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(et croy qu'il en bailla argent) et une autre place auprés appellée Mortron. Il en eut une autre aussi, appellée Librefacto, prés de la ville de Luques. Le chasteau de la ville de Serzane, qui est trés-fort, fut

mis par le moyen dudit comte monseigneur de Ligny,

entre les mains d'un bastard de Roussi, serviteur dudit comte. Une autre appellée Serzanelle, entre les propres mains d'un de ses autres serviteurs; et laissa le roy de France beaucoup de gens ausdites places: et si n'en aura jamais tant à faire: et refusa l'aide des Florentins, et l'offre dont j'ay parlé: et demeurerent ces Florentins comme gens desesperez: et si avoit sceu, dés devant qu'il partit de Sienes, comme le duc d'Orleans avoit pris la cité de Novarre sur le duc de Milan; parquoy le Roy voyoit estre certain que les Venitiens se declaroient; veu que de par eux luy avoit esté dit, que s'il faisoit guerre audit duc de Milan, ils luy donneroient toute aide, à cause de la ligue nouvellement faite et avoient leurs gens prests, et en grand nombre. Et faut entendre que quand la ligue fut concluë, que le duc de Milan cuidoit prendre Ast, et n'y pensoit trouver personne : mais mes lettres, dont j'ay parlé, avoient bien aidé à avancer des gens, que le duc de Bourbon y envoya : et les premiers qui y vinrent, furent environ quarante lances de la compagnie du mareschal de Gié, qui estoient demeurez en France (et ceux-là y vindrent bien à point) et cinq cens hommesde-pied, qu'y envoya le marquis de Saluces.

:

Cecy arresta les gens du duc de Milan, que menoit messire Galeas de Sainct-Severin et se logerent à Nom, qui est un chasteau que le duc de Milan a à deux milles d'Ast. Peu aprés arriverent trois cens cinquante

hommes-d'armes, et des gentils-hommes du Dauphiné, et quelques deux mille Suisses, et des francs-archers dudit Dauphiné: et estoient en tout, bien sept mille cinq cens hommes payez, qui mirent beaucoup à venir, et ne servirent de rien à l'intention pourquoi ils avoient esté mandés (qui estoit pour venir secourir le Roy) car en lieu de secourir le Roy, il les fallut aller secourir. Et avoit esté escrit à monseigneur d'Orleans, et aux capitaines, qu'ils n'entreprissent rien contre le duc de Milan, mais seulement entendissent à garder Ast, et à venir au-devant du Roy, jusques sur la riviere du Thesin, pour luy aider à passer; car il n'avoit nulle autre riviere qui l'empeschast. Et faut entendre que ledit duc d'Orleans n'estoi tpoint passé Ast, et l'y avoit le Roy laissé. Toutesfois, nonobstant ce que le Roy luy avoit escrit, luy vint cette pratique si friande, que de luy bailler cette cité de Novarre (qui est à dix lieuës de Milan) et y fut receu à grande joye, tant des Guelphes que des Gibelins: et luy aida bien à conduire ceste œuvre la marquise de Montferrat. Le chasteau tint deux jours ou trois : mais si cependant il fut allé, ou envoyé devant Milan, où il avoit pratiqué assez, y eut esté bien receu à plus grande joye, qu'il ne fut onques en son chasteau de Blois, comme le m'ont conté des plus grands de la duché: et le pouvoit faire sans danger, les trois jours premiers: parce que les gens du duc de Milan estoient encores à Nom, prés Ast, quand Novarre fut pris, qui ne vinrent de quatre jours aprés; mais peut-estre qu'il ne croyoit point les nouvelles qu'il en avoit.

CHAPITRE V.

:

Comment le roy Charles passa plusieurs dangereux pas de montagnes entre Pise et Serzane et comment la ville de Pontreme fut bruslée par ses Allemans.

DE Siene le Roy estoit venu à Pise, comme avez veu, et entendu ce qu'il y fit: et de Pise vint à Luques, où il fut bien receu de ceux de la ville et y sejourna deux jours; et puis vint à Pietresancte, que tenoit Entragues, ne craignant en rien ses ennemis, ne ceux à qui ils donnoient le credit : et trouva de merveilleux pas de montagnes entre Luques et ledit lieu, et aisez à deffendre à gens-de-pied : mais encores n'estoient ensemble nos ennemis. Prés dudit Pietresancte est le pas de la Seiere d'un costé, et le Roctaillé d'autre costé, marais de mer bien profond et faut passer par une chaussée, comme celle d'un étang : et estoit le pas, qui fut depuis Pise jusques à Pontreme, que je craignois le plus, et dont j'avois ouy parler : car une charette jettée au travers, et deux bonnes pieces d'artillerie, nous eussent gardez d'y passer sans y trouver remede, avec gens en bien petit nombre. De Pietresancte alla le Roy à Serzane, où fut mis en avant, par le cardinal de Sainct-Pierread-Vincula, de faire rebeller Genes, et d'y envoyer gens; et fut mise la matiere en conseil : et estois en la compagnie de beaucoup de gens de bien, capitaines:

où fut conclu par tous qu'on n'y entendroit point; car si le Roy gagnoit la bataille, Genes se viendroit présenter d'elle-mesme, et s'il perdoit il n'en auroit que faire et fut le premier coup que j'ouys parler que l'on creut, qu'il y deust avoir bataille : et fut fait rapport au Roy de cette deliberation; mais nonobstant cela, il y envoya monseigneur de Bresse, depuis duc de Savoye, le seigneur de Beaumont de Polignac (1) mon beau-frere, et le seigneur d'Aubijoux, de la maison d'Amboise (2), avec six vingts hommes-d'armes, et cinq cens arbalestriers, venus tous frais de France, par mer. Et m'esbahis comment il est possible qu'un si jeune Roy n'avoit quelques bons serviteurs, qui luy osassent avoir dit le peril en quoy il se mettoit. il me sembloit qu'il ne me croyoit point du

De moy,

tout.

Nous avions une petite armée de mer, qui venoit de Naples, et y estoit monseigneur de Miolens, gouverneur du Dauphiné, et un Estienne de Neves, de Montpellier: et estoient en tout environ huict galées : et vindrent à la Specie, et à Rapalo, où ils furent deffaicts, à l'heure dont je parle, et au lieu propre, où nos gens avoient deffait ceux du roy Alphonse, au commencement du voyage, et par ceux propres, qui avoient esté des nostres à l'autre bataille (qui estoient messire Jehan Loys de Flisco, et messire Jehan Adorne) et fut tout mué à Genes. Il eut mieux valu

(1) Jean de Polignac, seigneur de Beaumont et de Rendan, qui avoit épousé Jeanne de Jambes, sœur aînée d'Hélène de Jambes, femme de Philippe de Comines.

(3) Hugues d'Amboise, baron d'Aubijoux, frère du fameux cardinal George d'Amboise.

peu.

que tout eut esté avec nous, et encores estoit-ce Monseigneur de Bresse, et ce cardinal, allerent loger aux fauxbourgs de Genes, cuidans que leur partialité se deut lever en la ville pour eux : mais le duc de Milan y avoit pourveu, et les Adornes, qui gouvernoient, et messire Jehan Loys de Flisco (qui est un sage chevalier) et furent en grand peril d'estre deffaicts, comme ceux de mer, veu le petit nombre qu'ils estoient, et ne tint sinon à la part qui gouvernoit à Genes, qui n'osoit sortir de la ville, de peur que les Fourgouses ne se levassent, et leur fermassent les portes: et eurent nos gens grande peine à eux en venir vers Ast: et ne furent point à une bataille, que le Roy eut, où ils eussent esté bien seans.

De Serzane vint le Roy vers Pontreme: car il estoit force d'y passer: et est l'entrée des montagnes. La ville et le chasteau estoient assez bons, et en fort païs: et s'il y eut eu bon et grand nombre de gens, elle n'eut point esté prise : mais il sembloit bien qu'il fut vray ce que frere Hieronyme m'avoit dit, que Dieu le conduiroit par la main jusques à ce qu'il fut en seureté : car il sembloit que ses ennemis fussent aveuglez et abestis, qu'ils ne deffendoient ce pas. Il y avoit trois ou quatre cens hommes-de-pied dedans. Le Roy y envoya son avantgarde, que menoit le mareschal de Gié et avec luy estoit messire Jehan - Jacques de Trevoul (1), qu'il avoit recueilly du service du roy

(1) De Trevoul: Jean-Jacques Trivulce, milanois, marquis de Vigève, gouverneur de Milan, capitaine de cent hommes d'armes lombards, et de deux cens archers, lieutenant des armées du Roi en Italic; il se trouva aux batailles de Fornoue et d'Aignadel; et eut de grands emplois sous les rois Charles VIII, Louis XII et François I.

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