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Vous avez vu d'une fontaine
S'écouler l'onde d'un ruisseau;
La Nymphe en sa marche incertaine,
Lentement, sur la molle arêne,
Roule le cristal de son eau,

Sans savoir où son cours la mène.'
Ainsi d'un air triste et dolent,

La sensible Mélancolie

Cède à son génie indolent,
Et dans sa vague rêverie

Marche sans but et sans dessein;
Heureuse si dans son chemin,

Au sein d'une verte prairie,

Elle rencontre un beau chagrin (1).
Elle aime les vaines alarmes ;
Son ombre la remplit d'effroi :
Souvent sans trop savoir pourquoi,
Elle verse un torrent de larmes;
Aimable Adèle, croyez-moi,
Montrez-vous sensible à ses charmes,
Et vivez sous sa douce loi.

La voilà qui paroît dans l'ombre,
Portant un cyprès à la main ;
Son teint est pâle, son air sombre,
Ses bras sont croisés sur son sein;
Fidèle aux lois qu'elle s'impose,"
Poussant des soupirs, des sanglots,
Elle pleure sur des tombeaux
Où nulle cendre ne repose.

Vers vous elle porte ses pas :

chenilles ont aussi leurs qualités. D'après cela, que doit-on penser des circulaires du ministre de l'intérieur, qui ordonnent aux agriculteurs de tuer ces intéressans animaux, et donne ainsi, de sangfroid, le signal d'une autre Saint-Barthélemi dans nos jardins et nos vergers?

(1) On demandoit à une femme ce qu'elle regrettoit le plus de sa jeunesse : Un beau chagrin, dit-elle, dans une prairie. Ce mot a été cité très-souvent, et je ne doute pas qu'il ne soit entendu par les amateurs.

Comme elle est tendre, affectueuse!
Elle va tomber dans vos bras;
Mais toujours distraite et rêveuse,
Elle ne vous apperçoit pas.
Les grandes et vastes pensées
Sur son front paroissent tracées ;
Mais sous cet austère maintien
Souvent elle ne pense à rien.
Son œil au ciel chefche la lune,
Et craint d'y rencontrer le jour;
Le plus léger bruit l'importune;
Les jeux sont bannis de sa cour.
Aux noirs ennuis elle est en proie,
Mais elle se plaît dans le deuil;
Le bonheur est son grand écueil,
Et son grand fléau, c'est la joie.

L'ennui l'accompagne, dit-on;
Mais dans la bonne compagnie
On aime son triste génie ;
Et pour paroître du bon ton

Il faut bien parfois qu'on s'ennuie.
Charmante Adèle, abjurez donc
Cette aimable et douce folie,
Qui ne sied plus même à Thalie,
Et qui, pour plus d'une raison,
Parmi nous n'est plus de saison.
A la tendre mélancolie
Abandonnez vos plus beaux jours.
Que des fleurs de la pâle Automne
Votre jeune front se couronne
Et prête son deuil aux Amours.
Evitez toujours la présence

Des gens soupçonnés d'être heureux;

Gardez un lugubre silence

Au milieu d'un cercle joyeux ;.

Ne vous abaissez point à lire

Une histoire, un conte amusant,
Et gardéz-vous sur-tout de rire
De quelque chose de plaisant.
Dans votre sombre rêverie -

Ne voyez jamais rien en beau,
Et soyez, on vous en supplie,
Triste comme un roman nouveau.
Dans les lieux les plus solitaires,
De mille maux imaginaires
Plaignez-vous sans cesse aux échos;
Avec nos romanciers célèbres
Egarez-vous dans les tombeaux;
Parmi des fantômes funèbres
Enfoncez-vous dans les ténèbres.
Pour les cœurs à grands sentimens
Les tableaux les plus effrayans
Ont des beautés que rien n'efface
La mort même n'est pas sans grâce,
Et les fantômes sont charmans.
Votre teint sera pâle et blême ;
Vous serez un spectre vous-même :
Vous aurez l'air d'un revenant
Echappé d'un drame allemand.
Vous voyant ainsi corrigée,

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On dira : « Comme elle est changée !
» Elle est changée à faire peur;
>> Ce qui lui fait beaucoup d'honneur.
» Du bon ton elle est le modèle ;

» Grâces à la mode nouvelle,

» Les ris, les jeux loin d'elle ont fui;

» Et, telle est sa métamorphose,

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>> Que nos romanciers d'aujourd'hui
>> Pourront en faire quelque chose. »

M... d.

XX.

Athénée des Dames.

IL faut prévenir tous les hommes qu'il va paroître

incessamment un Athénée des Dames, buvrage d'agrément et d'instruction, uniquement réservé aux

femmes, et rédigé par une société de dames françaises : on y a joint des planches. Le prospectus de cet ouvrage, que nous avons sous les yeux, est une véritable déclaration de guerre contre nous, messieurs, et on nous regarde déjà comme vaincus, car il porte cette épigraphe impérieuse :

Tombe aux pieds de ce sexe à qui tu dois ta mère :

Ainsi il faut dès ce moment prendre nos précautions si nous voulons demeurer droits sur nos pieds, comme nous avons toujours fait depuis notre noble origine; il est bon de nous tenir ferme d'avance contre cette coalition redoutable qui se forme à l'heure qu'il est chez F. Buisson, libraire, rue Git-le-Cœur, no. 1o.

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Ces dames se plaignent, dans leur avant-propos, que depuis long-temps les femmes sont appelées seule→ ment les fleurs de la terre le charme des yeux, et qu'on encense exclusivement leurs qualités physiques, afin de borner leur empire à cette belle jeunesse, hélas! sitôt passée, tandis qu'elles ont des droits éternels à l'estime des hommes, et même à leur vénéra

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Cela nous fait soupçonner d'abord que celles qui sont à la tête de cet ouvrage (auquel on a joint des planches), ne sont plus dans le cas d'être appelées lesfleurs de la terre et le charme des yeux ; que déjà il y a quelques altérations dans leurs qualités physiques. et qu'elles sont, à l'heure qu'il est, aussi estimables et aussi vénérables qu'elles peuvent le desirer. Cette remarque nous rassure un peu, à la vérité : mais, messieurs, il ne faut pas nous y fier; et, soit que nous ayons affaire à de jeunes fleurs, soit que nous ayons affaire à des fruits mûrs, nous n'avons pas un instant à perdre pour nous défendre, pour conserver notre

rang dans la chaîne des être pensans, et pour ne pas tomber tout-à-fait dans la classe des petits chiens accoutumés à coucher aux pieds de ces dames. Cependant, avant de prendre les armes sérieusement, nous porterons des paroles de paix; nous tâcherons d'arranger cette affaire sans effusion de sang; nous ferons même à nos ennemies toutes les concessions qui pourront compatir avec notre honneur, déjà trop compromis sans doute en tant de rencontres particulières mais nous sommes bien décidés à ne pas renoncer à toutes les prérogatives de notre sexe et nous ne reculerons pas d'un pouce sur les points essentiels.

9

« D'où vient, s'écrient les vénérables, cette opinion > commune que l'homme est supérieur à la femme? » D'abord de ce que l'homme l'a dit, l'a écrit le pre>mier, sans trouver de contradicteurs. C'est la fable » du lion écrasé par l'homme. Si pendant des siècles » les femmes ne fussent point restées plongées dans » une profonde ignorance, et n'eussent pas été persua

dées, à force de l'entendre dire aux hommes, qu'elles » étoient faites pour obéir, elles auroient réfuté ce » paradoxe avec avantage, on les auroit vues mar» cher sur la même ligne que les hommes, etc.»

Est-il possible, mesdames, que vous teniez un pareil langage en France, dans le seul pays de la terre où vous jouissez d'une liberté sans bornes, tandis que Vous êtes esclaves presque partout ailleurs! En vérité, vous êtes insatiables de liberté et d'indépendance! Et il est bien clair que si nous vous cédons encore du terrain, nous ne saurons plus où nous mettre, et qu'il ne nous restera pas même une ligne pour y marcher à côté de vous, Eh de quoi pouvez-vous vous plaindre de bonne foi? Nous vous appelons constamment, depuis l'origine de la poésie en France, la plus belle moitié du genre

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