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O toi dont La Fontaine ett vanté les attraits,'
'O ma chère Raton, qui, rare en ton espèce

Eut la grâce du chat et du chien la tendresse ;
Qui, fière avec douceur et fine avec bonté,
Ignoras l'égoïsme à ta race imputé !

Là je voudrois te voir, telle que je t'ai vue,
De ta molle fourrure élégamment vêtue,
Affectant l'air distrait, jouant l'air endormi,
Epier une mouche, ou le rat ennemi,

Si funeste aux auteurs,

dont la dent téméraire

Ronge indifféremment Dubartas ou Voltaire ;
Ou telle que tu viens, minaudant avec art,
De mon sobre diner solliciter ta part;

Ou bien, le dos en voûte et la queue ondoyante,
Offrir ta douce hermine à ma main carressante ;
Ou déranger gaiement par mille bonds divers
Et la plume et la main qui t'adresse ces vers.

Dont la dent téméraire, etc. Indépendamment de l'équivoque sur le mot dont, ces deux vers font longueur; c'est une parenthèse qui affoiblit le mouvement ' de ce morceau.

Catulle a célébré le moineau de Lesbie, dans un petit madrigal très-galant; c'étoit un amant qui parloit à sa maîtresse; mais dans un ouvrage sérieux, dans un poëme didactique, Virgile qui n'osoit pas occuper ses lecteurs de lui-même, Virgile qui ne se permit jamais la moindre ironie, la plaisanterie la plus légère, eût encore moins osé entretenir le public de sa chate. La douceur, ou plutôt la foiblesse de nos mœurs, s'amuse de ces familiarités indécentes, dont un siècle plus sévère sur les bienséances auroit fait justice. La bonne compagnie trouve une grâce naïve, et, qui pis

du sentiment, dans ce frivole et puérile badinage. Certains critiques dont Lamotte appuye malignement l'opinion, ont prétendu que l'Iliade d'Homère n'étoit qu'un tissu informe de morceaux mal cousus

:

ensemble, et réunis sous le titre de Rapsodies. Ce qui n'est, par rapport à l'Iliade, qu'un mensonge de l'envie, devient pour les Géorgiques françaises l'exacte vérité. Delille a rassemblé sous ce titre une foule de pièces détachées, qu'il avoit lues en différens temps, soit à l'Académie, soit dans les sociétés. Le quatrième chant trahit plus que les autres cette rapsodie mal-adroite : il n'a pas plus de rapport avec les trois précédens, que n'en auroit avec une tragédie un recueil de préceptes sur la poésie dramatique : après avoir peint la Nature, l'auteur s'est donné la peine d'apprendre aux autres à la peindre; après l'exemple, il a voulu donner la leçon; soin fort inutile, car la meilleure de toutes les leçons, c'est l'exemple: pour instruire pleinement les auteurs, il lui suffisoit de leur dire Lisez-moi. Ily a sans doute trop de prétention à s'ériger en maître de l'art qu'on vient de pratiquer; on s'expose à voir ses conseils démentis par ses écrits : d'ailleurs, c'est un malheur attaché à la doctrine de Delille, d'enseigner toujours ce qu'on ne peut enseigner, et de ne donner pour préceptes que des descriptions. A quoi bon recommander aux poètes d'avoir du génie, de la sensibilité, de la grâce? c'est bien vainement qu'on les prêche; les poètes, dans leurs ouvrages, sont comme les hommes dans la société ; ils se conduisent d'après leur caractère et leur goût beaucoup plus que d'après leurs lumières: Delille en est lui-même une preuve bien frappante. Combien de fois ne lui a-t-on pas dit: Soyez simple, naturel et vrai, prenez une manière graude et large, que le cœur et non l'esprit inspire votre pinceau? Delille enseigne lui-même aux autres que les minauderies ne sont que des grimaces; que de petites sentences à l'eau rose, de petits vers musqués, de petits madrig ux produisent le même effet dans un poëme

que le blanc, le rouge et les mouches sur le visage d'une coquette; mais quand il compose, il oublie ses préceptes.

Sujet mal choisi, mal conçu, point de plan, nul ensemble, des détails charmans, des vers que Delille seul sait faire aujourd'hui, la manière d'Ovide plutôt que celle de Virgile, des défauts aimables que l'on condamne à regret, et qui n'en sont que plus dangereux; telle est mon opinion sur l'ouvrage intitulé : Georgiques françaises, et qui ne répond nullement à son titre. Il ne nuira point à la réputation de l'auteur, déjà bien établie; mais il n'est pas fait pour l'augmenter. G.

LIII.

Des Jardins Anglais,à l'occasion d'un ESSAI SUR LES JARDINS, suivi du plan de la presqu'ile Perrache, située au midi de la ville de Lyon, traitée en jardin, pour accompagner le palais ordonné par S. M. dans cet emplacement ( par M. Curten aîné, architecte et ingenieur des jardins).

CET Essai n'est, s'il en faut croire la préface, que l'abrégé d'un plus grand ouvrage ; dans celui-là on prouvera, par des raisons et des exemples, ce qu'on essaie dans celui-ci de nous faire croire sur parole; savoir: que l'art de planter des jardins s'est prodigieu ́sement perfectionné depuis cinquante ans ; alors on apprendra que Le Nôtre, habile homme pour son temps, porta à la vérité cet art aussi loin qu'il pouvoit aller à une époque où l'on ne savoit pas encore apprécier les

beautés champêtres, mais qu'il n'imagina rien de si parfait que ce que les Anglais et les Chinois nous ont enseigné depuis.

Aujourd'hui, l'auteur se borne à donner des conseils aux amateurs de jardins et à faire part au public du projet qu'il a conçu pour assainir un des quartiers de Lyon, et former sur l'île Perrache un jardin d'ordre naturel au-devant du palais que S. M. a ordonné qu'on lui bâtît dans cet endroit.

Nous ne dirons rien de la première partie de ce plan; elle ne peut être bien appréciée que par les Lyonnais qu'elle intéresse plus particulièrement; mais nous hasarderons d'exposer notre opinion sur la seconde, parce qu'elle donne lieu à quelques réflexions générales.

Si nous devions, en effet, aux Anglais et aux Chinois le perfectionnement de l'art des jardins, qui est au nombre des arts du dessin, il faudroit s'en étonner, comme l'on a coutume de faire des choses que l'on ne peut expliquer. Mais, qui ne voit d'abord que les jardins anglais et chinois, ou jardins de l'ordre naturel, suivant l'expression très-exacte de M. Curten, ne sont point des jardins perfectionnés, et que la grande vogue qu'ils eurent en Europe dans ces derniers temps prouve seulement l'état de décadence où les arts en général étoient à cette époque ?

J'appelle inventeurs de l'art des jardins, ceux qui imaginèrent de recueillir les arbres épars des forêts, et de les replanter sur des lignes symétriques dans une terre préparée, de courber leurs branches uniformément, et d'étendre leur feuillage pour en former des voûtes et des galeries de verdure; ceux qui transformèrent les ravins et les mares des bois en canaux souterrains, en bassins de pierre ou de marbre; les premiers enfin qui, ayant à disposer un lieu de promenade, lui

donnèrent la forme la plus commode pour la conversation et le marcher. Appliquant ainsi leur intelligence à polir et mettre en œuvre la nature brute, ils remplirent la noble vocation de l'homme; mais peut-on dire la même chose de ceux qui, ayant trouvé cet art inventé, entreprirent de le faire rétrograder vers la nature brute, au lieu de s'appliquer à la perfectionner en ajoutant de nouveaux embellissemens à ceux imaginés par leurs devanciers? Voilà cependant ce qu'on a fait en introduisant en France l'usage des jardins anglais et chinois.

Ce n'est pas que je veuille proscrire sans restriction ces sortes de jardins anglais : par cela même que l'art a peu de part à leur composition, et qu'ils sont sans grandeur et sans magnificence, ils conviennent mieux peutêtre que les autres aux mœurs et à la fortune du simple particulier.

Un jardin anglais n'est le plus souvent, autour de la maison du propriétaire économe, qu'une portion de terre cultivée avec un peu plus de soin et de propreté que le reste de l'héritage; les blés, les fourrages, les légumes, en occupent utilement la plus grande partie. Alors même qu'on en veut faire un objet tout de luxe, l'espèce d'ornement dont il est susceptible est peu dispendieux; la roche de la carrière, le bois grossier du taillis en font à-peu-près tous les frais, il n'en coûte au propriétaire que la perte du temps des manouvriers. Le jardin anglais, composé de masses indépendantes les unes des autres, n'est point susceptible d'ensemble il n'exige ni un jardinier habile, ni des soins de tous les jours, comme le jardin fleuriste on y fait entrer beaucoup d'arbres qui conservent leur verdure pendant l'hiver, ou qui poussent leurs fleurs aux premiers jours du printemps on le préfère avec raison pour VIIe, Année.

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