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Abbeville, 25 décembre 1812.

A Monsieur Mallard, inspecteur aux Douanes, en sa maison, Neuman Stras, no 105, à Hambourg.

J'ai reçu il y a trois jours, mon cher et excellent ami, votre lettre datée du 18 septembre; elle m'est parvenue tardivement, comme vous voyez, dans un paquet de lettres arrivé pour moi depuis mon absence qui, toutefois, est encore postérieure à la date, car j'ai quitté Paris le 15 octobre.

Vous m'accusiez et avec raison, je me justifie. L'année dernière j'étais encore à Abbeville, d'où je vous écris aujourd'hui, et je vous répondis par l'entremise d'un de nos compatriotes qui partait pour Hambourg en qualité de pharmacien. Il se nomme M. Videcocq Informez-vous s'il ne s'est pas présenté quelqu'un de ce nom. Je suis désolé qu'il n'ait pas mieux rempli le message dont il s'était chargé avec tant d'empressement.

Pardonnez-moi cette explication qui, pour être nécessaire, n'en est pas moins ennuyeuse. Parlons de choses plus intéressantes pour moi, de vous, par exemple.

J'apprends avec un plaisir extrême que votre position actuelle vous est agréable; j'y prends une part bien sincère et bien vive. Votre aimable famille doit contribuer beaucoup à votre bonheur. On trouve partout sa patrie quand on voyage avec ses enfants. Pour des amis, vous en trouverez partout aussi, ou il faudrait qu'il n'y en eût plus au monde. En ce cas même, vos excellentes qualités en feraient encore renaître.

Je ne sais pas encore bien précisément l'époque de mon retour à Paris. Mon premier soin, à mon arrivée, sera de vous expédier ce que j'ai réuni de mes poésies, c'est-à-dire le poème de Charlemagne et un volume de poésies diverses. Vous n'aurez jamais tant de plaisir à les recevoir que j'en aurai à vous les offrir.

Je regrette bien que mes voyages ne dépassent guère la Picardie. J'irais vous embrasser de bien bon cœur. Adieu. Rappelez-moi au souvenir de Mme Mallard et d'e vos charmants enfants. Ces œuvreslà valent bien mieux que les niennes.

Croyez-moi pour toujours le plus sincère de vos amis.

MILLEVOYE.

On remarquera que cette lettre a été écrite quatre ans avant la mort du jeune et respectable poëte. Millevoye on le sait, mourut en 1816, âgé de 34 ans, à la suite d'une chute de cheval.

Casimir BOUSQUET.

LES FUNÉRAILLES DE MONSIEUR, FRÈRE UNIQUE DU ROI.

Nous trouvons ce récit dans un Recueil de pièces de la Bibliothèque Mazarine, coté 274, A, 10, in-folio, un de ces recueils où l'on trouve souvent les choses les plus curieuses au moment où l'on s'y attend le moins. Il s'agit ici de Philippe, chef de la seconde maison d'Orléans, né en 1640 à Saint-Germain-en-Laye et qui porta jusqu'en 1661 le titre de duc d'Anjou. Il épousa d'abord Henriette d'Angleterre, puis Charlotte de Bavière, dont il eut le Régent.

Ed. de B.

La marche et les cérémonies qui doivent estre observées aux pompes funèbres de S. A. P. Philippe de France, Monsieur, frère unique du Roy, décédé à Saint-Cloud le 9 juin 1701, à 60 ans, 8 mois, 18 jours, les noms et qualités de tous les officiers qui seront à la marche depuis St-Cloud jusques à St-Denis.

Le corps de S. A. R. partira de St-Cloud lundy à 9 heures du soir pour estre porté à St-Denis: le roy a fait faire commandement aux bourgeois et habitans de St-Cloud de suivre le corps de feu Monsieur jusqu'au lieu de sa sépulture qui est St-Denis.

L'ouverture de la marche commencera de la sortie du Chart audit St-Cloud par quatre officiers à cheval qui viendront passer sur le pont de St-Cloud pour passer au pied de la chapelle de St-Laurent, qui suivront le chemin pour venir par le bas d'Auteuil, pour aller passer à la porte St-Honoré, qui prendront la route pour passer devant le Palais Royal, où l'on fera une pose; ensuite descendront par la rue de la Feronnerie pour aller tout du long et passer à la porte St-Denis. Le convoy sera orné d'un grand nombre de flambeaux, tous les officiers marcheront en deux hayes, où M. l'abbé de Grancé, grandmaître des cérémonies, donnera tous les ordres nécessaires. Les CentSuisses marcheront en armes et cannes. MM. les valets de pied marcheront à petit pas avec grande modestie, vestus en grand deuil; ils auront chacun un ruban pour distinguer la maison et porteront chacun un flambeau à la main. Ensuite marcheront MM. les Pages de LL. AA. RR. feu M. le duc d'Orléans, et ceux de Madame, de Monsieur, de Madame de Chartres; tous à cheval, habillés de deuil, avec de grands crespes et porteront chascun un flambeau. Les chevaux auront chascun un caparaçon de drap noir: ensuite seront les gentilshommes servant de Monsieur, aussi à cheval. Proche les carosses seront MM. les Gardes du corps qui auront des crespes à leurs chapeaux et

sur leurs bandouillières de crespe en écharpe, qui porteront chacun un flambeau à la main. A leur teste seront M. le marquis de la Ferté, leur commandant général, M. le marquis de la Farre, M. le comte d'Etampes, son fils. Le corps de feu S. A. R. Monsieur sera porté sur un grand char de triomphe, vêtu d'un grand deuil formé d'hermines et par-dessus un poël très riche et magnifique. Les chevaux seront couverts d'un velours noir, traînant, avec des croix blanches d'une moire à fond d'argent. Dans les premiers carosses du grand deuil seront MM. Tera, chancelier, de Béchamel, intendant; dans d'autres carosses seront les Aumoniers de feu S. A. R. Monsieur; les chevaux de ces carosses auront pareillement de grandes housses de velours noir, pareilles à celles du carosse de feu Monsieur. Ainsi la marche se fera de SaintCloud jusqu'à l'abbaye royale de Saint-Denis, accompagnée de plusieurs autres seigneurs, où la harangue sera prononcée et faite au Révérend père Dom prieur et ses religieux, en présence de MM. Tera, chancelier, de Béchamel, intendant, des premiers gentilshommes de feu Monsieur, M. le chevalier de Lorraine, M. le chevalier de Lesquat, M. le marquis d'Effiat, M. de Bouval, aussi accompagné de M. de Grandmaison, gentilhomme de Monsieur, et y seront présents M. le comte de Mortagnes, grand maistre d'hotel de Monsieur, M. de Verneuil, tous les officiers, et généralement les personnes de mérite qui accompagneront le corps de ce noble et vertueux prince, Monsieur, frère unique du Roy, dans ce grand convoi.

LE LIVRE DE JEANNE, par M. Pierre DARGEN. Nevers, 4860, in-4 2, tiré à 400 exemplaires.

De notre temps, quand le scandale est un moyen certain et éprouvé d'arriver en littérature à la renommée, au succès; quand on voit se multiplier et s'écouler si rapidement les éditions de livres composés dans le but évident d'attirer la foule par le misérable appât de peintures immorales et de récits honteux; de notre temps, c'est une vraie bonne fortune que d'avoir à recómmander une œuvre où l'intérêt se mêle, ou plutôt est dû à des sentiments purs, élevés, honnêtes.

Cette bonne fortune, nous l'avons aujourd'hui, grâce à M. P. Dargen son Livre de Jeanne est une noble et éloquente protestation contre les tendances funestes que nous déplorions tout à l'heure; il prouve qu'avec du talent, on peut plaire, sans flatter les passions les moins honorables de l'humanité; il prouve qu'avec une âme géné

reuse et un esprit sagement observateur, on peut émouvoir sans amollir les cœurs, charmer sans salir l'imagination.

Nous remercions vivement le jeune auteur pour tout le plaisir que nous a eausé la lecture de son livre; nous le remercions d'avoir compris qu'il est encore des esprits assez délicats pour préférer, à l'éclat menteur des héroïnes du demi-monde et de leurs sœurs de toutes les classes, la simplicité et l'innocence de sa courageuse Jeanne.

Nous regrettons seulement que M. Dargen paraisse croire que le nombre de ces amateurs du bien et du vrai soit singulièrement restreint; car il n'a fait tirer son livre qu'à cent exemplaires. Si cette détermination lui a été inspirée, non par une modestie mal fondée, mais par une défiance, Dieu merci! exagérée, nous pouvons en toute sécurité lui affirmer qu'il a eu tort. Nous savons beaucoup d'hommes de goût, beaucoup de femmes de cœur, beaucoup de mères surtout, qui feraient un accueil empressé à une œuvre dont chaque page remue les fibres les plus intimes et les plus douces de la sensibilité, sans s'écarter jamais des lois de la plus saine morale.

Aussi nous engageons fortement M. Dargen à publier bien vite une nouvelle et plus considérable édition de son livre. Ce lui sera, du reste, une excellente occasion pour faire disparaître quelques négli gences, quelques imperfections de langage qui, à son insu, se sont glissées dans son œuvre et la déparent de loin en loin.

Et puisque nous sommes en veine de conseils, nous donnerons encore à l'auteur celui de retoucher légèrement les portraits de quelquesuns de ses personnages épisodiques: on sent peut-être un peu trop qu'il est très-préoccupé du désir de donner à chacun d'eux, à mesure qu'il les met en scène, un caractère nettement accusé et tranché. Les maitres savent fondre les couleurs, ménager les contrastes, tout en dissimulant leurs procédés, et M. Dargen nous semble fait pour comprendre et s'approprier les meilleures méthodes.

Nous voudrions pouvoir raconter l'action si simple et pourtant si dramatique qui fait le sujet du Livre de Jeanne; mais nous craindrions, en y touchant, d'altérer la poétique fraîcheur de cette touchante figure. Elle seule peut dignement dépeindre les luttes, les angoisses, les défaillances poignantes mais jamais complètes, dont son âme est le théâtre.

Peut-être l'aurions-nous voulue moins constamment éprouvée, moins poursuivie par le malheur, ou mieux récompensée, à la fin, de ses longs et victorieux efforts: mais il y a une philosophie divine qui nous enseigne que toutes les félicités du monde ne sont rien auprès

des joies d'une conscience sans tache; et ce trésor-là ne fait jamais défaut à Jeanne, même aux heures les plus difficiles et les plus agitées de sa vie. Du reste, joies et tristesses, tout cela est raconté avec une émotion si naturelle et si communicative, qu'on est tenté de croire que l'auteur a, en réalité, découvert le manuscrit dans lequel une héroïque jeune fille avait déposé ses impressions et ses souvenirs. Mais non; ces pages sont bien la propriété de M. Dargen nous lui en renouve lons nos sincères compliments; car, disons-le au risque de nous répéter, il faut avoir une âme bien noble, et, en même temps, bien supérieure aux mesquines ambitions des spéculateurs du roman contemporain, pour pouvoir créer un type à la fois si intéressant, si vrai et si pur. A. G.

LA LIBRAIRIE

DE

JEAN DUC DE BERRY

AU

Château de Mehun-sur-Yevre

-1416

PUBLIÉE EN ENTIER POUR LA PREMIÈRE FOIS D'APRÈS LES INVENTAIRES
ET AVEC DES NOTES

PAR HIVER DE BEAUVOIR

Petit in-8. Paris, Aubry. imprimé avec lettres ornées et fleurons dans le style du xvIe siècle.

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