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D'abord la désignation du médaillon regardé comme étant le portrait de François Ier n'est pas de moi, elle est due à la tradition la plus régulière possible et la moins incontestable, appuyée plus tard, quand j'ai été propriétaire des médaillons par mes recherches historiques et iconographiques, qui se sont trouvées confirmer pleinement. la tradition, et m'ont fait découvrir alors un fait très-précieux pour l'iconographie; c'est la coiffure extraordinaire que blessé, le monarque dut adopter pendant sa convalescence, après la blessure qu'il reçut à Romorantin.

Lorsque M. Cambry disait (en 1800, je crois, je n'ai pas de livres ici), qu'on voyait au château de Sarcus douze médaillons, parmi lesquels se trouvait celui du roi François Ier, de Mademoiselle, des enfants de François Ier, et d'autres, il n'inventait rien; il répétait la tradition immémoriale du pays; ce que MM. de Grasse et de Sarcus, les derniers propriétaires du château répétaient, et ils le tenaient de leurs ancêtres. Ce portrait de François Ier était trop peu conforme au portrait du François Ier du Titien, que la France a adopté comme étant celui du père des lettres, pour que MM. de Sarcus et M. J. Cambry aient pu lui attribuer ce nom, si ce n'avait pas été celui de la tradition.

Aussitôt que j'ai été en possession, je me suis mis à rechercher quel portrait de François Ier avait pu servir de modèle au médaillon, et j'ai trouvé plusieurs portraits antérieurs à la blessure de Romorantin, qui rappelaient parfaitement le profil du médaillon, mais aucun n'était coiffé comme notre sculpture. Je me suis demandé quelle était cette coiffure excentrique? J'ai consulté l'histoire, et j'ai appris en détail, dans les chroniques, à Nogent, je vous aurais lu le passage, comment il avait été blessé dans le jeu des Tisons, en jouant avec ses courtisans à l'occasion de la fête du gâteau des Rois, et tout ce qui s'ensuivit, et que vous savez aussi bien que moi. Comment voulezvous, après cela, qu'avec la tradition et après la confrontation avec les portraits de François Ier faits dans le temps et avant sa blessure, et l'explication que me donnait l'histoire contemporaine, je n'aie pas adopté ce que la tradition disait, d'autant que j'avais d'autres preuves authentiques de l'exactitude de cette tradition, pour ce qui regardait les enfants de François Ier que la tradition disait également faire par

1 On sait que le Titien n'a jamais vu François Ier, il a peint d'après un portrait à lui confié, qui devait être naïf comme tous les portraits du temps faits en France, mais le grand peintre lui a donné cette tournure qui peint encore mieux le caractère du monarque que ses traits, ce qui l'a fait adopter par la France.

tie de la collection? Elle disait seulement: On y voit les fils du roi. Mais les générations modernes ne savaient plus à quels signes les reconnaître. En recherchant parmi les portraits du temps, je trouvais François d'Angoulême, alors le dauphin; Henri de Valois, et Charles d'Orléans, dessinés sur nature, et gravés ensuite par Thomas de Leu et Léonard Gaultier, et ces portraits sont identiquement ceux sculptés sur nos médaillons, et tellement semblables qu'on les a copiés jusque dans les plus petits détails, de telle sorte qu'on se demande si ce sont les gravures qui ont servi de modèles aux sculptures, ou les sculptures qui ont servi de modèles aux gravures. Il est bien probable que les mêmes dessins ou peintures, aujourd'hui perdus, ont servi de modèles et aux sculptures et aux gravures; voilà de ces choses que ni les habitants de Sarcus, ni MM. de Grasse et M. Cambry, ne pouvaient savoir ni deviner, quand ils répétaient ce que la tradition disait, ce que mes recherches ont fait découvrir et justifié.

Malgré ces faits qui sont consignés tout au long dans ma première notice, un membre du comité de la Revue des Sociétés savantes, une personne que je ne connais pas, rendant compte de ma notice, M. P. Lacroix, dit : « Il me paraît paradoxal de soutenir que ces médaillons représentent quelques membres de la famille de François Jer.... Que voulez-vous que je réponde à cela, après des preuves matérielles comme celles que je viens de citer? sinon que les revues ont besoin de rendre compte des ouvrages qui se trouvent dans les mémoires des Sociétés qui les leur adressent, car enfin c'est la matière avec laquelle les revues sont faites; les directeurs de ces revues se distribuent les volumes dont on doit rendre compte, et sans avoir toujours le temps nécessaire pour lire tout, ils en rendent compte néanmoins.

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Je ne répondrai pas à l'article de la Revue autrement que je le fais en vous écrivant; occupé en ce moment de mon Henri IV, qui ne marche pas, je ne veux pas m'en distraire, même pour copier celle réclamation.

Je vous l'enverrai donc telle quelle. Je désirerais que M. Aubry l'insérât, dans les notices bibliographiques qui précèdent ordinairement son bulletin du Bouquiniste.

Marcirau, 20 décembre.

Monsieur,

Votre bien affectionné ami,

A.-G. HOUBIGANT.

Le Bulletin du Bouquiniste offre aux amis des livres en quête de renseignements le moyen de provoquer des informations sur des points

peu connus d'histoire littéraire et de bibliographie. Il est à même de remplir en France le rôle dévolu depuis plusieurs années à une publication périodique qui a obtenu en Angleterre un vrai et légitime succès (Notes and Querries).

Permettez-moi donc d'user de votre intermédiaire pour poser deux questions auxquelles des amis des livres, plus savants que moi, auront peut-être l'obligeance de répondre :

1° Qu'est-ce qu'un ouvrage intitulé: Tableau d'une princesse représentant divers mystères et intrigues de nos temps, in-4o, sans lieu ni date? Ce livre figure au catalogue Engel (Bâle, 1743), avec l'indication de fort rare et presque inconnu. J'ai vainement, cherché quelques détails sur son compte;

Existe-t-il, soit dans un de ces recueils périodiques si nombreux d'outre-Rhin, soit publié à part, quelque travail allemand, de date assez récente, sur le Droit du Seigneur?

Agréez, etc.

BRUNER.

QUELQUES NOTES CONCERNANT L'ÉPOQUE ET L'AUTEUR DU LIVRE DES CONSOLATIONS, vulgairement appelé : Imitation de Jésus-Christ.

A Monsieur le Directeur du Bulletin du Bouquiniste.

Monsieur,

Dans son no du 15 novembre dernier, votre estimable Bulletin renferme une lettre de M. l'abbé Dufour sur un point grave d'archéologie chrétienne, je veux dire, sur les vicissitudes qu'a subies la participa tion au calice de l'autel, depuis Jésus-Christ et les apôtres jusqu'à nous. L'érudit critique a recueilli, parmi les Pères et les conciles, une foule de textes très-précis, touchant cette matière; il signale aussi qu'au xe siècle, Innocent III parle du chalumeau, jadis usité pour la communion des fidèles et qui, depuis saint Grégoire, s'est maintenu et se maintiendra sans doute à jamais dans les messes papales.

Ces prémisses, contre lesquelles nous n'avons rien à objecter, suggèrent à M. Dufour certaines conclusions, dont on serait autorisé peutêtre, sans encourir une note de rigorisme, à contester l'exacte justesse.

«L'auteur de l'Imitation, quel qu'il soit, dit-il, qui nous dépeint si « bien la vie intime du religieux, fait allusion à cet usage de com« munier avec le chalumeau : Apponam os meum ad foramen cœa lestis fistulæ (Imit. IV, 4, 4). De son temps existait donc l'usage de « la communion sous les deux espèces.

« Ce livre ne serait donc pas l'ouvrage de Thomas A-Kempis ni du « chancelier Gerson (de Grégory, hist. de l'Imit.). »

Ce passage, ainsi corroboré de la signature du président de Grégory qui, comme bien vous savez, fut, quand il vivait et par amour pour Verceil sa patrie, l'infatigable parrain du gersénisme, nous force à soupçonner M. l'abbé Dufour de quelques sympathies gersénistes. Loin de nous la pensée que l'honorable archéologue fit sérieusement remonter le livre consolateur à saint Grégoire le Grand ou aux Apôtres.

Or, la lettre en question ne vient-elle pas de nous assurer que l'usage du chalumeau, qui touche aux temps apostoliques, n'a jamais subi d'interruption et dure encore? Quoi donc d'étonnant si le bon A-Kempis, ou tout autre de ce siècle-là, le rappelle; si le savant et pieux Gerson, par exemple, y fait allusion, Gerson qui, pendant plus de trente années (de 18 à 55 ans), à Rome, à Pise, à Marseille, à Avignon, à Constance, fut commensal des cardinaux et des papes, et assista aux grandes solennités de la papauté, où il figura en relief, toujours au premier rang d'estime et d'honneur?

Donc, ce nous semble, en bonne logique, les mots Apponam os meum ad foramen cœlestis fistula, «j'appliquerai ma bouche aux lèvres du céleste chalumeau, » quand même on ne les prendrait pas dans le sens, bien net cependant, qu'ils ont au lieu cité, et qu'on s'obstinerait, avec M. de Grégory, à y voir autre chose qu'une gracieuse figure, ces mots, dis-je, ne prouveraient rien contre les droits d'A-Kempis, ui contre ceux, autrement solides, de Gerson.

Et cette proposition incidente, glissée là évidemment avec dessein: « l'auteur de l'Imitation, qui nous dépeint si bien la vie intime du religieux ?» N'est-ce pas un trait à l'adresse de Gerson ou des prétentions françaises? car ces messieurs agitent et se passent toujours la même pierre: « L'Imitation est toute monacale; et Gerson fut chancelier, « non moine; donc, cela saute aux yeux, le gersonisme est une absur« dité. >>

Mais nous n'avons eu aucune peine, nous, à recueillir cinquante passages où l'Imitation s'exprime en prêtre séculier, en grand maître de l'enseignement. D'un autre côté, plus de deux cents endroits des innombrables écrits que Gerson composa pour ses sœurs, dont cinq étaient vouées au célibat pieux, et pour ses trois frères moines (un bénédictin, deux célestins), ou à leur intention pour les autres moines, ses amis de toujours, ses confrères des dix dernières années de sa vie, nous montrent le zélé chancelier identifié avec les religieux, pensant et parlant en vrai religieux.

Cela étant irréfragable, historique, que devient la susdite objection, que Verceil et Bruges qualifient de capitale pourtant?

Et l'Imitation du xure siècle? et Gersen l'Italien? car tout cela se trouve inclus dans l'insinuation empruntée par M. Dufour au digne président de Grégory.

Ne craignez point, Monsieur, que je veuille ici rallumer le feu sur toute la ligne. Permettez-moi, seulement de renvoyer aux Études et au Gersoniana, publiés il y a quelques mois, ainsi qu'aux conclusions finales, qui vont paraître sous le titre d'Officieuse correction des derniers et bien trop nombreux errata kempistes. Je n'abuserai pas davantage en ce moment de votre obligeance et des loisirs de vos lecteurs. Trois mols, sans plus, et je finis.

Quand on recherche la paternité du Livre des Consolations, l'important est d'avoir un sûr point de départ. Or, ce point est trouvé; c'est Gerson lui-même qui l'asseoit et le fixe.

En 1412, son illustre maître et prédécesseur dans le professorat et la chancellerie, l'éminent cardinal d'Ailly, que mille chagrins venaient d'arracher au trône épiscopal de Cambray, d'Ailly demande à son pieux élève une Imitation, ou comme il le dit, une Consolation spirituelle. D'Ailly est désolé, désolé de ce qu'il ressent, de ce qu'il voit; c'était la France de Charles VI, la France d'Isabeau de Bavière et des Anglais. D'Ailly détourne ses yeux du désespérant tableau; il implore son ami: «< Écrivez-moi, lui crie-t-il, quelque chose contre ce monde a de malheur; aidez-moi à m'en déprendre, à m'attacher à jamais au « joug seul bon, seul aimable de Jésus-Christ 1. D

Voilà le point, base de l'importante thèse. N'allons pas chercher plus haut; l'érudition bénédictine y a fureté vainement à la poursuite du Gersen fantôme. Le xe siècle, le xive ne disent rien, pas une

'Nous avons donné dans le Gersoniana (p. 52-64) les réponses de Gerson aux instances de d'Ailly, charmantes lettres où déjà respire le cœur et le style de l'Imitation; l'identité est parfaite et concluante. Trompé par l'édition de Dupin, si peu correcte, nous avons transposé l'ordre de ces lettres, qu'il importe de rétablir. Voici le commencement de celle qui est en réalité la deuxième : Ex litteris binis tuæ Dignationis, reverende Pater ac Præceptor optime, palam facta est anxietas animi tui. Verè quidquid video, inquis, mihi grave est et pene importabile. Propterea commovet parvitatem ■ meam tua Dominatio ut de suavi jugo Christi scribam aliqua. Sed undè • melius exordiar, dimisso alio quolibet excusationis exordio, quam a tyran⚫nico diaboli, carnis et mundi jugo, etc., etc. Vous voyez donc bien que Gerson ne se refuse pas à la demande de d'Ailly, bien que la critique flamande essaye de montrer le contraire.

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