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jours de samedi ou de fête, et tînt chacun un cierge ardent en sa main, en disant à haute voix qu'ils avoient occis mauvaisement, faussement, damnablement et par envie, le duc de Bourgogne, sans cause raisonnable quelconque; et, ce fait, fussent menés où ils perpétrèrent ledit homicide: c'est à savoir, à Montereau où faut Yonne, et là dissent et répétassent lesdites paroles. En outre, au lieu où ils l'occirent fût faite et édifiée une église ; et là fussent ordonnés douze chanoines, six chapelains et six clercs, pour y perdurablement faire le divin office; et fussent pourvus de tous ornements sacrés, de tables, de livres, de calices, de nappes et de tous autres choses nécessaires et requises; et fussent les douze chanoines fondés chacun de deux cents livres parisis, les chapelains de cent et les clercs de cinquante, monnoie dite, aux dépens dudit dauphin et de ses complices. Et aussi que la cause pourquoi seroit faite ladite église fût écrite de grosses lettres entaillées en pierre au portail d'icelle; et pareillement en chacune des villes qui s'ensuivent : c'est à savoir, à Paris, à Rome, à Gand, à Dijon, à Saint-Jacques de Compostelle et en Jérusalem, où Notre-Seigneur souffrit mort et passion.

Après laquelle proposition fut proposé derechef par maître Pierre de Marigny, avocat du roi en parlement, preuant conclusions criminelles contre les dessusdits homicides.

En outre, maître Jean l'Archer, docteur en

théologie, dénommé de par le recteur de l'université de Paris, proposa aussi moult bien et authentiquement devant les deux rois, à Paris, en eux exhortant qu'ils fissent justice et punissent les coupables des crimes. Et déclara moult de termes, autorités. Et dignité de justice, en enhortant, comme dit est, en moult de manières lesdits rois, qu'ils écoutassent bénignement, et entendissent aux requêtes et prières dudit duc, et qu'icelles requêtes voulsissent mettre à effet. Après lesquelles propositions, fut répondu, de par le roi de France, par la bouche de son chancelier, que de la mort du duc de Bourgogne, de ceux qui si cruellement l'avoient occis, et des requêtes contre eux présentement faites de par ledit duc, il leur feroit, par la grâce de Dieu et la bonne aide et avis de son frère Henri, roi d'Angleterre, régent de France et héritier, bon accomplissement de justice de toutes les choses dites et proposées, sans faillir. Et ce fait, les deux rois et tous les autres retournèrent chacun en leur hôtel.

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CHRONIQUES DE MONSTRELET. T. IV.

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CHAPITRE CCXLI.

Comment les Anglois furent détroussés vers Mont-Épiloy; du mariage du marquis du Pont à la fille de Lorraine; et ce que faisoit messire Jacques de Harcourt

EN après, durant les besognes dessusdites, les Anglois de Gournay en Normandie, de Neuf-Châtel, d'Incourt, et autres de la frontière, avec eux messire Mauroy de Saint-Léger, qui se tenoit à Creil, s'assemblèrent environ cinq cents combattants, et allèrent courre en Brie, en Valois, et autres lieux à l'environ, où ils prirent plusieurs hommes et ramenèrent grands proies. Mais à leur retour furent rencontrés du seigneur de Gamache, qui se tenoit à Compiégne, et autres Dauphinois, des garnisons du pays, lesquels leur recouirent vers Mont-Épiloy, tout ce qu'ils avoient chargé, et en tuèrent bien soixante, sans ceux qui furent pris; et les autres se sauvèrent par fuite; auquel rencontre se conduisit très vaillamment ledit seigneur de Gamache.

Et en ces propres jours fut fait le mariage de Regnier (René) d'Anjou, frère du roi de Sicile, marquis du Pont; dont, par le don du cardinal de Bar, son oncle, et de la fille et héritière du duc de Lorraine, furent les noces faites réalement au

châtel de Nancy-le-Duc. Par le moyen de laquelle alliance fut apaisée la grand' discorde qui par long temps avoit été entre les deux duchés, c'est à savoir de Bar et de Lorraine, car dès lors et paravant le dessusdit cardinal de Bar avoit déclaré icelui Regnier (René) d'Anjou, son vrai hoir, et héritier de la duché de Bar; laquelle chose moult déplaisoit au duc des Mons, qui pareillement étoit neveu audit cardinal, fils de sa sœur ; mais autre ne le pouvoit avoir.

Et d'autre partie, messire Jacques de Harcourt, qui encore feignoit tenir le parti du duc de Bourgogne, tenoit grosse garnison au Crotoy, et faisoit forte guerre par mer et par terre, dont le roi d'Angleterre, qui en étoit averti, n'étoit pas bien content; et étoient complices avec ledit messire Jacques, le seigneur de Rambures, messire Louis de Thienbronne, et son frère Guichard, messire Coquard de Cambronne, les deux frères de Hersellames, les enfants de Chaumont, et autres plusieurs gentilshommes et gens de guerre du pays.

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Comment plusieurs ambassadeurs, de par les trois états du royaume de France, vinrent à Paris; des états que tinrent les rois; et autres matières.

EN ces mêmes jours vinrent à Paris plusieurs ambassadeurs et commis, de par les trois états du royaume de France, par avant mandés, comme dit est dessus; avec lesquels, et en leur absence, furent tenus plusieurs conseils touchant le gouvernement et bien public dudit royaume. En la fin desquels furent les gabelles, impositions, quatrièmes et autres subsides remises sus, reservé les grains.

En après, la fête de Noël venue, tinrent les deux rois, et les reines leurs femmes, leurs états dedans Paris, c'est à savoir le roi de France, en son hôtel de Saint - Pol, et le roi d'Angleterre au Louvre. Lesquels états furent bien différents l'un à l'autre, car le roi de France étoit petitement et pauvrement servi et accompagné, au regard du noble et puissant état qu'il souloit (avoit coutume) avoir; et à peu cedit jour fut visité ni accompagné, sinon d'aucuns vieux serviteurs et des gens de petit état laquelle chose moult devoit déplaire à tous les cœurs des vrais François là étant, voyant ce

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