques-uns prirent le chemin de Morano, où les voltigeurs qui avaient marché par les hauteurs arrivèrent en même temps. On prit beaucoup de fantassins et de cavaliers dispersés çà et là dans les montagnes couvertes de neige; un grand nombre se sauva à la faveur de l'obscurité; plusieurs officiers et soldats vinrent pendant la nuit se rendre volontairement aux bivouacs français; d'autres furent trouvés le lendemain morts de froid et de faim.

La réserve du général Franceschi, retenue par les difficultés du défilé, ne put arriver assez à temps pour prendre part à l'action; elle bivouaqua à Campo-Tenese, et recueillit les prisonniers pendant que la division d'avant-garde et celle de Verdier se portèrent à Morano.

Le corps du général Roger de Damas fut ainsi presque détruit: deux mille prisonniers, parmi lesquels un bataillon de grenadiers de la garde royale, les généraux Tschudi et Ricci, un grand nombre d'officiers, toute

l'artillerie, cinq drapeaux, et plus de cinq cents chevaux étaient restés entre les mains du vainqueur. Le comte de Damas ne put rallier que des débris pour continuer une retraite que l'ardente poursuite des Français et la saison encore très-rigoureuse dans ces montagnes rendaient très-difficiles. Pendant qu'il occupait la position de Campo-Tenese, le reste de l'armée napolitaine, sous les ordres du feld-maréchal Rosenheim, avait été placé en seconde ligne pour défendre la frontière de Calabre du côté de l'Apulie, menacée par la marche de la division Duhesme; la défaite du corps de Damas força celui de Rosenheim à se replier derrière le Coscile, dont le débor dement subit arrêta pendant un jour les Français, et favorisa sa retraite par Cosenza. Le prince royal et son frère le prince Léopold étaient partis de cette ville le jour même de la bataille de Campo-Tenese pour se rendre à Reggio, escortés par un bataillon de la garde royale et un régiment de cavalerie.

Le général Reynier, pressant la marche de ses troupes, les avait réunies autour de Co

senza,

le 13 mars; et après avoir laissé dans cette ville, sous le commandement du général Lafond-Blaniac, un régiment de chasseurs et quelques détachemens d'infanterie, pour assurer ses communications, il s'était remis à la poursuite des troupes royales, ne voulant pas laisser le temps à leurs arrière-gardes de prendre poste dans des défilés presque impraticables, et se flattant de les atteindre avant qu'elles eussent pu s'embarquer. L'armée française suivit la seule route que pût tenir l'ennemi par Nicastro, Monte-Leone, Mileto, traversa les torrens, et campa le 19 mars à Seminara; le lendemain, l'avantgarde parvint jusques aux hauteurs qui dominent Fiumara di Muro, et la petite ville de Scylla, d'où l'on découvre tout le détroit de Messine. A l'apparition des Français les bâtimens de transport levèrent l'ancre et gagnèrent le large; les chalouppes canonnières qui protégeaient l'embarquement tirèrent sur les escadrons que le général Reynier conduisait lui-même, et qui traversèrent la plage de Sentimelle pour entrer à Reggio, où les

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