Imágenes de página
PDF
ePub

cablé de douleur, envoya auffi-tôt fon fecrétaire au palais, pour avertir la Reine à fon lever que Defcartes étoit mort. Christine, en l'apprenant, verfa des larmes. Elle voulut le faire enterrer auprès des Rois, & lui élever un maufolée. Des vues de religion s'opposèrent à ce deffein. M. de Chanut demanda & obtint qu'il fût enterré avec fimplicité dans un cimetière, parmi les catholiques. Un prêtre, quel ques flambeaux, & quatre perfonnes de marque qui étoient aux quatre coins du cercueil, voilà quelle fut la pompe funèbre de Defcartes. M. de Chanut, pour honorer la mémoire de fon ami & d'un grand homme, fit élever fur fon tombeau une pyramide quarrée, avec des infcriptions. La Hollande, où il avoit été perfécuté de fon vivant, fit frapper en fon honneur une médaille, dès qu'il fut mort. Seize ans après, c'est-à-dire en 1666, fon corps fut tranfporté en France. On coucha fes offemens fur les cendres qui reftoient, & on les enferma dans un cercueil de cuivre. C'eft ainfi qu'ils arrivèrent à Paris, où on les dépofa dans l'église de Sainte Geneviève. Le 24 Juin 1667, on luj fit un fervice folemnel avec la plus grande magnificence. On devoit, après le fervice, prononcer fon oraifon funèbre; mais il vint un ordre exprès de la cour, qui défendit qu'on la

prononçât. On fe contenta de lui dreffer um monument de marbre très - simple, contre la muraille, au deffus de fon tombeau, avec une épitaphe au bas de fon bufte. Il y a deux inf criptions, l'une latine en ftyle lapidaire, & l'autre en vers françois. Voilà les honneurs qui lui furent rendus alors. Mais pour que fon éloge fût prononcé, il a fallu qu'il fe foit écoulé près de cent ans, & que cet éloge d'un grand homme ait été ordonné par une compagnie de Gens de Lettres.

LETTRE

DE M. DE VOLTAIRE

A L'AUTEUR

DE

L'ÉLOGE DE DESCARTES.

JE n'ai reçu qu'aujourd'hui, Monfieur, le préfent dont vous m'avez honoré, & la lettre charmante dont vous l'accompagnez. La mort de notre Réfident, chez qui le paquet est resté longtemps, a retardé mon plaifir, & je me hâte de vous témoigner ma reconnaissance. Vous ne favez pas combien je vous fuis redevable. Ce n'est point là un difcours académique; c'est un excellent ouvrage d'éloquence & de philofophie. Autrefois nous don nions pour fujet du prix, des textes faits pour le Séminaire de S. S.....;

aujourd'hui les fujets font dignes de vous. Il est plaifant qu'à la fuite d'un écrit fi fublime, il fe trouve une approbation de deux D.......: elle ne peut nuire pourtant à votre ouvrage, il eft admirable malgré leur fuffrage.

On ne lit plus Defcartes; mais on lira fon éloge, qui eft en même temps le vôtre. Ah! Monfieur, que vous y montrez une belle ame, & un efprit éclairé! Quel morceau que l'hiftoire de la perfécution du nommé. Voet contre Descartes! Vous avez employé & fortifié les crayons de Démosthène pour peindre un coquin abfurde qu ofe poursuivre un grand homme. Vous m'avez fait un vrai plaifir de ne pas oublier le petit Confeiller de province qui méprisait le Philofophe son frère. Tout votre ouvrage m'enchante d'un bout à l'autre, & je vais le relire dès que j'aurai dicté ma lettre; car l'état où je fuis me permet rarement d'écrire. Vous avez parfaitement féparé

le génie de Defcartes de fes chimères, & vous avez habilement montré combien l'auteur même des tourbillons était un homme fupérieur.

On m'a dit que vous faites un poëme épique fur le Czar Pierre. Vous êtes fait pour célébrer les grands hommes; c'est à vous à peindre vos confrères. Je m'imagine qu'il y aura une philofophie fublime dans votre poëme. Le fiècle eft monté à ce ton-là, & vous n'y avez pas peu contribué.

Vous faites, dans votre éloge de Descartes, un éloge de la folitude qui m'a bien touché. Plût à Dieu que vous vouluffiez partager la mienne, & y vivre avec moi comme un frère que l'éloquence, la poëfie & la philofophie m'ont donné. J'ai dans ma mazure un ami, qui eft, comme moi, votre admirateur, & avec qui je voudrais paffer le reste de ma vie ; c'eft M. D...., qu'un malheureux emploi de finance rappelle à Paris. Il vous dira

« AnteriorContinuar »