Imágenes de página
PDF
ePub

le duc de Milan, ledit mareschal, le president de Gannay et moy, afin qu'il voulut venir devers ledit seigneur, pour parler à luy: et luy dismes plusieurs raisons pour le faire venir: et que cela seroit la vraye confirmation de la paix. Il nous dit plusieurs raisons au contraire et s'excusa sur aucunes paroles que monseigneur de Ligny avoit dites (c'est à sçavoir qu'on le devoit prendre quand il fut devers le Roy à Pavie) et sur d'autres paroles, qu'avoit dites le cardinal de Sainct-Malo, qui avoit tout le credit avec le Roy. Il est bien vray que plusieurs folles paroles avoient esté dites. De qui que ce fut, je ne sçay: mais pour lors, le Roy avoit envie d'estre son amy. Il estoit en un lieu appellé Bolie: et vouloit bien parler, une barriere entre deux et une riviere. Quand le Roy eut sceu cette response, il tira à Quiers, où il n'arresta qu'une nuict ou deux : et prit son chemin pour passer les monts, et me renvoya à Venise, et d'autres à Genes, pour armer ces deux naves, que ledit duc devoit prester: mais de tout ne fit rien, et leur laissa faire grande despense et grand apprest, et puis les garda de partir: et au contraire, il en envoya deux contre nous, en lieu de tenir promesse.

CHAPITRE XIX.

Comment le Roy renvoya le seigneur d'Argenton ù Venise, pour les conditions de la paix : lesquelles refuserent les Venitiens, et des tromperies du duc de Milan.

MA charge estoit à Venise, de sçavoir s'ils voudroient accepter cette paix, et passer trois articles. Le premier, rendre Monopoli, qu'ils avoient pris pour nous. L'autre de retirer le marquis de Mantoüe, et autres qu'ils avoient au royaume de Naples, du service du roy Ferrand. Le tiers, qu'ils declarassent que le roy Ferrand n'estoit de la ligue, qu'ils avoient faite de nouveau : où estoit nommé seulement le Pape, le roy des Romains, le roy d'Espagne, et le duc de Milan. Quand j'arrivay audit lieu de Venise, ils me recueillirent honorablement mais non point tant qu'ils avoient fait au premier coup: aussi nous estions en inimitié declarée, et la premiere fois, nous estions en paix. Je dis ma charge au duc de Venise: et il me dit que je fusse le trés-bien venu, et que de brief il me feroit response, et qu'il se conseilleroit avec son

senat.

Par trois jours ils firent processions generales, grandes aumosnes, et sermons publics, prians nostre Seigneur qu'il leur donnast grace de prendre bon conseil: et me fut dit que souvent le font en cas semblable. Et à la verité, ce me semble la plus reverente

:

cité que j'aye jamais veuë aux choses ecclesiastiques, et qui ont leurs eglises mieux parées et accoustrées : et en cela je les tiens assez égaux aux Romains: et croy que la grandeur de la seigneurie vient de-là, qui est digne d'augmenter plus que d'appetisser. Pour conclusion de mon affaire, j'attendis quinze jours, avant qu'avoir response: qui fut de refus de toutes mes demandes: disans n'avoir aucune guerre avec le Roy, et que ce qu'ils avoient fait, estoit pour aider à leur allié le duc de Milan, que le Roy vouloit destruire si firent parler à part avec moy le duc, qui m'offroit bon appointement : qui fut que le roy Ferrand feroit hommage au Roy du royaume de Naples, et du consentement du Pape, et qu'il payeroit cinquante mille ducats l'an de cens, et quelque somme comptant, et qu'ils la presteroient: et entendoient, moyennant ce prest, avoir entre leurs mains les places qu'ils ont en la Poüille, comme Brandis Otrante, Trani, et autres: et aussi bailleroit ledit dom Ferrand, ou laisseroit au Roy, quelque place au quartier de la Poüille, pour seureté et vouloient dire Tarente, que le Roy tenoit encores: et en eut baillé une ou deux davantage : et s'offroient de les bailler de ce costé-là, parce que c'estoit le plus loin de nous: mais ils se couvroient en ce que c'estoit en lieu pour servir contre le Turc, dont le Roy avoit fort parlé quand il entra en Italie, disant qu'à cette fin il faisoit cette entreprise, et pour en estre plus prés, qui fut une trés-meschante invention : car c'estoit mensonge: et l'on ne sçauroit celer à Dieu les pensées. Outre, m'offroit ledit duc de Venise, que si ledit Roy vouloit entrependre contre le Turc, qu'il auroit assez

des places que je dis, et que toute l'Italie y contribueroit: et que le roy des Romains feroit la guerre de son costé aussi; et que le Roy et eux tiendroient toute l'Italie; et que nul ne contrediroit à ce qu'ils en ordonneroient: et que pour leur part, serviroient le Roy avec cent galées à leurs despens, et de cinq mille chevaux par terre.

Je pris congé dudit duc et seigneurie, disant que j'en ferois le rapport au Roy. Je revins à Milan, et trouvay le duc de Milan à Vigesve, où estoit un maistre-d'hostel du Roy appellé Rigault Doreilles, ambassadeur pour le Roy. Ledit duc vint au-devant de moy, feignant chasser; car ils sont ainsi honorables aux ambassadeurs. Il me fit loger en son chasteau, en trésgrand honneur. Je le suppliay de pouvoir parler à luy à part. Il me dit qu'il le feroit, mais il monstroit signe de ne le chercher point. Je le voulois presser de ses navires, qu'il nous avoit promis par ce traicté de Verceil qui estoient en estat de partir (et encor tenoit ledit chasteau de Naples) et il feignoit de les bailler et estoit à Genes pour le Roy, Peron de Basche, son maistre-d'hostel, et Estienne de Neves: qui soudainement m'escrivirent, dés qu'ils sceurent ma venue là, se doulans de la tromperie du duc de Milan, qui feignoit de leur bailler les navires, et au contraire, en avoit envoyé deux contre nous. L'un jour respondit le gouverneur de Genes, qu'il ne souffriroit point que lesdites navires fussent armées des François, et qu'en chacun n'en mettroit que vingtcinq, avec maintes autres excuses de cette sorte, dissimulant et attendant les nouvelles que ledit chasteau de Naples fut rendu, où ledit duc sçavoit bien qu'il

n'y avoit vivres que pour un mois ou environ: et l'armée qui se faisoit en Provence, qui n'estoit point suffisante pour faire ledit secours, sans lesdites deux navires: car les ennemis avoient devant ledit chasteau grosse armée de mer, tant d'eux que des Venitiens et du roy d'Espagne.

:

Trois jours je fus avec ledit duc. L'un jour il se mit en conseil avec moy, se courrouçant que je ne trouvois pas bonne la response qu'il faisoit touchant lesdites navires et disoit que par le traicté de Verceil, il avoit bien promis de servir avec deux navires, mais qu'il n'avoit point promis de laisser monter aucuns François dessus. A quoy je respondis que cette excuse me sembloit bien maigre: et si d'adventure il me prestoit une bonne mule pour passer les monts, que feroit-il pour moy, de me la faire mener en main, et que je n'en eusse que la veuë, sans pouvoir monter dessus ? Aprés longs debats, il me retira en une galerie à part, là je luy monstray la peine que d'autres et moy avions prise, pour ce traicté de Vercei, et le peril en quoy il nous mettoit d'aller ainsi au contraire, et faire ainsi perdre au Roy ses chasteaux : qui estoit la totale perdition du royaume de Naples, et qui seroit haine perpetuelle entre le Roy et luy : et luy offris la principauté de Tarente, avec la duché de Bari: car ja il la tenoit, Je luy disois le peril en quoy il se mettoit, et toute l'Italie, de vouloir consentir que les Venitiens eussent ces places en la Poüille. Il confessoit que je disois de tout verité, et par especial des Venitiens: mais pour toute conclusion, il me dit qu'il ne pouvoit trouver avec le Roy aucune seureté, ne fiance.

« AnteriorContinuar »