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uniquement de ramasser une herbe sauvage ou une petite pierre, je veux dire une substance concrète il s'agit de rapporter le tout précieusement, de l'étale☛ dans un cabinet, de le classer, de le dénommer, et de dire qu'on a fait une découverte précieuse qui avance. singulièrement l'esprit humain. Il n'y a rien de plus plaisant que de voir, dans nos campagues, des personnages très-graves vider sérieusement leurs poches au retour de leurs excursions, et fixer leur chétif butin avec des yeux complaisans et attendris; que, si on leur demande modéstement quel est le but où l'utilité de leur collection, ils vous regardent avec une pitié mêlée de mépris, et ils ne daignent point vous répondre... C'est assurément ce qu'ils font de plus adroit; car ce silence vaut mieux qu'une énigme scientifique.

Un poète célèbre de nos jours se félicite de ce que le goût de l'histoire naturelle, répandu dans le > monde entier, a tiré les observateurs citadins de » l'ombre de leurs cabinets et de la mollesse des villes, 、 "les a fait gravir les montagnes, s'enfoncer dans les » bois, plonger dans les cavernes, franchir les préci-»pices, et s'asseoir au bord des volcans. » Assurément, il ne leur manque plus que de monter à l'assaut. J'en demande pardon à tant de braves savans, mais il me semble que voilà beaucoup de bravoure jusqu'à présent employée à bien peu de chose; il me semble qu'il ne faudroit pas être si fier et si important quand on revient des cavernes, des bois, des précipices et des volcans, avec un lichen ou un trochite pour toute conquête; je ne sais, d'ailleurs, jusqu'à quel point il faut se féliciter de ce que le goût de l'histoire naturelle s'est répandu dans le monde entier, quand je vois un grand nombre dé nos modernes naturalistes adorer exclusivement la nature, et professer, du reste, l'incrédulité et le ma

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térialisme. On est porté à croire qu'il y a, dans la science de tous ces coureurs de montagnes, quelque chose de si petit, de si puérile et de si mesquin, que leur esprit en devient incapable de s'élever à ces grandes et belles idées religieuses qui sont la source la plus féconde du génie et de la vertu............

Les montagnes me conduisent naturellement à penser à M. Azaïs, qui vient de publier son Séjour d'un mois dans les Pyrénées, dont vous avez rendu compte, Messieurs, d'une manière fort agréable, dans vos derniers numéros. Je n'ai point lu cette brochure, et je m'en suis rapporté à vous sur son mérite; mais je m'étonne qu'un homme qui a découvert le grand principe, qu'un homme qui est en train d'organiser le monde, s'amuse, en attendant, à faire de petites brochures sur ses voyages, à l'exemple des littérateurs et des écoliers les plus dénués d'imagination. Il me semble que son grand systême devroit l'occuper exclusivement, car d'après la fastueuse annonce que j'en ai vue, il ne s'agit pas d'une bagatelle. Il est vrai que le Voyage des Pyrénées est déjà ancien. M. Azaïs l'a commencé, à ce qu'il paroît, le 15 août 1797; c'est une date précieuse. Il a bien fallu nous divertir un peu avant de nous instruire complétement. Nous attendons avec une bien grande impatience le livre du Grand Principe, qui a déjà retenti dans les départemens. Il y a des petits esprits qui y voyent d'avance une folie de plus à ajouter à toutes les folies qui infectent le monde depuis tant d'années. Pour moi, je suis un peu plus circonspect quand il s'agit de juger les livres qui promettent des monts et des merveilles ; mais je ne puis m'empêcher de craindre, en cette circonstance, que la montagne en travail n'accouche encore du ridiculus mus.

S. T.

X I.

A Madame de ***, qui demandoit à l'auteur s'il avoit été chercher des pierres ou des simples sur les montagnes de ***.

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Que j'habite au niveau des mers,
Je redoute ces lieux sauvages
D'où l'on plonge sur l'univers.
Je sais qu'aux cîmes de la terre
On jouit d'un fort beau coup-d'œil,
Que l'homme y cherche avec orgueil
Le voisinage du tonnerre;
Que des savans très-curieux
Se font une gloire effrontée
De quelques pas audacieux
Faits sur les traces d'Amalthée
Au travers des sentiers scabreux
D'une montagne inhabitée....
Pour moi je n'ai jamais tenté
La conquête trop difficile

D'un brin d'herbe ou d'un grain d'argile.
Je veux avec sécurité

Marcher sur un chemin facile,
Couvert d'un peu d'obscurité.
L'ignorance peut me suffire,

J'en recueille un précieux fruit :

Sur-tout je ne veux pas instruire
L'univers déjà trop instruit.
Il se remplit, outre mesure,
De docteurs qu'il faut admirer.
Acharnés à nous éclairer

Sur les secrets de la nature,
Dont ils ont daigné s'emparer.
Au monde ils pensent faire injure
Quand ils le laissent respirer
Libre de leur nomenclature;
Et pour nous c'est une douceur,
Lorsque, dans l'éternel labeur
Dont leur science se compose,
Ils veulent bien au cher lecteur
Laisser ignorer quelque chose.
Il faut encor s'extasier

Devant les titres de leur gloire,
Voir les feuilles de leur herbier
Ou les rayons de leur armoire
Qui semblent se pétrifier.

Grâce à leur poursuite importune,
Avec respect il faut toucher

Le fossile de leur rocher

Ou la Flore de leur commune...... Oh! que tant de nouveaux Buffons Doivent inquiéter la terre Par le long et sec inventaire Qu'ils font de ses productions! Que de chétifs naturalistes Occupés à dresser des listes, A classer des brimborions, A pousser jusqu'au fanatisme Leur vaine curiosité, A soumettre avec gravité Tous nos foins à leur hellénisme! Pardonnez si je ne sais rien, Vous que ma paresse inquiète; Hélas! sans moi vous saurez bien Le nom de tout ce qui végète. Assez de vigoureux piétons

Descendant poudreux de vos monts,
Chargés de gyps et de potasse,
De bélémites, de charbons,
Vous donneront avec audace,

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Sur ce point, de belles leçons.
Du soin de vous rendre savante
Je dois me reposer sur eux.
Permettez que je me contente
De l'humble secret d'être heureux;
Que fidèle aux douces retraites
Par vous plus chères à mon cœur
J'admire un être créateur
Dans ses œuvres les plus parfaites,
Sans en sonder la profondeur!
Souffrez qu'empressé voyageur
Aux lieux seulement où vous êtes,
J'y cherche une amie... une fleur,
Et non des substances concrètes,
Inutiles à mon bonheur !

J'aime fort à dormir tranquille
Sur le destin des minéraux,
Je ne remplis point mon asile
De trochites et de coraux,
Je ne sais point de quel argile
Le ciel a formé mon enclos:
J'ignore si c'est la glucine,
La magnésie ou l'alumine,
Si c'est la zircone ou la chaux
Dont le sel actif y domine
Et féconde mes végétaux ;
Mais je sais bien que la laitue,
Que le thym et le serpolet

Y sont d'une heureuse venue,
Que le chou pommé s'y complaît,
Que le pêcher y fructifie.....
Je n'ai pas fait d'autre examen.
Je distingue dans ma prairie
Le triolet et le gramen;
Mais Io, botaniste sage,

De son instinct suivant la loi,

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