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étoient logés en ladite ville de Pierrepont, furent les nouvelles portées de leur assemblée à messire Jean de Luxembourg, qui étoit à son siége devant Araines; lequel premièrement prit conseil avecque plusieurs mille combattants, pour aller au-devant desdits Dauphinois. Desquels, de la partie dudit de Luxembourg, furent les principaux messire Hue de Launoi, maître des arbalêtriers de France; messire Raoul Bouteillier, anglois; le Borgne de Fosseux, chevalier; le seigneur de Saveuse, avecque autres experts hommes d'armes, lesquels allèrent gésir à Coucy ; et le lendemain très matin chevauchèrent à Moreul. Auquel lieu ouïrent certaines nouvelles que les Dauphinois leurs ennemis étoient encore en la ville de Pierrepont; pourquoi, chevauchant en moult belle ordonnance, se hâtèrent pour les trouver; mais les dessusdits Dauphinois, qui jà étoient avertis de la venue de leurs ennemis, montèrent à cheval; et tous ensemble, après qu'ils eurent bouté les feux en leurs logis, s'allèrent mettre en bataille dessus la ville, vers Mont-Didier. Et adonc les Bourguignons et Anglois, au plus tôt qu'ils purent, passèrent la ville pour suivre leurs ennemis, nonobstant la chaleur du feu, qui moult les empêcha; et comme les autres, se mirent en bataille contre les Dauphinois. Et furent en cette même place faits plusieurs nouveaux chevaliers de la partie de Bourgogne, c'est à savoir le Bègue de Launoi, Antoine de Rubempré, Jacques de Brimeu, Robert Fretel, Gille

de Hardecourt, Mathieu de Landas, Philippe du Bos, Jean de Beauvoir, Waleran de Frèses, Tramet de la Tramerie, et plusieurs autres. Et entre temps, y eut entre les deux parties plusieurs escarmouches, et hommes d'armes d'un côté et d'autre portés à terre, et les aucuns terriblement navrés et occis. Toutefois, durant les choses dessusdites, les Bourguignons et Anglois étant à pied, se départirent les Dauphinois tous à cheval en bonne ordonnance, mettant derrière eux de leurs meilleurs gens, par manière d'arrière-garde, et prirent leur chemin vers Compiégne.

Et adonc lesdits Bourguignons et Anglois, voyant leur partement, envoyèrent après eux le seigneur de Saveuse, atout certain nombre de gens d'armes, pour les poursuivir et faire arrêter; et les autres capitaines, tous en bataille, les suivoient vigoureusement. Nonobstant ce, s'en allèrent lesdits Dauphinois atteints de peur, et eschcvèrent (évitèrent) la bataille sans grand' perte, sinon de sept à huit de leurs gens ou environ, qui, de première venue, furent mis à mort. Entre lesquels en fut un vaillant homme d'armes, nommé Brunet de Gamache; et retournèrent à Compiégne. Et de la partie de Bourgogne y fut mort un vieil haulsert, nommé le Breton d'Ailly, qui en très long temps par avant ne s'étoit entremis de guerre, et avec lui aucuns autres en petit nombre. Après lesquelles besognes retournèrent les dessusdits Bourguignons et Anglois loger à Mareuil et autres villages, et de CHRONIQUES DE MONSTRELET. T. IV.

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là au siége d'Araines devers messire Jean de Luxembourg; et bref ensuivant les assiégés desdites forteresses d'Araines, qui jà étoient avertis de leur secours, non ayant, espérance de plus en avoir, commencèrent à parlementer pour traiter; et en la fin, de chacune partie fut accordé, par condition qu'ils rendroient les deux forteresses en la main de messire Jean de Luxembourg, et s'en partiroient, saufs leurs corps et leurs biens, garnis de bons saufsconduits, pour aller à Compiègne, au Crotoy, Gamache, St-Valery, et autres lieux de leur obéissance, depuis Seine jusques au Crotoy et étoient environ cent hommes d'armes et cent archers, desquels étoient les principaux messire Coquart de Cambronne, et un nommé Jean Sarpe, qui, ce conclu, rendirent les deux forteresses très bien garnies de vivres et habillements de guerre, audit de Luxembourg; lequel fit tantôt abattre l'un desdits châteaux, c'est à savoir celui de la dame d'Araines, et l'autre il pourvut de nouvelle garnison de ses gens, et en fit capitaine messire Jacques de Lievin. Et après que les dessusdits Dauphinois furent de là partis, ledit de Luxembourg atout son ost, retourna en son châtel de Beaurevoir, puis donna congé à ses capitaines et à autres, qui avoient été avec lui; et assez tôt après messire Jacques de Harcourt et ses gens allèrent courre jusques à Auxy sur la riviere d'Authie, et en plusieurs autres lieux et villes, desquelles ils ramenèrent au Crotoy plusieurs prisonniers et autres proies.

CHAPITRE CCLXIX.

Comment Henri, roi d'Angleterre, eut l'obéissance du marché de Meaux; et des exécutions qui furent faites à ceux de dedans, par ledit roi.

EN après, le roi Henri d'Angleterre, qui, à grand labeur et diligence, avoit continué son siége, et encore continuoit devant le marché, et astreint les assiégés par telle manière, que grand' partie de leurs murs étoient tous crevantés et dérompus en divers lieux, les fit un certain jour sommer qu'ils se rendissent franchement en la volonté du roi de France et de lui, ou si ce ne faisoient les feroit assaillir. A laquelle sommation ne voulurent pour cette fois entendre aucunement; mais dirent qu'il n'étoit pas encore heure d'eux rendre ; et pour tant le dessusdit roi fit commencer l'assaut très puissamment, lequel dura de sept à huit heures moult cruel et ensanglanté; et y furent, tant d'un côté comme d'autre, moult d'hommes navrés et occis. Mais, nonobstant que lesdits assiégés fussent fort travaillés de résister à la puissance desdits Anglois, qui moult étoit grande, néanmoins se défendirent moult vaillamment; et combattirent tant, qu'ils n'avoient dedans ledit marché de lances, sinon en petit nombre, que toutes n'eussent été rompues

aux défenses dessusdites; mais, au lieu desdites lances, combattirent, par longue espace, de hastiers (broches) de fer, et tant continuèrent que pour cette fois reboutèrent iceux Anglois hors de leurs fossés, dont grandement furent réjouis. Et entre les autres desdits défendeurs se porta moult prudentement Guichard Chisay, et tant, que, pour sa vaillance, et prudence, le roi d'Angleterre, après la reddition d'icelle ville, lui fit offrir grands biens s'il vouloit tenir son parti, et faire serment à lui, ce que point ne voulut consentir, mais demeura Dauphinois.

Si furent faits à l'assaut dessusdit plusieurs chevaliers nouveaux de la partie des Anglois, entre lesquels le furent Jean Guigny, Savoisien, et le bâtard de Thien, qui autrefois, comme dit est en autre lieu, avoit été grand capitaine, avec les régents des compagnies, sous le duc Jean de Bourpogne. Et d'autre partie, étoient avec ledit roi d'Angleterre à icelui siége les seigneurs de Châtillon et de Genly, avec plusieurs autres nobles hommes des marches de France. Et de première venue que le siége y fut mis, jusques au derrain que les assiégés n'eurent plus espérance d'avoir secours, tant de nuit comme de jour, dirent moult d'injures et de paroles vilaines auxdits assiégeants. Et, entre les autres choses, mirent sur les murs de la ville un âne, lequel par force de coups ils faisoient braire en eux moquant desdits Anglois, en disant que c'étoit Henri leur roi, et qu'ils le vinssent secourir ;

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