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plantes qu'ils possédaient, offrent-ils l'intérêt le plus grand. Une plante nommée et étiquetée par l'auteur qui l'a étudiée et décrite présente, lorsqu'il s'agit de la comparer avec un autre échantillon présumé semblable, plus de certitude que la description la plus soignée et même la meilleure figure. C'est pour cela que les botanistes qui se livrent à quelque travail sur les plantes tiennent fortement à voir les collections propres des auteurs pour lever leurs doutes. Mais que de fois ils sont obligés de renoncer à ce moyen de comparaison par la dispersion des herbiers qu'ils auraient besoin de consulter, par l'éloignement où ils se trouvent cux-mêmes des lieux où sont conservés ces herbiers! Pour remédier, autant que possible, à cet inconvénient, le professeur Schultes avait proposé, il y a déjà quelque temps, d'établir, dans tous les lieux où la botanique est cultivée avec ardeur, des herbiers tout particuliers composés seulement de plantes qui auraient été d'abord soigneusement et exactement comparées avec les collections originales des botanistes célèbres, tels que Linné, Thunberg, Pallas, Vahl, Desfontaines, Ruiz, Pavon, Willdenow, etc. On pourrait encore, selon lui, former un herbier complet des espèces linnéennes qu'il ne serait pas difficile de réunir maintenant, et cet herbier serait comparé avec celui de Linné par un botaniste capable. Au moyen de ces copies fidèles d'herbiers importants qu'on multiplierait autant que possible, les botanistes de chaque pays se trouveraient à même, dans les cas douteux, de déterminer avec précision quelle plante le grand botaniste suédois avait en vue quand il signale telle ou telle espèce (4).

De son côté le docteur Steudel, dans le but de faire arriver à la connaissance de tous ceux qui s'occupent de botanique

(1) Ce travail a déjà été fait pour l'herbier de sir Joseph Banks, à Londres. M. Dryander a comparé les plantes de cet herbier avec les échantillons authentiques de Linné, qui se trouvaient en la possession de sir James Edward Smith. Des échanges respectifs de plantes eurent lieu en même temps entre les propriétaires de ces deux herbiers.

tant de publications éparses, avait proposé de former une union de tous les botanistes du monde, et par ce moyen une sorte de tribunal botanique. Il voulait qu'il s'établit des relations constantes et intimes entre toutes les sociétés de botanique et tous les botanistes; qu'il fût formé un herbier normal et qu'aucun ouvrage ne fût cité et aucune plante regardée comme bien connue si l'union ne les avait pas approuvés ; cette association aurait en outre publié un journal général de botanique.

Nous n'examinerons pas les difficultés que pourraient entraîner ces deux projets, ni leur degré d'utilité. Il est douteux, dans le premier cas, que les botanistes voulussent ajouter aux copies d'herbiers que propose le professeur Schultes, la même confiance qu'ils auraient pour les originaux. Quant au projet du docteur Steudel, il ne nous paraît pas déraisonnable; mais malheureusement l'impossibilité de constituer un pareil tribunal, d'assujettir tous les botanistes à l'examen, à la révision, à la critique ou à la condamnation de leurs travaux. rend son idée tout à fait impraticable. En prenant les choses comme elles sont actuellement, ceux qui s'occupent de botanique savent très-bien que, sans compter les herbiers particuliers des savants qui se sont le plus livrés à cette science, ils peuvent puiser les renseignements les plus précieux dans de grandes collections publiques, telles que celles de Paris, de Londres, de Vienne, de Berlin, etc., et dans plusieurs herbiers particuliers.

Nous consacrerons un article spécial à ces diverses collections, après les notices qui vont suivre sur les grands et riches herbiers qui font partie du musée botanique de M. Benjamin Delessert.

VII.

MUSÉE BOTANIQUE

DE M. BENJAMIN DELESSERT.

Les collections trop généralisées ne peuvent rendre de grands services aux diverses sciences qu'elles embrassent. Composées d'objets fort disparates, elles joignent au faible avantage de réunir un peu de chaque chose, l'inconvénient de ne rien compléter. Dans le désir d'être sérieusement utile, M. Benjamin Defessert a voulu créer un musée purement botanique, et du moment qu'il en a eu la pensée il a toujours marché dans cette voie (1). Les collections quelles qu'elles soient ne s'amassent qu'avec un long temps et une longue

(1) M. Delessert possède, il est vrai, un cabinet de conchyliologie auquel on ne saurait en comparer aucun autre pour la beauté et pour le nombre des échantillons. M. Delessert avait commencé, il y a longtemps, à réunir quelques coquilles curieuses; il en recueillit dans ses différents voyages avec M. Étienne Delessert son frère, mais dans ces derniers temps il donna une plus grande importance à son cabinet en achetant, outre un grand nombre de coquilles des diverses parties du monde, la collection de Dufresne composée de 8,200 individus bien nommés et classés, celle de Lamarck qui faisait partie du muséum du prince Masséna qui l'avait beaucoup augmentée et qui se composait, au moment où Lamarck la vendit, de 15 288 espèces et de 50,000 coquilles au moins; enfin M. Delessert vient d'ajouter à son cabinet la collection

persévérance et M. Delessert n'a rien épargné pour que les siennes atteignissent le but qu'il s'est proposé.

Formé dans le silence, sans éclat, sans ostentation, le cabinet, ou plutôt le musée botanique de M. Benjamin Deles-sert est peu connu de la généralité du public; mais une foule de savants et d'amateurs studieux viennent journellement consulter les riches collections qu'il renferme, et il est devenu, depuis longtemps, le rendez-vous des notabilités botaniques de tous les pays.

C'est en 1788 que M. Étienne Delessert, membre de la société d'histoire naturelle d'Édimbourg, frère aîné de M. Benjamin Delessert, commença à réunir en herbiers les plantes. provenant de ses voyages en France, en Suisse, en Hollande, en Allemagne, en Danemark et aux États-Unis, ainsi qu'en Écosse et en Angleterre. Il ajouta à ses collections d'autres plantes qu'il reçut du Japon, de l'Inde, du Cap et de Ceylan. Avec son goût pour la botanique ses collections n'auraient pas tardé à prendre de l'accroissement, mais le 29 septembre 4794, à l'âge de 25 ans, M. Étienne Delessert mourait atteint par la fièvre jaune, à New-York, laissant de vifs regrets à tous ceux qui l'avaient connu et qui avaient pu apprécier son zèle, son dévouement et ses excellentes qualités.

Dès sa jeunesse M. Benjamin Delessert s'était aussi occupé de botanique. Il avait accompagné son frère dans ses voyages en France, en Suisse, en Angleterre et en Écosse, recueillant tous les végétaux intéressants de ces pays. On les retrouve encore dans ses herbiers.

M. Benjamin Delessert avait puisé le goût qui le portait vers l'étude des plantes dans les lettres de Jean-Jacques Rous

de M. Teissier, renommee pour le bel état de conservation et la fraicheur des échantillons.

La galerie conchyliologique de M. Delessert est tout à fait distincte et séparée de son musée botanique, et ce dernier est toujours de sa part l'objet d'une prédilection toute particulière.

seau sur la botanique, dans ces lettres charmantes où l'aridité de la science disparaît sous les agréments du style, et qu'on croirait, tant l'auteur a su se renfermer dans les choses les plus fondamentales, écrites d'hier, quoique 70 années au moins nous séparent de l'époque où elles ont été rédigées. Un motif touchant ramenait sans cesse M. Delessert vers leur lecture. C'est à sa mère qu'étaient adressées ces lettres, à madame Delessert que Rousseau se plaisait à nommer par amitié sa cousine. La petite, comme il la désigne dans sa première lettre, la petite, pour laquelle il traçait ses leçons, était la sœur de M. Benjamin Delessert. Madame Delessert avait voulu inspirer à sa fille, bien jeune encore, le goût de la botanique. « Votre idée, lui écrit Rousseau, d'amuser un peu la vivacité de vo"tre fille et de l'exercer à l'attention sur des objets agréa«bles et variés comme les plantes, me paraît excellente, « mais je n'aurais jamais osé vous la proposer de peur de « faire le Monsieur Josse. Puisqu'elle vient de vous, je l'ap"prouve de tout mon cœur, et j'y concourrai de même. »

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La petite, devenue depuis madame Gautier, a conservé toute sa vie le souvenir de Rousseau. Il y a peu d'années que cette dame, d'un cœur excellent, d'une bienveillance extrême, vivait auprès de ses frères, faisant encore, à un âge avancé, l'agrément de la société, par le bon ton et par le charme de ses manières.

La famille de M. Delessert conserve précieusement un herbier que J.-J. Rousseau avait fait pour madame Gautier. Cet herbier est préparé avec un soin tout particulier. Chaque échantillon parfaitement desséché se trouve fixé, au moyen de petites bandelettes dorées, sur des feuilles de papier bordées d'un cadre rouge, et les noms des plantes, écrits en français et en latin, y sont tracés de la main même de Rous

seau.

La botanique était devenue, dans la dernière partie de la vie de Rousseau, son occupation favorite. Il s'était prêté avec une grâce charmante à donner des leçons

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