HISTOIRE PARLEMENTAIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, ου JOURNAL DES ASSEMBLÉES NATIONALES DEPUIS 1789 JUSQU'EN 1815. DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, OU JOURNAL DES ASSEMBLÉES NATIONALES, DEPUIS 1789 JUSQU'EN 1815, CONTENANT La Narration des événemens; les Débats des Assemblées; les Discussions des PAR B.-J.-B. BUCHEZ ET P.-C. ROUX. TOME SIXIÈME. PARIS. PAULIN, LIBRAIRE, PLACE DE LA BOURSE, No 31. M DCCC XXXIV. 0000 A l'époque où nous sommes parvenus, l'assemblée nationale possède complètement l'autorité souveraine. Elle n'a plus d'opposition à craindre, elle est maîtresse de la révolution; elle peut tout ce qu'elle veut. Pour→ quoi donc ne sort-elle pas d'un système qui n'a plus ni dignité ni valeur dès qu'il cesse d'être une tactique d'opposition contre des priviléges oppresseurs; pourquoi au lieu de se précautionner toujours contre le gouvernement, ne pas s'occuper tout de suite de constituer un pouvoir dont la nation n'ait rien à redouter, et des services seulement à recevoir ? L'assemblée nationale était en demeure de tout créer : jamais position si favorable ne s'était encore rencontrée; et si elle eût agi comme elle était appelée, le fardeau d'un demi-siècle de désastres et de malheurs eût été ôté à la France et à l'Europe! elle manqua à sa mission, elle devait y manquer, parce qu'en majorité elle était imbue d'une fausse doctrine : et elle se laissa tromper et corrompre parce qu'elle ignorait la vraie doctrine. La majorité des membres de la constituante était uniquement préoccupée de la doctrine du droit naturel. Comment avec un tel principe devant les yeux, pouvait-elle apercevoir qu'il y avait autre chose à constituer que le temps présent, autre chose qu'à éloigner le mal qui pesait hier sur les chairs actuellement vivantes et à en prévenir le retour; mais que de plus il fallait organiser la société en vue des efforts que commandait le but à venir qu'elle devait atteindre; qu'il fallait constituer le progrès comme principe et comme moyen de gouvernement. De telles pensées étaient impossibles à concevoir, au point de vue du droit naturel; car la plus générale conclusion pratique de celui-ci, c'est que le meilleur gouvernement est celui qui assiste en spectateur impassible à l'agitation des intérêts individuels, les protégeant tous contre tous, et n'en ayant lui-même aucun, pas même celui de la prévoyance. L'assemblée nationale a donc enfermé nos destinées dans un cercle fatal, dans lequel nous tournons depuis 45 ans. L'assemblée nationale ne connaissait pas la vraie doctrine, celle d'où l'on peut déduire un but d'activité pour les nations et pour les individus. En vérité, on a le cœur navré quand on voit qu'il suffisait d'étendre la main, d'ouvrir les yeux pour saisir la planche de salut. On s'indigne contre ce haut clergé, qui avait sali de tant d'impuretés le christianisme, qu'il en était couvert et caché : on se prend à maudire ces ministres qui avaient fait une église à leur image, servile, impie, simoniaque à ce point que tous les hommes généreux en détournaient les regards. Le plus grand nombre de ces hommes se réfugia dans la doctrine de la souveraineté du peuple; mais, on n'avait alors défini ni le mot de souverai |