Imágenes de página
PDF
ePub

les habitations de ville, et partout où l'on n'a qu'un terrain peu étendu.

Mais ces avantages, les seuls, je pense, que l'on puisse reconnoître aux jardins naturels, sont précisément ce qui les rend indignes de l'usage que M. Curten propose d'en faire à Lyon, et de celui qu'on en a fait dans plusieurs établissemens publics.

Quels que soient la masse d'un édifice et l'espace d'un lieu, ils ne feront naître en notre esprit l'idée de la grandeur qu'à proportion de la facilité que l'imagination trouvera à en avoir toutes les parties présentes à-la-fois les choses naturellement les plus petites sont susceptibles de cette étendue en quelque sorte morale, qui résulte de l'ordre des parties je persiste à croire qu'elle est le principe de la beauté en général : l'on sait que les Italiens la considérent du moins comme le premier mérite des objets d'arts : c'est ce qu'ils entendent par cette heureuse expression, LE GRANDIOSE.

Il ne faut que traverser le jardin des Tuileries pour s'en former une idée très-distincte; et son ensemble est si facile à retenir, qu'il n'est peut-être pas un des sinateur à Paris qui n'en fit de mémoire le croquis plus exactement qu'il ne feroit celui de sa propre maison.

Les jardins de Versailles sont d'une composition moins simple cependant, avec un peu d'attention, on en reconnoît bientôt l'ordonnance générale et l'on en conserve cette image assez clairement pour jouir de son ensemble.

Du milieu du parterre d'eau, j'embrasse d'un regard, ou j'ai présentes à l'imagination toutes ces parties qui se balancent en étendant leur masse à mesure qu'elles s'éloignent, l'orangerie et l'allée d'eau, le bassin de Neptune et la pièce des Suisses, les rampes concentriques des terrasses, le bassin, le parterre et l'esplanade

de Laton e, l'allée du tapis vert, les bocages à droite et à gauche, le bassin et l'esplanade d'Apollon, le canal, et ses bras qui s'étendent d'un côté au palais de Trianon, de l'autre au château de la Ménagerie On chercheroit sans doute vainement dans tous les parcs anglais de l'Europe un tableau aussi vaste, aussi riche. Je doute même qu'il fût facile d'y trouver, dans le genre qui cependant leur est propre, un morceau comparable au seul bosquet des bains d'Apollon; et ce bosquet n'est à Versailles qu'un accessoire, un caprice, renfermé dans les charmilles et subordonné aux lignes tracées par Le Nôtre. On sait aussi que la fille infortunée de Marie-Thérèse a fait faire, dans un de ces compartimens du plan de Le Nôtre, un jardin anglais qui ne laisse rien à désirer pour l'élégance, ni même pour l'étendue.

On peut errer agréablement dans un parc anglais, pourvu toutefois qu'il s'y trouve des chemins de plainpied sur un sol affermi; mais on ne s'y rassemble point. Comme la végétation en fait tout l'ornement, il faut que tout y soit en culture: on ne sauroit y souffrir d'espace découvert; une esplanade un peu étendue présenteroit la triste image d'un morceau de terre en friche. Or, ce ne sont point des allées tortueuses de trente-cinq à soixante pieds, et encore étranglées de place en place, comme celles du projet de M. Curten, qui suffiront, je ne dis pas à l'affluence des peuples, mais seulement au mouvement d'une cour nombreuse.

Cependant ce n'est pas uniquement parce qu'ils manquent du caractère de la grandeur, que les jardins anglais ne sont point convenables aux établissemens publics; ils ont encore le défaut d'être trop peu durables. La combinaison de ces lignes irrégulières et variées de mille façons, dans laquelle consiste le mérite et

comme le secret de la composition de ces jardins, n'est connue le plus souvent que de l'auteur; il est fort difficile que les finesses de son dessin ne s'altèrent point entre les mains des manouvriers auxquels le soin en est confié. Le jardin anglais le mieux entretenu est déformé dans beaucoup de ses parties après huit ou dix ans : quelques années d'abandon ou seulement de négligence le rendroient tout entier à cette nature sauvage dont on lui fait un si grand mérite d'être voisin.

L'art de ces plantations consiste sur tout dans le choix des arbres, qu'il faut assortir ou varier suivant la hauteur des tiges, le jet des branches, la nuance et le mouvement des feuilles, pour obtenir des effets d'ombre, de lumière et de couleur ; cela exige l'emploi d'espèces très variées, plus ou moins vivaces, et presque toujours étrangères au sol et au climat. Cependant, dès que l'âge ou la maladie a fait périr les plus délicates, tout l'effet de la masse est irréparablement détruit ajoutez que ces arbres varient entr'eux pour l'époque de la floraison, du développement et de la chûte des feuilles; en sorte que c'est un grand bonheur quand un jardin de cette espèce, qu'il faudroit replanter tout les vingt ans, brille de son éclat passager pendant trois mois chaque année.

Nous ne nous arrêtons pas à prouver la supériorité des jardins d'ordre symétrique, que les chefs-d'œuvre de Le Nôtre nous donnent le droit d'appeler aussi jardins français. Assez d'exemples subsistent encore, malgré les temps d'incurie et de dévastation qui se sont écoulés, pour attester cette supériorité.

Laissons les parcs de l'ordre naturel à ceux à qui leur état et leur fortune ne permettent pas de sacrifier aux arts et à la gloire nationale; mais que les palais du souverain, les monumens publics, et les demeures

de ceux que l'éclat de leurs services appelle à fonder une postérité, s'entourent de jardins plus nobles et plus durables.

M. B.

LIV.

[ocr errors]

De M. Chénier, et des Poëmes descriptifs.

paroît que l'auteur de Cyrus s'est jeté de dépit dans la satire.

[blocks in formation]

comme Rousseau, en parlant de Longepierre; car pour ce qui concerne le goût et la littérature, il n'y a rien de commun entre les Grecs et M. Chénier, quoiqu'il soit né, dit-on, d'une Grecque.

On assure cependant qu'il a des prétentions extraordinaires à l'érudition, et qu'il se croit un Dacier; mais une prétention qui n'est fondée sur aucun titre n'est qu'un ridicule. M. Chénier imite la simplicité de ces gens du peuple qui prétendent savoir écrire sans même savoir lire il se pique de savoir le grec, sans même savoir le latin; du moins il n'en apprit jamais un mot

:

au collége, j'en suis témoin fidèle ; et dès sa sortie du collége, s'étant jeté tête baissée dans les vers, dans la philosophie, dans toutes les intrigues politiques et littéraires, il est plus que probable que le temps lui a manqué pour approfondir les langues ancien es, qu'on apprend toujours si difficilement et si mal quand on a passé l'âge de les apprendre.

t

goût et la du tout de

Racine, il est vrai, commenca de bonr ie heure à composer des tragédies; mais à vingt ans il étoit infiniment plus versé dans la connoissance des anciens, que tous nos coryphées modernes ne l'ont jamais été dans tout le cours de leur vie. Voltaire ne sav oit de latin que ce qu'il en avoit appris dans ses classes: voilà pourquoi on cherche en vain dans ses écrits le manière antiques. M. Chénier ne sait point latin, et n'a rien appris dans ses classes; on dans tout ce qu'il a fait le défaut total de la première éducation celle qu'on se donne ensuite à soi-même dans la société, ne remplit jamais suffisar nment ce vide de quinze ou seize années perdues, 1 on pas à ne rien apprendre, mais à apprendre ce qu'on devroit oublier.

reconnoît

Ce qui prouve combien M. Chénier est tour menté de son ignorance, c'est précisément cet étalage inutile et fastueux qu'il a coutume de faire d'une éruditi on d'emprunt. Prononce-t-il un discours dans un lycée pour une distribution de prix, il remue avec fracas la poussière des siècles, il trace un tableau rapide des progrès de l'esprit humain, depuis le déluge jusqu'au di rectoire. Quel tableau! chaque coup de pinceau est une erreur une calomnie ou une satire. Veut-il me prouver que théâtre est une école de morale et de vertu, lieu de raisonner il compile; le voilà qui convoque, pour me condamner, toutes les autorités constituées de la

au

[ocr errors]

le

« AnteriorContinuar »