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Thien et autres capitaines, lesquels hâtivement avoient été envoyés de Paris pour secourir ladite cité. Et comme il fut estimé par gens à ce connoissant, pouvoit avoir ledit dauphin, en sa compagnie, de six à sept mille harnois de jambes, quatre mille arbalêtriers et six mille archers : et ainsi fut mandé au roi d'Angleterre, par ceux qui les avoient vus. Si commencèrent iceux Dauphinois à dresser plusieurs engins contre les portes et murailles d'icelle ville, dont elle fut aucunement travaillée; mais pour tant que ceux de dedans étoient assez acertenés qu'ils auroient bref secours par ledit roi Henri d'Angleterre, n'étoient pas en si grand souci pour les besognes et approches dessusdites.

CHAPITRE CCLII.

Comment le roi d'Angleterre se tira de Calais par Abbeville à Beauvais, et depuis à Mantes, où alla devers lui le duc de Bourgogne.

que

APRÈS le dessusdit roi d'Angleterre eut par aucuns jours ordonné ses besognes à Calais, il se partit assez en hâte, pource que derechef les Parisiens et son oncle d'Excestre le hâtoient, afin de secourir ladite ville de Chartres. Et prit son chemin vers la mer, et alla à Montreuil loger en l'hôtel de la couronne; et ses gens, en la plus grand' partie, se logèrent sur le plat pays, autour de la

dite ville, en laquelle étoit venu, un jour devant, Philippe, duc de Bourgogne, pour être à l'encontre du roi. Et pour tant qu'il étoit occupé de maladie el fièvres, ne monta-t-il pas à cheval pour aller à l'encontre d'icelui roi,mais y envoya messire Jean de Luxembourg et sa chevalerie, pour lui humblement excuser de non y être allé. Et après la venue du roi, séjournèrent trois jours en icelle ville, pour parler ensemble et avoir conseil sur leurs af faires. Et eux de là partant ensemble, c'est à savoir le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne, allèrent loger au Vast, en Ponthieu ; et au passer parmi Montenay, fit le roi anglois ardoir la tour, maison et moulin de messire Jacques de Harcourt. Et pource que ledit roi vouloit passer l'eau de Somme par la ville d'Abbeville, se partit ledit duc de Bourgogne, et alla audit lieu d'Abbeville traiter et tant faire qu'icelui roi y put passer: laquelle chose lui fut octroyée assez ennuis (avec peine) mais ledit duc leur promit que tous les dépens seroient payés plénièrement.

Et entre temps le roi s'occupa à chasser avecque ses princes en la forêt de Crespy; et le jour ensuivant alla loger à Saint-Riquier, emprès laquelle ville étoit une forte forteresse nommée la Ferté, où, il y avoit environ soixante combattants des gens de messire Jacques de Harcourt, de laquelle en étoit capitaine le bâtard de Bellay, qui par sommation à lui faite suffisamment, rendit ladite forteresse. Et y fut mis de par le roi et le duc Bourgogne un gen

tilhomine du pays, nommé Nicaise de Boufflers, lequel la rendit bref après ensuivant en la main des Dauphinois, comme dessus. Et outre, dudit lieu de Saint-Riquier, chevaucha le roi anglois à Abbeville; et là fut recu bonorablement par le pourchas et diligence dudit duc de Bourgogne, et lui furent faits en icelle ville de moult beaux présents. Et avecque ce passèrent paisiblement toutes ses gens avec ses chars, charrettes et autres bagues; et le lendemain, après que tous les dépens furent payés, se mit ledit roi au chemin avecque tout son ost, et congédia le duc de Bourgogne, par condition qu'il lui promît de retourner vers lui assez bref atout son armée. Et chevaucha par Beauvais, Gisors, et de là au bois de Vincennes, où étoient le roi de France et la reine sa femme, lesquels il salua honorablement ; et pareillement fut d'eux reçu à grand' joie. Et là vinrent devers lui son oncle le duc d'Excestre et plusieurs autres des gouverneurs et conseillers du roi de France, avecque lesquels furent tenus plusieurs grands conseils sur les affaires du royaume.

Entre lesquels fut ordonné que les florettes, c'est à savoir la monnoie du roi qui avoit cours pour seize deniers, seroient mises et rabaissées à trois deniers. Si fut tantôt ce publié par tout le royaume, ès bailliages et sénéchaussées. Pour lequel rabaissement le commun de Paris et d'autres lieux, commencèrent fort à murmurer contre lesdits gouverneurs du royaume, mais autre ne le

de

purent avoir. Et encore, qui leur tourna à plus grand déplaisir et dommage, furent bref ensuivant remises de quatre à deux et après, icelui roi d'Angleterre assembla grand' puissance de gens d'armes au pays de France, atout lesquels et ceux qu'il avoit amenés d'Angleterre, se tira à Mantes pour aller combattre le dauphin, qui jà avoit été trois semaines devant Chartres. Et manda le duc de Bourgogne qu'il allât devers lui atout ce qu'il pourroit finer gens d'armes pour être à la journée. Lequel duc se prépara hâtivement d'y aller, et se tira atout bien trois mille combattants en la ville d'Amiens, et au pays à l'environ; et de là par. Beauvais à Gisors se tira vers ladite ville de Mantes.. Si laissa ses gens en un gros village, et alla à privée mesgnie (suite) audit lieu de Mantes, devers ledit roi d'Angleterre, qui de sa venue et bonne diligence fut très content; mais entre temps le dessusdit dauphin, et ceux qui étoient avec lui, avertis de la puissance et assemblée dessusdite, se partirent de devant Chartres, et se retrahirent vers Tours en Touraine. Et pour tant, après ce que le duc de Bourgogne ent aucun parlement avec ledit roi, lui fut ordonné de retourner en Picardie pour subjuguer les Dauphinois, qui chacun jour s'efforçoient de faire plusieurs maux audit pays, par le moyen de messire Jacques.

d'Harcourt.

CHRONIQUES DE MONSTRELET. T. IV.

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CHAPITRE CCLIII.

Comment le seigneur d'Offemont entra dedans Saint-Riquier; l'aventure du seigneur de Cohen, capitaine d'Abbeville, et autres besognes faites en ce temps.

EN après, durant le voyage que fit le duc de Bourgogne devers le roi d'Angleterre, comme vous avez ouï, assemblèrent le seigneur d'Offemont et Pothon de Sainte-Treille, environ douze cents chevaux, atout lesquels, par Vimeu, allèrent passer la rivière de Somme à la Blanche-Tache ; et de là avec messire Jacques de Harcourt, qui vint au-devant d'eux, allèrent à Saint-Riquier. Auquel lieu, par le moyen dudit messire Jacques de Harcourt, leur fut faite ouverture, et se logèrent tous dedans ladite ville; et avec ce traitèrent avec Nicaise de Boufflers, qui étoit dedans la forteresse de la Ferté, par condition qu'elle leur fût rendue et délivrée ; et pareillement obtinrent l'entrée du châtel de Durgy, appartenant à l'abbé de Saint-Riquier; et après qu'ils furent logés, comme dit est, commencèrent à courre et envahir tout le pays à l'environ. Et même allèrent sur l'eau de Cauche en un grand village nommé Conchy, auquel lieu ils embrasèrent et mirent en feu de fond en comble une très belle église, dedans laquelle s'étoient retraits avec au

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