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Bataille de Preussich-Eylau.

AVANT de juger, d'après un récit aussi
fidèle qu'on le puisse déduire des docu-
mens authentiques et des faits avérés,
quelle part eurent le génie, le courage et
la fortune aux résultats d'une grande bataille,
il n'est pas inutile d'examiner les motifs
qui déterminèrent les généraux comman-
dant chacune des deux armées à la donner
ou à la recevoir; cette recherche est l'une des
plus instructives que puisse offrir l'histoire
des
guerres.

On a vu dans le chapitre précédent com

ment le général Benningsen, ayant fort habilement dérobé à l'empereur Napoléon le rassemblement et les marches de flanc de l'armée russe, avait, après sa jonction avec le corps prussien, repris l'offensive; il avait surpris l'aile gauche de l'armée fra nçaise dans ses quartiers d'hiver; il espérait la couper, ou du moins la jeter au-delà de la Vistule, dégager Dantzick, passer le fleuve, et rappeler l'armée française dans la Prusse occidentale en y transportant le théâtre de la guerre. Mais au milieu de cette hasardeuse opération, surpris lui-même par la promptitude du rassemblement, et la rapidité des marches de l'armée française, il se trouva tout à coup réduit à la défensive dans une position inverse, toute semblable à celle dans laquelle il avait cru placer son adversaire. Son aile droite allait être coupée et détruite, si le hasard ne lui avait livré le secret des manœuvres de Napoléon; et son aile gauche déjà tournée n'avait aucun appui. Au lieu de dégager le grand dépôt de Dantzick, où il aurait trouvé des renforts et les ressour

ces de la navigation, c'était maintenant Königsberg qu'il fallait couvrir; au lieu de passer triomphalement la Vistule, il lui fallait assurer sa retraite au-delà de la Pregel. Benningsen n'avait d'autre moyen d'atteindre ce but que de concentrer ses forces en rétrogradant sur la seule direction de Königsberg, de soutenir vigoureusement ses arrière - gardes, et d'éviter une action générale jusqu'à ce que ses deux ailes rapprochées du centre pussent y prendre part. C'est ce qu'il fit très-sagement et en fort bon ordre, conservant ses distances par des marches de nuit, feignant chaque jour de prendre une position de bataille, et n'y compromettant que ses arrière-gardes pour retarder à tout prix les mouvemens des colonnes françaises. Plus le point de convergence était éloigné, plus il avait de chances pour la concentration de toutes ses forces: toutefois ce point ne pouvait être fixé plus loin que Preussich-Eybau, qui n'est plus qu'à une marche, huit à neuf lieues, de Königsberg. Si le général

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russe refusait encore la bataille, il était débordé, attaqué par son flanc gauche pendant la dernière marche qui lui restât à faire, et vraisemblablement coupé de la Pregel. Tels furent pour le général Benningsen les motifs d'accepter la bataille que lui présentait depuis trois jours l'empereur Napoléon.

Ces motifs indiquent assez ceux du général francais: celui-ci avait considéré la retraite de l'armée russe après la bataille de Pułtusk et de Golymin, sur la Haute-Narew et jusqu'à l'extrême frontière, comme une suspension d'hostilités, que la rigueur de la saison et l'inutilité d'une guerre de postes sans objet, dans les forêts et les boues de cette misérable contrée, rendaient également nécessaire aux deux partis. L'entrée en quartiers d'hiver était une sorte d'accep tation de cette trève évidemment avantageuse à l'armée française, fatiguée par trois mois de marches et de combats; mais dès que les alliés, redoutant avec raison l'immense accroissement de forces et de res

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