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à mademoiselle Delessert. « Amateur passionné de l'étude de la nature, écrivait le docteur J.-E. Smith en 1786 (4), et de Linné qu'il regardait comme le meilleur interprète de ses ouvrages, Rousseau fut toujours vivement attaché aux personnes qu'il savait partager son goût. La dame aimable et remplie d'excellentes qualités à qui ses lettres sur la botanique ont été adressées (madame Delessert) est d'accord avec moi sur ce point et a gardé la plus haute vénération pour sa mémoire. Je me suis hasardé à lui demander son opinion sur quelques actions inexplicables de la vie de Rousseau, et particulièrement sur ces accès de misanthropie et ces dé-fiances continuelles qui ont rempli d'amertume ses derniers jours. Sans nier que ces choses ne reposassent sur quelque fondement, madame Delessert me parut croire qu'il fallait cependant en attribuer la plus grande partie à une aberration d'esprit qui devait le rendre plus digne de pitié que de blâme. Sa charmante fille, ajoute le docteur Smith, me montra une collection que Rousseau avait préparée pour elle, de plantes sèches proprement collées sur du petit papier, et accompagnées des noms linnéens et de quelques notes. >>

C'est ce même docteur Smith (depuis sir James Edward) qui a dédié à J.-J. Rousseau une plante recueillie par Commerson àl'île de France, et qui porte le nom généralement admis de Roussaa simplex. Déjà Linné, avec qui correspondait Rousseau, lui avait consacré un genre que Linné fils publia, par méprise, sous le nom de Russelia, et qui a été supprimé et changé en celui de Vahlia, le genre Russelia ayant été créé précédemment par Jacquin.

On conçoit, d'après tous ces détails, combien devait être vif le penchant qui entraînait M. Benjamin Delessert, jeune encore, vers la botanique, « vers cette douce et charmante étude, pour citer encore Rousseau, qui remplit d'intéres

(1) Dans la relation de son voyage sur le continent. (Sketch of a tour, etc.)

santes observations sur la nature ces vides du temps que les autres consacrent à l'oisiveté ou à pis. » M. Delessert, mis en possession des herbiers de son frère Étienne, auxquels il joignit les siens propres, résolut de compléter, autant que possible, ses collections de plantes, de former une bibliothèque destinée entièrement et spécialement à recevoir les ouvrages écrits sur la botanique, dans toutes les langues, et de donner à cet assemblage le plus grand degré d'utilité possible en mettant le tout à la disposition des hommes studieux qui s'occupent de cette partie de l'histoire naturelle.

Les premiers matériaux réunis par M. Benjamin Delessert se sont successivement accrus, et plusieurs galeries dépendant d'un même local sont aujourd'hui affectées les unes aux herbiers, les autres aux livres.

En 1847, M. Achille Richard, actuellement professeur de botanique à la faculté de médecine de Paris, fut chargé du soin de ces collections. Elles n'avaient pas alors atteint le degré d'importance qu'elles ont maintenant, et peu de personnes cherchaient à profiter des ressources que cet établissement pouvait leur offrir.

M. Guillemin, l'un des auteurs de la Flore de Sénégambie, et qui, en 1820, avait été adjoint à M. Achille Richard, leremplaça définitivement au 1er janvier 1827. M. Richard venait d'être nommé aide de botanique au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Guillemin remplit les fonctions de conservateur des collections de M. Delessert jusqu'en janvier 4842, où la mort vint l'enlever à la science.

Nous nous proposons, nous que l'amitié et une confraternité de travail au musée botanique de M. Delessert unissaient depuis dix années à Guillemin, de consacrer, dans la suite de cet ouvrage, quelques lignes à sa mémoire.

Nous allons parcourir maintenant les galeries de M. Delessert, nous arrêtant d'abord à l'herbier, et jetant un coup d'œil sur toutes les collections qui le composent.

VIII.

GALERIES DE BOTANIQUE

DE M. DELESSERT,

DISPOSITION ET CLASSIFICATION DE L'HERBIER.

Une collection de plantes qui remonte à une époque éloignée, qui reçoit de toutes parts des augmentations, et à laquelle sont venus principalement se réunir d'anciens herbiers disposés de diverses manières, ne saurait avoir dans toutes ses parties cet aspect uniforme qu'il est facile de donner à une collection naissante. L'herbier de M. Delessert présente donc des anomalies inévitables, soit dans la nature et la teinte du papier qui renferme les plantes, soit dans la préparation des plantes mêmes; mais, sans nul inconvénient pour l'étude, ces anomalies ont l'avantage de conserver à certains échantillons le caractère particulier qu'ils tirent de leur origine, et d'offrir, pour d'autres, cet intérêt qui s'attache, d'ordinaire, aux objets qui ont appartenu à d'anciens et illustres

savants.

On a adopté pour les plantes de l'herbier de M. Delessert, à mesure qu'elles arrivent, un mode d'arrangement suivi avec une uniformité constante depuis plusieurs années. Chaque échantillon se trouve placé dans une feuille double de papier gris-blanc, un peu fort, lisse et collé, et du format

in-folio. Les plus anciennes plantes ne sont fixées par aucun lien, les autres, c'est-à-dire celles introduites récemment dans l'herbier, sont retenues sur une feuille simple de papier blanc au moyen de bandelettes étroites attachées avec de petites épingles, et cette feuille est placée elle-même dans une feuille double. Le système d'épinglage est bien préférable à celui employé autrefois par quelques personnes qui collaient la plante tout entière ou qui la cousaient par ses bords sur la feuille de papier même. Ces deux procédés ont l'inconvénient de fixer invariablement la plante sur le papier ou de ne la laisser voir que d'un seul côté, ce qui n'arrive pas dans l'épinglage qui permet pour les besoins de l'étude de détacher l'échantillon et de l'examiner sous toutes ses faces.

Chaque échantillon est accompagné dans l'herbier d'une ou de plusieurs étiquettes indiquant, autant que possible, le nom de la plante et quelques-uns de ses synonymes, sa patrie, le nom du voyageur qui l'a recueillie, l'époque où elle a été reçue et donnant en outre quelquefois les notes ou rectifications des botanistes qui l'ont particulièrement étudiée.

On a pris pour base de la classification adoptée pour toutes les plantes de l'herbier la méthode linnéenne, telle qu'elle a été disposée par Sprengel dans son Systema vegetabilium, dont l'ordre a été suivi avec la plus grande exactitude : les numéros des genres et ceux des espèces mentionnés dans cet ouvrage sont ceux donnés aux genres et aux espèces de la collection de M. Delessert, de manière que la table de l'ouvrage de Sprengel sert de catalogue à l'herbier, et comme ces numéros d'ordre sont eux-mêmes répétés sur chacune des feuilles qui enveloppent les plantes, on arrive très-promptement et avec une grande facilité à trouver le genre et même l'espèce dont on a besoin. Un catalogue manuscrit, séparé et tenu au courant, renvoie aux genres qui ne se trouvent pas dans le Systema de Sprengel, soit qu'ils y aient été omis, soit qu'ils aient été créés depuis la publication de ce livre dont le dernier

:

volume a paru en 1828. Ces genres supplémentaires rapprochés, au moyen de numéros bis, ter, etc., de ceux avec lesquels ils ont le plus d'affinité, peuvent donc s'augmenter indéfiniment sans que leur recherche en devienne jamais plus embarrassante.

Les plantes sont renfermées dans des caisses légères en bois blanc de la longueur et de la largeur du papier qui sert d'enveloppe aux échantillons. Une petite portion de l'herbier, non renfermée dans des boîtes, se trouve réunie en paquets. Ce dernier mode est adopté par quelques personnes, mais peut-être a-t-il l'inconvénient, plus que l'autre, en donnant accès à la poussière, de faciliter l'introduction des insectes dans les plantes.

Une étiquette collée avec soin sur chaque boîte ou attachée à chaque paquet indique extérieurement les numéros des genres qui y sont contenus.

Quoique, lorsqu'il s'agit de chercher un objet, toute classification est bonne qui le fait trouver promptement, il en est cependant de plus ou moins rationnelles. La classification linnéenne est préférable à l'ordre alphabétique qui remplirait pourtant le même but, mais une autre méthode l'emporte encore sur toutes les autres, c'est la méthode naturelle, c'està-dire celle qui tend à rapprocher, à grouper ensemble les êtres qui présentent le plus d'analogie entre eux et dont la série ne se trouve point interrompue par des anomalies trop sensibles. C'est d'après cette méthode qu'eût été disposé l'herbier de M. Delessert, si, à l'époque où il a été remis en ordre, il avait été possible de prendre pour guide un autre auteur que Sprengel. Mais il n'y avait pas alors d'ouvrage complet qui décrivit toutes les espèces de plantes connues, classées selon les principes de la méthode naturelle. Le grand travail de M. De Candolle, son Prodromus, était peu avancé, et plusieurs années s'écouleront encore avant qu'il soit achevé.

Les échantillons de l'herbier n'ont été soumis à aucune des préparations que nous avons indiquées plus haut pour ga

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