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formé pour le trône, pénétré de douleur, fe fait amener les Princes fes petits-fils, faifit avec transport l'aîné de ces jeunes enfans, l'enlève entre fes bras, le preffe contre fes joues mouillées de larmes, & s'écrie plufieurs fois en pleurant : « vous êtes donc mon » fucceffeur ». A ce fpectacle perfonne ne put retenir fes larmes ; & toute la cour, en filence, crut perdre le DAUPHIN une feconde fois. Ainfi, ô révolution des temps! ainfi, après la mort du célèbre Duc de Bourgogne, on vit Louis XIV, en cheveux blancs, panché fur le berceau de Louis XV, le careffer de fes mains royales, & regarder avec attendriffement, dans ce jeune enfant, l'efpérance d'un grand peuple.

Mais vous, fur qui maintenant les yeux de la Patrie font fixés, vous qui occupez la place du Prince que nous regrettons, en fuccédant à fon rang, Prince, fuccédez auffi à fes vertus.

Qu'un fi grand exemple ne foit pas perdu pour vous. Je crois entendre votre auguste père qui vous dit encore: mon fils, vous êtes né pour régner, mais votre naissance n'est qu'un hafard dangereux, votre enfance n'est qu'un état de foibleffe. A votre âge qu'êtes-vous pour l'humanité? Qu'êtes-vous pour la Patrie? Acquérez des vertus, vous mériterez des hommages. Votre rang vous promet des grandeurs; vos vertus feules vous donneront l'eftime des hommes. On vous rend des refpects, mais ils ne font point encore à vous. Ne vous y trompez pas: on honore en vous le rang qui vous eft destiné; on honore le fang de votre aïeul. Méritez qu'un jour ces refpects d'un peuple s'adreffent à vousmême. O Prince! plus avancé en âge, vous entendrez fouvent prononcer le nom de votre père. On vous demandera compte de ce qu'il eût voulu faire pour la France. Sa mort vous a

chargé d'une dette immenfe, & qu'une vie entière confacrée à l'Etat, peut à peine acquitter. Croiffez pour la Patrie. Croiffez pour la rendre heureuse. Ah! fi jamais des flatteurs cher choient à vous corrompre, fi l'oubli des devoirs que votre rang vous impose, pouvoit un jour vous égarer, alors puiffiez-vous voir la tombe de votre père! Jurez fur cette tombe d'être vertueux, d'aimer la Patrie, de travailler à fon bonheur; ou fi jamais ce trifte & utile fpectacle ne devoit frapper vos yeux, les lieux même qu'il a habités, ces lieux témoins de fes travaux, ces appartemens qui ont retenti plus d'une fois des témoignages de fa juftice & de fa bonté, tout vous reprocheroit un jour de ne pas lui reffembler. On vous remettra dans quelques années, ces manufcrits précieux où fes fentimens font tracés.

Vous y trouverez par-tout l'amour du bien public, & le defir du bonheur

des hommes. Si la vertu n'étoit pas dans votre cœur, pourriez-vous en foutenir la vue dans ces écrits? Ah! Prince! l'heureufe néceffité d'être vertueux vous environne de toute part. Les éloges même que dicte par-tout la douleur publique, font pour vous un engagement nouveau. Vous y verrez vos devoirs tracés par des plumes éloquentes. Pardonnez; j'ai ofé auffi me mêler dans la foule des Orateurs; j'ai ofé, comme citoyen, élever ma foible voix. Si elle parvient jufqu'à vous; fi l'amour de l'Etat qui m'anime, peut donner quelque prix à mon hommage; fi les vertus du Prince que j'ai loué, font furvivre cet écrit aux premiers momens de la douleur publique, ô Prince! puiffiezvous quelquefois le lire; puissieżvous, en le lifant, vous attendrir & fur la France, & fur votre augufte père, & ne pas défapprouver le zèle d'un citoyen obfcur, mais vrai &

libre, qui ne connoît de langage que la vérité, & de paffion, que celle de l'amour de fon pays & de fes concitoyens.

Tibi providendum eft ne à bonis defideretur.

TACIT.

Ον

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