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les cieux, les métaux aux verres, et la réflexion de la lumiere à la réfraction. La Chymie, qui auparavant étoit presque isolée, s'unit aux autres sciences. On l'applique à la fois à la physique, à l'histoire naturelle et à la médecine. La circulation du sang découverte par Harvey, embrassée et défendue par DESCARTES, devient la source d'une foule de vérités. Le mécanisme du corps humain est étudié avec plus de zele et de succès. On découvre des vaisseaux inconnus et de nouveaux réservoirs. Borelli tente d'assujettir au calcul géométrique les mouvements des animaux. Leuwenhoek, le microscope à la main surprend ces atômes vivants qui semblent être les éléments de la vie de l'homme. Ruisch perfectionne l'art de donner par des injections une nouvelle vie à ce qui est mort. Malpighi transporte l'anatomie aux plantes, et remplit un projet que DESCARTES n'avoit pas eu le temps d'exécuter. Son génie respire encore après lui dans la métaphysique. C'est lui qui, dans Mallebranche, démêle les erreurs de l'imagination et des sens. C'est lui qui, dans Locke, combat et détruit les idées innées, fait l'analyse de l'esprit humain, et pose d'une main hardie les limites de la raison. C'est lui qui, de nos jours, a attaqué et renversé les systêmes (32) Son influence ne s'est point bornée à la philosophie. Semblable à cette ame universelle des Stoïciens..

l'esprit de DESCARTES est par-tout. On l'a appliqué aux lettres et aux arts, comme aux sciences. Si dans tous les genres on va saisir les premiers principes; si la métaphysique des astres est créée; si on a cherché dans des idées invariables, les regles du goût pour tous les pays et pour tous les siecles; si on a secoué cette superstition qui jugeoit mal, parce qu'elle admiroit trop, et donnoit des entraves au génie en resserrant trop sa sphere; si on examine et discute toutes nos connoissances; si l'esprit s'agite pour reculer toutes les bornes; si on veut savoir sur tous les objets le degré de vérité qui appartient à l'homme; c'est là l'ouvrage de DESCARTES. L'astronome, le géometre, le métaphysicien, le grammairien, le moraliste, l'orateur, le politique, le poëte, tous ont une portion de cet esprit qui les anime. Il a guidé également Pascal et Corneille, Locke et Bourdaloue, Newton et Montesquieu. Telle est la trace profonde et l'empreinte marquée de l'homme de génie sur l'univers. Il n'existe qu'un moment; mais cette existence est employée toute entiere à quelque grande opération, qui change la direction des choses pour plusieurs siecles (33).

Arrêtons-nous maintenant sur celui à qui le genre humain a eu tant d'obligations, et à qui la derniere postérité sera

encore

encore redevable. Quels honneurs lui a-t-on rendus de son vivant? Quelles statues lui furent élevées dans sa patrie? Quels hommages a-t-il reçus des nations?.......... Que parlons-nous d'hommages, et de statues et d'honneurs? Oublions-nous qu'il s'agit d'un grand homme? Oublions-nous qu'il a vécu parmi des hommes? Parlons plutôt et des persécutions, et de la haine, et des tourments de l'envie, et des noirceurs: de la calomnie, et de tout ce qui a été et sera éternellement le partage de l'homme qui aura le malheur de s'élever au dessus. de son siecle. DESCARTES l'avoit prévu. Il connoissoit trop les hommes pour ne les pas craindre. Il avoit été averti par l'exemple de Galilée. Il avoit vu dans la personne de ce vieillard, la vérité en cheveux blancs chargée de fers, et traînée indignement dans les prisons (34). La coupe de Socrate, les chaînes d'Anaxagore, la fuite et l'empoisonnement d'Aristote, les malheurs d'Héraclite, les calomnies insensées contre Gerbert, les gémissements plaintifs de Roger Bacon sous les voûtes d'un cachot, l'orage excité contre Ramus, et les poignards qui l'assassinerent (35), les bûchers allumés en cent lieux, pour consumer des malheureux qui ne pensoient pas comme leurs concitoyens; tant d'autres qui avoient été errants et proscrits sur la terre, sans asyle et sans protecteurs, emportant avec eux, de pays en pays, la vérité fugi

tive et bannie du monde, tout l'avertissoit du danger qui le menaçoit; tout lui crioit que le dernier des crimes que l'on pardonne, est celui d'annoncer des vérités nouvelles. Mais la vérité n'est point à l'homme qui la conçoit, elle appartient à l'univers, et cherche à s'y répandre. DESCARTES crut même qu'il en devoit compte au Dieu qui la lui donnoit. Il se dévoua donc (36); ́et grace aux passions humaines, il ne tarda point à recueillir les fruits de sa résolution.

Il y avoit alors en Hollande un de ces hommes qui sont offusqués de tout ce qui est grand; qui, aux vues étroites de la médiocrité, joignent toutes les hauteurs du despotisme; insultent à ce qu'ils ne comprennent pas; couvrent leur foiblesse par leur audace; et leur bassesse par leur orgueil; intriguants fanatiques, pieux calomniateurs, qui prononcent sans cesse le mot de Dieu et l'outragent; n'affectent de la religion que pour nuire, ne font servir le glaive des loix qu'à assassiner; ont assez de crédit pour inspirer des fureurs subalternes; especes de monstres nés pour persécuter et pour hair, comme le tigre est né pour dévorer. Ce fut un de ces hommes qui s'éleva contre DESCARTES (37). Il ne seroit peutêtre pas inutile à l'histoire de l'esprit humain et des passions, de peindre toutes les intrigues et la marche de ce persécuteur; de le faire voir, du moment qu'il conçut le dessein de perdre DESCARTES, travail

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lant d'abord sourdement et en silence, se-
mant dans les esprits des idées et des soup-
çons vagues d'athéisme; nourrissant ces
soupçons par des libelles et des noirceurs
anonymes; suivant de l'oeil et sans se dé-
couvrir les progrès de la fermentation
générale; au moment d'éclater, briguant
la premiere place de son corps, afin de pou-
voir joindre l'autorité à la haine; alors
marchant à découvert, armant contre
DESCARTES et le peuple et les magistrats
et les fureurs sacrées des ministres; le pei-
gnant à tous les yeux comme un athée
qui commençoit par briser les autels, et
finiroit par bouleverser l'état; invoquant à
grands cris la religion et les loix. Il faudroit
raconter comment ce grand homme fut cité
au son de la cloche, et sur le point d'être
traîné comme un vil criminel; comment
ensuite, pour lui ôter même la ressource
de se justifier, on travailla à le condamner
en silence, et sans qu'il en pût être averti;
comment son affreux persécuteur, s'il ne
pouvoit le perdre tout-à-fait, vouloit du
moins le faire proscrire de la Hollande
vouloit faire consumer dans les flammes ces
livres d'un athée, où l'athéisme est conf-
battu ; comment il avoit déjà transigé avec
le bourreau d'Utrecht, pour qu'on allumât
un feu d'une hauteur extraordinaire, afin
de mieux frapper les yeux du peuple. Le
barbare eût voulu que la flamme du bûcher
put être apperçue en même temps, de

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